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Figures bibliques (11) Abishag et l'amour en poudre

 Le roi David était vieux, avancé en âge ; on le couvrait de vêtements, mais il ne parvenait pas à se réchauffer. Les gens de sa cour lui dirent : O roi, que l’on cherche pour toi une jeune fille vierge ; qu’elle se tienne devant toi, qu’elle prenne soin de toi et qu’elle couche sur ton sein ; ainsi tu te réchaufferas ! On chercha dans tout le territoire d’Israël une belle jeune fille, et on trouva Abishag, la Shounamite ; on la fit venir auprès du roi. Cette jeune fille était très belle. Elle soigna le roi et resta à son service. Mais le roi n’eut pas de relations avec elle.

I Rois I, 1 à 4

 

L'histoire de David et Abishag pourrait provoquer des sourires égrillards ou inspirer des couplets aux carabins. Ceux qui s'obstinent à faire de la Bible un traité de morale glorifieront la  chasteté crépusculaire de David. Les érudits nous enseigneront que l'impuissance  de David, bien loin d'être ici présentée comme une vertu, est une indication de son déclin et de la fin de son règne. Cette interprétation me paraît bien plus fondée.
Mais une très jolie chanson d'Agnès Bihl me suggére une lecture déconnectée de la considération sexuelle et de l'enjeu de la royauté.


 

Il y a une forme au fond du square
Qui ne bouge pas depuis longtemps
C pas un bac, une balançoire
Ni un manège, un toboggan
Un épouvantail ça se tient droit
Et c'est trop petit pour être un arbre
Les statues ça n'a jamais froid
Et les fontaines jamais de barbe
C'est un jeune homme très agé
Mais l'age dort au fond de lui
Fruit vert traité ou retraité, tout le monde s'y trompe et moi aussi

Ce qu'il attend ce vieux brin d'homme
Choque bien les dames du bancs d'en face
C'est chaque jour une jolie mome
Qui vient le voire après la classe
Cette dame murmure, les bancs bourdonnent
Voir ce vieux coeur qui s'est trompé
Qui ose fleurir en son automne
Croquer la vie à plein dentier
Et tous les jours la cloche sonne
Il sait qu'elle ne va pas tarder
Sous sa casquette sa pipe rayonne
Ils vont pouvoir se partager
Elle lui raconte ses petits bobos
Ses rêves et puis ses mauvaises notes
Lui il devient papa gâteau
Sort des bouts de rire du fond de sa hotte
Car l'age dort au fond de lui
Tout le monde s'y trompe et moi aussi

Mais v'la qu'au détour d'une année
La gosse a grandit tout à coup
Et sans l'savoir ni l'faire exprès
A oublié son rendez-vous
Et le vieil homme aux yeux de bohème
Comprit alors du fond de son banc
Que quand on s'appelle Mathusalem
On a pas l' droit d'avoir 20 ans
Pour tant et tant de temps d'entente
Voila qui ne lui reste rien
Pour tant et tant de temps d'attente
Plus de poupée pour le pantin
Il sait qu'elle ne reviendra pas
Que c est une fausse idée de croire
Que les bourgeons ne s'envolent pas
Que les vraies fleurs sont dans les squares
Mais l'age dort au fond de lui
Tout le monde s'y trompe et moi aussi

Et chaque jour des heures qui passent
Le trouvent penché sur son balcon
Pensant s'balancer comme un piaf
Passer la rampe comme un pigeon
Mais à cet age, il n'est plus d' mise
De refuser les lendemains
Fini le printemps des cerises
Pour l'été de la saint martin
Sa pauvre vie est toute trouée
C'est même plus la peine de la r'coudre
Elle est cassée, voûtée, glacée
Et toute en miette et toute en poudre
Maintenant il a l'air de ce qu'il est
D'un vieux coeur froid aux yeux trop bleus
Voila ce que c que de semer, que de jeter d'la poudre aux vieux

Et l'age dort au bord de lui
Tout le monde s'y trompe et moi aussi
Il y a une forme au fond du square
Qui ne bouge plus depuis longtemps
C'est pas un bac, une balançoire
Ni un manège, un toboggan
Un épouvantail ça se tient droit
Et c'est trop petit pour être un arbre
Les statues ça n'a jamais froid
Et les fontaines jamais de barbe
C'est un vieil homme très âgé
Même l’âge est mal au fond de lui
Chrysanthème ou brin de muguet
Personne s'y trompe, moi si 

Agnès Bihl

 

Elle m'invite à  lire dans l'histoire de David et d'Abishag, une considération bien plus universellement humaine, celle d'une vieillesse qui a besoin de se réchauffer à la jeunesse. Il n'est pas question d'un besoin vampirique, libidineux et destructeur mais simplement du besoin de se sentir encore vivant. Il n'est pas question de nier les réalités de l'âge ou de s'illusionner sur une jeunesse éternelle mais de refuser qu'un mur infranchissable sépare l’hiver du printemps.
Et si, au delà de la chronique d'une royale décrépitude, l'histoire de David et Abishag devenait le symbole d'une rencontre possible entre jeunes et vieux ?
Et si Agnès Bihl ne s’y trompait pas tant que ça ?

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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