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Le prodige et la contestation

Massa-Mariba.JPGPrédication du dimanche 2 mai 2010

Exode XVII, 1 à 7

Marc VIII, 11 à 12

II Thessaloniciens II, 7 à 12

 

Après les eaux de Mara, puis l’épisode de la mâne, nous voici maintenant devant le rocher de Rephidim, ce rocher dont l’eau jaillit. Et si vous avez lu à la suite ces trois épisodes, sans doute avez-vous eu ressenti une certaine impression de déjà vu. Le peuple murmure contre Moïse. Moïse crie vers Dieu. Dieu répond à Moïse et un prodige s’accomplit.

Ainsi, ce texte nous parle de prodiges et de contestation.

 

         De Mara à Massa et Meriba, il y a une sorte de surenchère de miracle. Non pas dans la puissance du miracle mais dans sa visibilité ; A Mara, Moïse jetait un morceau de bois dans l’eau pour la purifier. On pourrait presque penser à un phénomène naturel. La Manne,  se dépose au sol pendant la nuit, on la trouve présente au petit matin et si l’on voit bien qu’elle est d’origine surnaturelle,  on ne sait pas d’où elle vient. A Rephidim, en revanche, tout se fait sous les yeux du peuple et on insiste bien sur cette visibilité : c’est devant le peuple que Moïse frappera le rocher du bâton et même ce geste n’a pas d’autre but que d’être visible.

         Et ce crescendo dans la visibilité des miracles montre bien que le but est moins d’intervenir de façon surnaturelle que d’enseigner quelque chose aux hébreux. Et je crois que l’enseignement est à recevoir en deux points. En premier lieu, il s’agit, bien sûr, d’affirmer la présence de Dieu auprès de son peuple, de répondre une fois pour toute à cette question : « Dieu est-il parmi nous, oui ou non ? ».

Seulement, quand on regarde la suite de l’histoire, on voit bien que le prodige de Meriba pas plus que celui de la manne ou des eaux de Mara ne parvient à convaincre le peuple. Les prodiges accomplit par Dieu ne sont jamais source de foi.

C’est aujourd’hui un lieu commun que de régler la question des prodiges accomplis par Dieu en citant le proverbe boudhiste : « quand on lui montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ». Bien sûr que le miracle est un signe et qu’il est important de comprendre ce qu’il signifie. Mais je ne crois pas que cela règle la question. La question n’est pas tant de savoir s’il faut croire ou non aux prodiges que de savoir si je crois en Dieu à condition qu’il accomplisse pour moi des prodiges ou si parce que je crois en Dieu, je crois qu’il est à mes côtés, qu’il intervient pour moi, même en faisant des prodiges.

Réclamer sans cesse des merveilles accomplies par Dieu (ou se réclamer de ces merveilles), est très certainement une manière de mettre Dieu à l’épreuve « Vas-y prouve nous que tu es au milieu de nous) mais nier toute possibilité de miracle au nom d’une foi « rationnelle », n’est ce pas nier la puissance de Dieu ? Je n’ai pas vu Moïse frapper le rocher de Massa Meriba, mais je crois que Dieu désaltère son peuple. Je n’ai pas goûté à la Manne, mais je crois que Dieu nourrit son peuple. Je n’ai jamais vu de prodige me prouvant l’existence de mon Dieu mais à travers des phénomènes spectaculaires ou non, explicables ou non, je reconnais son action pour moi.

Ne pas mettre mon Dieu à l’épreuve, ne pas nier sa présence agissante, je m’en tiens à cela quant à la question du miracle.

 

Quant à la contestation… en regardant ce scénario avec nos yeux d’hommes et de femmes du XXI°siècle, on pourrait y voir un déni de responsabilité, Moïse pourrait nous rappeler ces dirigeants qui, lorsque le peuple se plaint, évoquent des circonstances extérieures : tout ça c’est la faute à la conjoncture, à la crise, à l’Europe, etc. Je n’entrerai pas dans le débat de savoir si ces évocations sont justifiées ou non, je suis très lâche et ce n’est pas le lieu. De toute façon, je pense que c’est une fausse piste, que ce n’est pas ce dont le texte nous parle.

Commençons par enfoncer une porte ouverte : Moïse est le personnage central de l’Exode. Donc, le risque était grand de faire de lui l’acteur principal de la Sortie d’Egypte, de le prendre pour le libérateur du peuple. Et la première leçon de cette série de texte, est de bien faire comprendre que c’est Dieu qui agit, c’est Dieu qui guide son peuple, qui subvient à ces besoins et que par lui-même Moïse ne peut rien.

Et au-delà de cette leçon, on peut souligner aussi la différence d’attitude : le peuple murmure contre Moïse et Moïse crie vers Dieu. Cette différence nous amène à étudier la contestation. La contestation est autorisée dans la Bible, on a le droit d’entrer en contestation avec le roi, avec le prophète, avec le sage (je ne me prononce pas pour le pasteur) et même avec Dieu. Les exemples ne manquent pas et Job en est le plus célèbre. En revanche, tous les moyens de contestations ne sont pas bons et, dans ce texte, c’est le murmure qui est dénoncé.

Or, il faut bien constater que c’est souvent la première expression de notre contestation. Quand nous ne sommes pas d’accord avec une directive, nous murmurons, nous marmonnons, nous maugréons, le vieux français de Calvin avait un mot que j’aime beaucoup, nous jergonnons. C’est un moyen de contestation profondément satisfaisant parce qu’il nous permet d’exprimer notre désaccord sans risquer que celui contre lequel nous murmurons nous réponde, argumente, nous place devant nos contradictions et nos erreurs. C’est quand même un plaisir profond que de faire part de notre mécontentement avec des gens qui ne feront qu’opiner et surenchérir.

Seulement, si agréable soit-il, c’est un mode de contestation qui ne conduit nulle part : tout simplement parce qu’il ne s’agit jamais que d’aller contre et non pas vers. Alors que pour produire du fruit, une contestation doit permettre la rencontre. J’ai le droit de contester ce que je ne comprends pas, ce que je n’approuve pas mais pour que cela ait une quelconque utilité, il faut que je fasse entendre ma contestation à celui dont je conteste l’attitude ou la décision. Et c’est bien ce que fait Moïse : il crie vers Dieu. Il crie, c'est-à-dire qu’il supplie, il fait sienne la plainte des hébreux.

Aussi, si nous contestons contre Dieu, et je devrai plutôt dire quand nous contestons contre Dieu - en effet, que nous croyons ou non, qu’il agit de manière visible et sensible dans notre histoire, qu’il accomplit des prodiges, il est bien des situations où nous ne comprenons plus son action ou son inaction, comment dès lors ne pas contester contre lui que nous appelons Seigneur et Sauveur ? quand nous contestons contre Dieu, dis-je, n’en restons pas à marmonner et à maugréer contre Dieu ; De toute façon, il connaît nos pensées les plus secrètes. Alors, osons lui crier notre plainte, notre révolte, notre colère. Ainsi la contestation restera prière, elle ne sera pas contestation contre Dieu qui nous couperait de notre Père mais elle sera une contestation vers Dieu qui ouvrira un dialogue, une réponse possible, et sans doute, une conversion.

 

Oui Frères et sœurs, que notre plainte ne soit pas murmure contre, mais qu’elle soit un cri vers et qu’ainsi, dans notre plainte même, nous exprimions notre confiance en Dieu notre Père qui nous entend et nous répond.

 

Amen

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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