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Les deux crucifiés

Les deux crucifiés

Prédication du 1er décembre

Luc 23, 35-43

Philippe

A première vue, ce texte est archi connu : Nous savons que le « bon larron » reconnait Jésus, et nous sommes sûrs d’être dans le camp du « bon larron ». Ce texte n’aurait-il que peu d’intérêt ?

Eric

Avant même d’être sûrs d’être dans le camp du bon larron, nous sommes sûrs qu’il y a un bon et un mauvais. Et c’est peut-être pour cela que cet épisode nous paraît parfois un peu fade, un peu naïvement moraliste avec son méchant et son gentil. Pourtant le texte, ne nous parle pas de bon ou de mauvais, il nous parle de deux criminels. Alors, puisque leurs crimes respectifs les mettent à égalité, que reprochons-nous à celui que nous appelons mauvais ?

Philippe

Nous lui reprochons sa moquerie : « comment ose-t-il au moment de mourir se moquer du Seigneur ? ». Avez-vous remarqué ? Cela a été ma première réaction, et c’est surement notre première réaction à tous !

Eric

Avant même la moquerie par rapport au Christ, c’est la moquerie par rapport à celui qui souffre, qui personnellement me gêne, l’idée que même cloué sur une croix on trouve encore le souffle pour enfoncer celui qui est dans la même situation. Bien sûr, cette réaction est humaine, mais c’est bien l’humanité de cette réaction qui est un peu désespérante : la souffrance n’entraîne pas la solidarité entre ceux qui souffrent, bien au contraire elle dresse ceux qui souffrent les uns contre les autres.

Bien sûr, il y a aussi, cette incapacité à reconnaître Jésus Christ. Mais là, le mauvais larron n’est pas le seul…

Philippe

En effet, les témoins au pied de la croix, comme le mauvais larron, sont déçus, ils attendaient un roi, ou un prophète. Ils ont cru au moment des miracles, au moment des rameaux, mais sans comprendre la nature du Royaume. Au moment où tout s’effondre, certains se cachent, d’autres doutent. La moquerie pour certains est un moyen d’exprimer leur déception d’avoir cru. D’autres font semblant de ne pas être concernés…

Ce spectacle de la croix, le mal dans nos vies, suscitent en nous des doutes, des révoltes. En cette période l’Avent, nous pensons plus à la Nativité, aux joies de Noël. Nous oublions que le Christ est né dans le dénuement, et mort sur la croix.

Nous voudrions ne pas voir ce spectacle de ceux qui souffrent. Alors, nous réagissons un peu comme cette foule : en faisant semblant d’ignorer le mal, en étant révoltés, ou en rejetant la faute sur les autres : « c’est leur faute : ils n’avaient qu’à pas… »

En relisant bien ce texte, nous ne sommes donc pas surpris par l’attitude de ces témoins déçus. Nous comprenons un peu mieux ce brigand qui crie son désespoir « sauve nous ».

Eric

De la moquerie désespérée du premier crucifié, au souviens toi de moi, du deuxième, cela nous amène au deuxième larron…

Philippe

Le bon larron est comme son compère. Pour tous, pour nous, c’est une crapule. Pourtant il reconnait sa faute « pour nous c’est justice, car nous recevons ce qu’ont mérité nos actes ». Et il ne cherche pas d’excuses comme « ce n’est pas ma faute ». Il ne perd même pas son temps à ressasser sa vie, ses erreurs.

Eric :

Oui je crois que tu as raison, nous ne devons jamais perdre de vue qu’au regard du texte biblique, ce n’est pas un bon larron, c’est un bandit crucifié. Comment ce bandit devient-il « bon » à nos yeux ?

Philippe

Il manifeste d’abord de la compassion pour Jésus. Tu parlais de l’absence de solidarité entre ceux qui souffrent, mais dans cette scène de désespoir, c’est pour nous une première lueur d’espoir. Dans la pire des situations, malgré sa terreur et sa souffrance, cet homme nous donne une leçon d’humilité et de foi.

Eric

De foi ?

