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Ressuscitons les morts !

Ressuscitons les morts !

Prédication du dimanche 5 juin 2016

I Rois 17, 17à 24Luc 7, 11-17

Jésus a ressuscité le fils de la veuve de Naïn, et alors ?

Je sais que cela peut paraître un peu choquant comme question, voire assez inhumain. Comment puis-je oublier la joie de cette malheureuse veuve voyant son fils revenir à la vie. Bon.

Jésus a ressuscité le fils de la veuve de Naïn. Quelle joie, quel bonheur pour elle !!!! Et alors ?Combien de veuves ont pleuré et pleurent encore leurs fils uniques et n’ont pas eu la chance que Jésus ou Elie passent par là ?

Vous voyez que si on la prend sur un niveau psychologique, cette résurrection du fils de la veuve de Naïn prend un goût terriblement amer voire douloureux… Combien d’hommes et de femmes pleurent des êtres qui leurs sont chers sans voir les disparu s revenir à la vie ?

Ah mais justement ! Les résurrections des fils des veuves de Naïn et de Sarepta nous assurent que Dieu est plus fort que la mort et qu’une résurrection est promise.

Pourtant, Paul l’affirme, l’assurance que Dieu est un dieu de vie, qu’il est plus fort que la mort, la promesse de la résurrection, tout cela est contenu dans la résurrection de Jésus Christ. Alors qu’est-ce que la résurrection du fils de la veuve de Naïn ajoute à Pâques ? Celui qui douterait de la promesse contenue en la résurrection de Jésus serait-il plus convaincu par le récit de la résurrection du fils de la veuve de Naïn ? Cela me paraît peu vraisemblable…

En fait, les résurrections du fils de la veuve de Sarepta et de celui de la veuve de Naïn ont la même conséquence : écoutez

La femme dit à Elie : Je reconnais maintenant que tu es un homme de Dieu, et que la parole de l’Eternel dans ta bouche est vérité. » (I Rois 17, 24)

Tous furent saisis de crainte, et ils glorifiaient Dieu, disant : Un grand prophète a paru parmi nous, et Dieu a visité son peuple. Cette parole sur Jésus se répandit dans toute la Judée et dans tout le pays d’alentour. (Luc 7, 16-17)

Dans les deux cas, il s’agit finalement moins d’affirmer la puissance de Dieu que de poser l’authenticité du témoin.Donc ressusciter le fils de la veuve, cela devrait être notre signature, à nous, qui sommes appelés à être témoins de Dieu !Seulement… Seulement voilà, nous ne ressuscitons pas les morts !

Vraiment pas ? En sommes-nous si sûrs ? Devons-nous nous lamenter une fois de plus sur notre faiblesse humaine et sur notre incapacité à témoigner de la Parole et de la présence de Dieu ?

Nous ne ressuscitons pas les morts… Mais qu’est-ce que ces textes nous disent sur ressusciter les morts ?

Elie invoqua l’Eternel, et dit: Eternel, mon Dieu, est-ce que tu affligerais, au point de faire mourir son fils, même cette veuve chez qui j’ai été reçu comme un hôte ? I Rois 17

En la voyant le Seigneur fut pris aux tripes pour elle Luc 7

Elie s’inclut dans son intercession pour la veuve, ce n’est pas juste elle qu’il présente à Dieu et Jésus est ému aux entrailles. Ressusciter les morts, c’est d’abord être pris de compassion. La compassion va bien au delà de la pitiè. Compatir c’est souffrir avec, c’est faire sienne la souffrance de celui ou de celle qui pleure, la porter dans sa propre chair. Nous sommes émus par la souffrance de nos frères et de nos sœurs mais la faisons-nous vraiment nôtre, au point qu’elle nous soit insupportable ?

Elie s’étendit trois fois sur l’enfant I Rois 17

Jésus s’avança et toucha le cercueil Luc 7

Ces deux précisions sont du même ordre : dans le judaïsme, il convient de s’abstenir du contact avec un cadavre sous peine d’être soi-même souillé. Ressusciter les morts, c’est entrer en contact avec la mort, avec la souffrance. C’est refuser de rester dans sa tour d’ivoire et aller là où ça fait mal.

Cela veut dire bien sûr, aller sur le terrain, d’abord, dans la réalité de ceux qui souffrent.

