Fatigués et chargés
Publié le 9 Juillet 2017
Prédication du 9 juillet 2017
En ce temps d’été où pour beaucoup, les vacances commencent, il est bon de parler de repos… Sauf qu’en fait, nous n’allons pas parler de repos, mais d’appel ainsi que de joug et de fardeau...
« Venez à moi… » Jésus appelle. Et qui appelle-t-il ? Quels sont les prérequis ? Faut-il être un homme ? Faut-il être juif ? (ce sont deux critères qui auraient fait sens à son époque Bien portant ? Valide ? De quel parti, de quel courant faut-il être ? Quels sont les diplômes requis ? A quelle catégorie socio-professionnelle faut –il appartenir ? Quelle couleur de peau faut-il avoir ?
Au moins, faut- il être respectable ? Avoir une bonne moralité ? Etre croyant ?
Rien de tout cela.
Pour être appelé par Jésus, il faut simplement répondre à un de ces deux critères : « être fatigué » ou « avoir été chargé »
Venez à moi, tous qui êtes fatigués. Jésus ne sélectionne pas certains types de fatigue, il ne s’interroge pas sur les causes de la fatigue, il ne distribue pas des brevets de pénibilités. Il laisse simplement à chacun et à chacune la possibilité de reconnaître sa fatigue. Et il prend cette fatigue au sérieux. Jésus n’est pas de ceux qui disent « tu n’en rajoute pas un peu, là ? »
Venez à moi, tous qu’on a chargés. Non seulement Jésus voit notre fatigue, mais il voit aussi les fardeaux qu’on nous a imposés, les blessures que nous avons subies.
Voilà à qui Jésus s’adresse : celles et ceux qui sont fatigués, qui sont las, qui en ont marre, celles et ceux qu’on a chargé de souffrance, d’obligation, de culpabilité, de peur…
Et puisque nous sommes ici en réponse à son appel, nous devrions nous rappeler qu’ici, ce n’est pas le cercle des dévots et des gens biens, ce n’est même pas l’assemblée des fidèles, ici, c’est le lieu de celles et ceux qui sont fatigués et chargés, de celles et ceux qui ne vont pas bien. (D’ailleurs si j’étais d’un naturel optimiste, je me réjouirais de ce que nous soyons peu nombreux)
Jésus nous appelle au repos… Enfin, c’est quand même un repos qui commence mal : « prenez sur vous mon joug ». Ahah ! C’était donc un piège !
Jésus a aussi des choses à nous faire porter.
Eh oui, pour nous donner le repos, Jésus ne nous invite pas à nous délester de tout ce qui n’est pas nous même pour nous abandonner à un doux farniente. Il nous appelle à apprendre, et à apprendre de lui.
Jésus nous appelle donc à changer d’école, à voir le monde différemment de la manière dont nous avons appris à le voir. Notre sagesse humaine, notre intelligence , ce qui nous permet de lire le monde, ne nous permettent pas de voir et de comprendre l’amour de Dieu. Cet amour de Dieu, c’est dans l’enseignement de Jésus qu’il nous sera révélé. (et une fois cet amour révélé, rien n’empêche de relire le monde à la lumière de cet enseignement). Mais, nous mettre à l’école de Jésus, cela ne nous est pas naturel, c’est donc nous charger de quelque chose qui ne vient pas de nous.
Mais ce fardeau est léger, ce joug est facile. En fait, se mettre à l’école de Jésus, ce n’est pas renoncer aux deux grands commandements de la loi de Moïse, bien au contraire, c’est les recevoir dans toute leur portée, dans tout leur poids : Tu aimeras le Seigneur ton dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée et tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Ce joug est facile, ce fardeau est léger, à condition de savoir comment le porter. Se mettre à l’école de Jésus, doux et humble de cœur, c’est apprendre justement à plier les genoux pour porter un tel poids.
Etre humble devant Dieu, cela ne signifie pas n’avoir aucun doute, ne poser aucune question. Je crois que Job est une figure d’humilité et il n’hésite pas à crier vers Dieu toute sa révolte et sa colère. Mais contrairement à ses amis, Job n’est pas un sachant. Or, l’humilité devant Dieu consiste justement à reconnaître qu’on ne sait pas, que nous ne sommes que des chercheurs, des chercheurs avec des convictions, avec des refus, mais ni ces convictions ni ces refus ne peuvent être considérés comme des savoirs.
Le deuxième aspect de l’humilité, c’est la confiance. Dieu nous dit qu’il nous aime, eh bien je dois avoir l’humilité d’admettre ce verdict, même, et surtout, quand, je ne me sens pas aimable. C’est être humble devant Dieu que d’abandonner le verdict que nous posons sur nous-même pour accepter le sien…
Cette humilité devant Dieu entraîne la douceur pour nos frères et sœurs : si je reconnais que je ne suis pas un sachant Dieu mais un cherchant Dieu, cela ne peut que me conduire à me montrer plus patient, plus ouvert aux convictions des autres… Et si je sais que je suis aimé de Dieu, indépendamment de mes propres mérites, je peux aussi reconnaître que l’autre est aimé de Dieu…
Et il nous faut noter que Jésus lui-même est doux, notre maître, notre enseignant est doux : son école n’est pas une de ces écoles où il faut réussir pour être. A son école, on a le droit à l’échec, à l’erreur sans pour autant cessé d’être au bénéfice de son appel à porter un joug facile, un fardeau léger…
Cette humilité et cette douceur sont des fardeaux, des charges qui ne viennent pas de nous-même, mais elles sont faciles à porter parce que justement, les choses deviennent plus facile quand j’abandonne l’idée de me tenir vent debout, droit dans mes bottes, quand j’accepte un peu de renoncer à la haute idée que j’ai de moi-même…
Enfin, frères et sœurs, je voudrais revenir sur notre petit nombre ici, et sur mon pessimisme. Je ne crois pas que si nous sommes si peu nombreux, c’est que tout le reste des estivants ébroïciens va bien. Je crois que beaucoup de celles et ceux qui sont fatigués et chargés ignore qu’ici, leur charge sera délestée, leur fatigue sera reconnue…Notre Eglise devrait être ce lieu où l’on sait que quand on viendra, on nous ne chargera pas d’un poids, d’un jugement supplémentaire… Notre Eglise devrait être ce lieu d’accueil pour tous ceux qui sont fatigués et chargés… Notre Eglise devrait être un lieu de douceur et d’humilité, c’est le seul fardeau que nous ayons à porter et il est léger…