Philippe

Oui, ce crucifié comprend que Jésus est différent d’eux : « celui-ci n’a rien fait de mal ». Enfin, il témoigne, d’abord en interpellant l’autre larron, puis en s’adressant à Jésus.

Cet homme que tout condamne, ne cherche pas à se justifier. Il a tout à coup un comportement de disciple !

Malgré sa souffrance et sa peur, il manifeste d’abord de la compassion, il cherche Dieu, il reconnaît confusément la divinité de Jésus. Il croit et il témoigne !

J’avoue aussi être surpris : il ne demande pas à Jésus de le sauver immédiatement, un salut matériel. Dans la même situation, c’est ce que j’aurais fait !

Eric

Ce qui te met du côté du mauvais larron, mais je te rassure, tu n’es pas le seul. C’est sans doute ce que nous faisons tous un peu.

D’ailleurs, c’est peut-être pour cela que nous avons surnommé ce deuxième crucifié : « le bon larron » : il est devenu exemplaire. L’Eglise nous enseigne, très rapidement, que c’est ainsi qu’il faut prier ; sans demander de choses trop matérielles, sans poser trop d’exigence, sans être trop pressé « Souviens-toi de moi, quand tu seras dans ton Royaume », c’est un peu la prière chrétienne idéale, si on en croit certains discours…

Philippe

« … aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ». Cette promesse de Jésus corrige la demande du deuxième larron.

Nous croyons, parfois avec des doutes, que ce vaurien est pardonné. Nous sommes plus interpellés par cet « aujourd’hui ». La Bible ne nous parle pas clairement de cet au-delà. Nous pensons souvent à l’image lointaine de l’Apocalypse, au retour du Christ dans la gloire.

A cette espérance vague du brigand « souviens-toi de moi… », Jésus répond par une certitude : « aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ». Jésus nous veut avec lui sans attendre. Le paradis n’est donc pas dans un avenir incertain, réservé à une élite, quand le règne de Dieu sera installé sur la terre.

Malgré ses fautes, le larron est pardonné sans condition, parce qu’il a cru. Cet avenir avec Jésus n’est pas une utopie, mais une certitude : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28.20).

Pour nous c’est un double encouragement :

- Ce brigand à peine repenti, est accueilli par Jésus parce qu’il a cru. Le salut offert par Jésus est donc pour nous tous quelque soient nos faiblesses.

- Ce paradis que nous ne concevons pas clairement nous est promis. Nous ne savons pas comment, mais nous savons avec qui, avec Jésus.

Pourtant dans ce texte, un dernier point me gêne. Et ce « mauvais larron » ? Est-il rejeté ?

Eric

Là, tu me poses une colle. Je ne sais pas quel est le sort de ce « mauvais larron ». Tout simplement parce que le texte biblique ne m’en dit rien. La seule chose que je sais, c’est que, comme tu l’as dit, ce premier crucifié n’est pas différent du reste de la foule, de cette foule pour laquelle Jésus supplie, selon un autre témoin, « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». L’ignorance, l’incapacité à reconnaître du premier larron, je n’arrive plus à l’appeler « mauvais » n’est finalement pas vraiment surprenante.

Ce qui est surprenant dans ce texte, c’est qu’au pire moment, au moment où il nous paraît impossible de croire, une confession de foi vient du pire des hommes.

Frères et soeurs

Nous croyons souvent que le malheur, la détresse rendent impossible la foi, ce texte vient nous dire qu’au contraire, la foi se fraye un chemin dans les cœurs les plus improbables, dans les situations les plus inattendues.

Et il est bon de nous le rappeler aussi dans cette période de l’Avent, tout autour de nous, les guirlandes, les sapins et les lumières envahissent les boutiques, les chants de Noël inondent déjà les rues. Et nous pouvons un peu nous poser la question, dans cette débauche de clinquant et de consommation, saurons nous rappeler la naissance d’un sauveur méconnaissable, d’un enfant sans abri, d’un émigré en fuite.

Alors, rappelons-nous le « bon larron » qui nous donne cette espérance d’un témoignage inattendu, réjouissons-nous des invraisemblables témoins que Dieu suscite.

Amen

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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