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Les mercredis de Calvin (6) La providence : indépendance 0

Au cours de cette année Calvin, un passage hebdomadaire du Réformateur de Genève commenté, ou pas, par votre serviteur… Je ne suis absolument pas un spécialiste de la pensée de Calvin, il est possible que je dise des bêtises, mais c’est un auteur que j’aime bien lire

Jusqu’ici, j’ai plutôt cité du Calvin assez consensuel (en tout cas pour des protestants). Aujourd’hui et puis pendant encore au moins deux mercredi, je vais évoquer une notion important de la théologie de Calvin avec laquelle je m’offre le luxe de ne pas être d’accord. Non il ne s’agit pas de la prédestination (qu’on exagère à mon avis toujours beaucoup chez Calvin) mais bien plutôt de la providence.

Or, faire un Dieu créateur temporel et de petite durée, qui eût seulement d’un coup accompli son ouvrage, ce serait une chose froide et maigre ; il faut qu’en ceci principalement nous différions d’avec les païens et toutes gens profanes : que la vertu de Dieu nous reluise, comme présente, tant en l’état perpétuel du monde, qu’en sa première origine. Car bien que les pensées des incrédules soient contraintes par le regard du ciel et de la terre de s’élever au Créateur, néanmoins la foi en son regard spécial pour assigner à Dieu la louange entière d’avoir tout créé. A quoi tend ce que nous avons allégué de l’Apôtre, que c’est par la foi que nous comprenons le monde avoir été si bien bâti par la Parole de Dieu. Car si nous ne passons jusqu’à sa providence, par laquelle il continue à maintenir tout, nous n’entendrons pas droitement ce que veut cet article : que Dieu soit créateur, bien qu’il semble que nous l’ayons imprimé en notre esprit, et que nous le confessions de bouche. Le sens humain s’étant proposé la vertu de Dieu pour une fois en la création s’arrête là : et plus loin qu’il puisse s’avancer, n’est que de considérer et marquer la sagesse, puissance et bonté de l’ouvrier qui se présente à l’œil en ce grand et si noble bâtiment, même à qui ne veulent le regarder ; puis après il conçoit quelque opération générale de Dieu pour conserver et conduire le tout, de laquelle toute vigueur et mouvement dépend. Bref, il estime que ce que Dieu a au commencement épandu de vigueur partout suffit à garder les choses en leur état.
Or la foi doit bien passer plus outre, c’est de reconnaître pour gouverneur et gardien perpétuel, celui qu’elle a connu être créateur ; et non pas seulement en ce qu’il conduit la machine du monde, et toutes ses parties, d’un mouvement universel : mais en soutenant et soignant chaque créature jusqu’aux petits oiselets. C’est pourquoi David, après avoir dit en bref que le monde a été créé de Dieu descend tantôt après à cet ordre continuel de gouverner : Les cieux, dit-il ont été établis par la parole de Dieu, et toute leur vertu par l’esprit de sa bouche. Puis il ajoute, que Dieu regarde sur tous ceux qui habitent sur la terre, il dissipe le conseil des peuples (Ps 33 : 6, 10, 13), et ce qui est dit là à ce même propos. Car bien que tout n’arguent point si adroitement qu’il serait requis, toutefois parce qu’il ne serait point croyable que Dieu se mêlât des affaires humaines, sinon que le monde fût son œuvre, et aussi que nul ne croit à bon escient que le monde soit bâti de Dieu, qu’il ne soit en même temps persuadé qu’il a soin de ses œuvres : David procède par bon ordre, en nous menant de l’un  à l’autre. Bien est vrai, que les philosophes aussi enseignent en général que toutes les parties du monde tirent et prennent vigueur d’une inspiration secrète de Dieu, et notre sens le conçoit ainsi : mais cependant nul ne parvient en si haut degré que monte David, et y attire tous fidèles, en disant : Toutes choses attendent après toit Seigneur à ce que tu leur donnes viande en leur temps ; quand tu la leur donnes, elles la recueillent, quand tu ouvres ta main elles sont rassasiées de biens. Sitôt que tu détournes ta face, elles sont étonnées ; quand tu retires ton esprit, elles défaillent, et s’en revont en poudre ; quand tu envoies ton esprit, elles reviennent, et tu renouvelles la face de la terre (Ps 104 : 27-30). Même, bien que les philosophes s’accordent à cette sentence de Saint Paul, que nous avons notre être et mouvement et vie en Dieu (Actes XVII, 28) toutefois, ils sont bien loin d’être touchés au vif du sentiment de sa grâce, telle que Saint Paul la prêche : c’est qu’il a un soin spécial de nous, auquel se déclare sa faveur paternelle et que le sens charnel ne goûte point
Pour mieux éclairer cette diversité, il est à noter que a providence de Dieu, telle que l’Ecriture la propose, s’oppose à fortune et à tout cas fortuits. Et d’autant que cette opinion a été quasi reçue en tous âges, encore aujourd’hui est en vogue et tient tous les esprits préoccupés, à savoir que toutes choses adviennent de cas fortuit : ce qui devrait être bien persuadé de la providence de Dieu, non seulement est obscurci, mais quasi complètement enseveli. Si quelqu’un tombe en la main de brigands, ou rencontre des bêtes sauvages ; s’il est jeté en la mer par tempête ; s’il est accablé de quelque ruine de maison ou d’arbre ; si un autre errant par les déserts trouve de quoi remédier à sa famine ; si par les vagues de mer il est jeté au port, ayant évadé miraculeusement la mort par la distance d’un seul doigt, la raison charnelle attribuera à fortune toutes ces rencontres tant bonnes que mauvaises. Mais tous ceux qui auront été enseignés par la bouche de Christ, que les cheveux de notre tête sont comptés (Mat. X, 30), chercheront la cause plus loin, et se tiendront tous assurés que les événements, quels qu’ils soient sont gouvernés par le conseil secret de Dieu.
Quant aux choses qui n’ont point d’âme, il nous faut tenir ce point pour résolu que, bien que Dieu leur eût assigné à chacune sa propriété, toutefois elles ne peuvent mettre leur effet en avant, sinon d’autant qu’elles sont dirigées par la main de Dieu. Ainsi elles ne sont qu’instruments, auxquels Dieu fait découler sans fin et sans cesse tant d’efficace que bon lui semble, et les applique selon son plaisir, et les tournes à tels actes qu’il veut.
Institution Livre I §16. 1 et 2


Je l’ai dit plus haut, je ne suis pas d’accord avec Calvin quand à la providence à l’idée que tout ce qui arrive, n’arrive que par décret de Dieu. Néanmoins, je ne puis qu’être admiratif devant cette expression de la souveraineté absolue de Dieu et surtout devant son refus catégorique de laisser au monde le moindre soupçon d’indépendance par rapport à Dieu. En tout, pour tout, nous avons besoin de Dieu nous dit le réformateur de Genève. Et si je continue à affirmer que non tout n’arrive pas ni par le décret ni même la permission de Dieu, je ne puis qu’être d’accord avec lui sur ce dernier point.
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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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