Cela peut vouloir dire aussi reconnaître notre propre lien avec la mort, avec ce qui détruit. Cela va bien plus loin que juste se dire que nous ne sommes pas parfaits, c’est se rappeler que la pureté que nous prétendons garder, la sécurité que nous voulons maintenir ne sont qu’illusoires : qu’elles ne sont qu’un faux prétexte pour nous tenir à l’écart de la souffrance.

Elie prit l’enfant et le donna à sa mère. I Rois 17

Jésus le rendit à sa mère Luc 7

Ressusciter les morts, c’est rétablir les liens rompus. Et donc c’est faire œuvre de réconciliation, de pardon.

La résurrection des morts, nous parait hors d’atteinte ? Soit ! Mais qu’en est-il de rétablir des liens ? Qu’en est-il de la réconciliation et du pardon ? Combien de liens avons-nous rétablis avec nos sœurs et nos frères, entre nos sœurs et nos frères ? De combien de réconciliations avons-nous été les artisans ? Le nombre sera-t-il un peu plus élevé que celui des morts que nous avons ressuscités ?

Ou bien notre foi nous pousse-t-elle plus à faire de la maçonnerie que du macramé , à dresser des murs plutôt qu'à nouer les humains entre eux ?

Je n’oublie pas les deux points communs les plus évidents : dans les deux cas, une veuve a perdu son fils unique, un avenir a été coupé. Ressusciter les morts, c’est permettre de repartir, c’est faire sortir de l’impasse. C’est ouvrir des chemins nouveaux, même improbables…Ressusciter les morts, c’est aussi refuser la fatalité. Peut-être que la fatalité de la mort nous dépasse. Mais vraiment refuser la fatalité de la vengeance, dire non à la peur, dire non à l’oppression et à l’injustice, est ce hors de portée pour nous ?

Nous avons survolés les principaux points communs entre ces deux résurrections, je voudrais que nous repérions aussi les deux différences. Puisque Jésus copie ouvertement sur Elie, voyons ce qu'il apporte de plus à cette résurrection du fils de la veuve.

Tout d’abord, Luc précise que « le mort s’assit et se mit à parler ». Ressusciter les morts à la manière de Jésus c’est donc rendre la parole.

Non pas seulement parler, non pas seulement laisser parler, surtout pas ouvrir le débat dont sortirait vainqueur le meilleur orateur mais vraiment donner la parole, permettre à chacun de dire ce que, lui, ressent.

Et finalement, donner la parole, c’est peut être bien une manière de poser tous ces gestes de résurrection évoqués.

Ne pas parler pour ceux qui souffrent mais vraiment leur donner la parole n’est ce pas entrer dans une véritable compassion ? N’est-ce pas oser entrer en contact avec la souffrance, avec le mal, avec la mort (ce qu’ils diront n’est sans doute pas ce que nous voulons entendre)

Donner la parole à ceux qui sont fâchés, n’est-ce pas la voie principale de la réconciliation ? Donner la parole aux victimes et aux bourreaux, c’est la voie qu’à choisit l’Afrique du Sud après l’abolition de l’Apartheid.

Oui, si notre Eglise ne peut pas ressusciter les morts, elle pourrait être une Eglise qui donne la parole. Non pas une Eglise muette ou effacée, mais une Eglise dont le témoignage actif de Jésus Christ serait de donner la parole aux muets.

Une Eglise qui donne la parole au lieu de parler ou de laisser parler, ce serait peut-être encore plus inattendu qu’une résurrection…

A qui donner la parole ? Eh bien, alors qu’Elie ressuscitait le fils de sa logeuse, d’une veuve qui l’ « avait accueilli » chez elle, Jésus, lui, ressuscite un mort inconnu, le fils d’une femme rencontrée au hasard du chemin.

Nous sommes appelés à poser des gestes de résurrection, à rendre la parole non seulement à celles et ceux de nos cercles ou de notre foi, pas seulement pour celles et ceux qui nous sont sympathiques, mais bien pour tous ceux que nous rencontrons sur nos chemins.

Frères et sœursJe vous invite à la prière

Ô Dieu

Nous te reconnaissons comme Seigneur de la vie

Donne-nous la force de poser les gestes de résurrection

Que tu attends de nous.

Ouvre nos cœurs à la véritable compassion

Donne-nous l’audace de nous frotter à la souffrance et à la mort

Et d’affronter nos propres blessures et notre propre mort

Inspire nous des paroles et des actes de réconciliation

Donne-nous d’être comme Jésus Christ,

De ceux qui ouvrent la bouche des muets

De ceux qui délivrent la parole

Amen

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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