Avec Ninive, du désespoir à l'espérance

Publié le 23 Janvier 2018

Philippulus à Ninive (d'après Philippe Galle et Hergé)

Prédication du 21 janvier 2018

Jonas 3, 1-10

Un prophète arpente les rues de Ninive en clamant sa destruction prochaine. Il a à peine parcouru un tiers de la ville que la nouvelle se répand comme une traînée de poudre. Et la ville entière se transforme.

15 000 scientifiques lancent un appel, c’est – disent-ils, le second avertissement, 25 ans après le premier. Si l’humanité continue ainsi, nous allons à la catastrophe. Et force est de constater que nous n’avons pas changé grand-chose à nos habitudes…

Alors, sommes-nous pire que les ninivites ?

De nombreuses raisons viennent expliquer notre comportement, et, entre autre, il me semble que, contrairement aux ninivites. nous ne sommes pas encore entré dans le cycle du désespoir et de l’espérance.

Et puis, il faut bien dire que les ninivites ont un avantage, ils sont les personnages d’un conte, alors il leur est un peu plus facile de changer de comportement. Mais écoutons tout de même ce que ce conte de Jonas nous enseigne sur le désespoir et l’espérance. Un enseignement qui nous parle de liberté, de folie et d’action.

 

« Dans quarante jours, Ninive sera renversée » Paradoxalement, cette annonce laisse aux ninivites une grande liberté. Bien plus de liberté, en tout cas que si Jonas leur avait dit «si vous ne faites pas ceci ou cela, Ninive sera détruite ». Face à un commandement, les ninivites n’auraient eu que deux choix, obéir ou ne pas obéir. Alors que devant l’annonce de la chute de leur ville, les ninivites pouvaient ne pas croire cet étranger. Bon cette possibilité-là, elle est aussi donnée avec un commandement. Mais face au commandement, il n’y a en fait que deux choix : soit on obéit, soit on désobéit. Alors que face à l’annonce de la destruction, finalement tous les choix sont ouverts, puisqu’après tout, dans quarante jour, Ninive sera renevrsée.

Les ninivites auraient pu fuir en avant en disant « mangeons et buvons puisque demain nous mourrons », il auraient pu quitter leur ville, ou invoquer leur propres dieux, et bien d’autres attitudes encore auraient été possible mais les voilà qui prennent le deuil, les voilà qui font comme si l’annonce était déjà réalisée.

Et voilà que ce deuil spontané, cet expression de désespoir absolu, le roi de Ninive va lui donner une autre signification « que tous portent le deuil et qui sait ? peut-être Dieu reviendra-t-il sur sa décision »

« Qui sait ? » « Peut-être ». Le roi de Ninive ouvre un possible, il transforme le deuil du désespoir en deuil d’espérance. Et dans son espérance, il laisse la liberté à Dieu. Il ne dit pas « si nous prenons le deuil, Dieu devra changer d’avis ou ce ne serait pas juste, ou pas gentil, ou que sais-je encore ». Il laisse à Dieu sa liberté et sa souveraineté. Il ose juste un « peut-être »

 

La deuxième caractéristique de ce passage du désespoir à l’espérance, c’est le déraisonnable, pour ne pas dire, carrément la folie.

En effet, est-ce bien raisonnable de la part des habitants de Ninive et de leur roi de faire à ce point confiance à un étranger qui vient déambuler dans les rues en annonçant « la fin est proche ». Jonas dans les rues de Ninive m’évoque toujours Philippulus, le prophète, vous connaissez peut-être ce personnage de Tintin qui arpente la ville vêtu d’une toge et armé d’un gong en proclamant « le châtiment ! le châtiment ! ».

Est-ce bien raisonnable face à l’annonce d’une destruction d’anticiper cette destruction en portant le deuil ? C’est humain, certes mais raisonnable ? Est-ce bien raisonnable de faire de ce même deuil la possibilité que la destruction n’ait pas lieu ?

Enfin, est-ce bien raisonnable d’étendre ce deuil aux animaux ?

A travers tous ces petits signes de déraisons, nous voyons que la liberté qui marque le désespoir autant que l’espérance semble bien s’affranchir des limites de la raison humaine.

 

Enfin, il nous faut noter que dans leur désespoir et plus encore dans leur espérance, les ninivites ne sont absolument pas passifs dans ce récit. Ninive prend au sérieux l’annonce de sa destruction, pour autant la ville n’est pas prostrée mais bien en pleine effervescence. L’annonce de Jonas se propage trois fois plus vite que Jonas ne marche, le roi réagit immédiatement à l’attitude de son peuple, et le deuil lui-même ne consiste pas à se recroqueviller dans un coin pour pleurer, c’est un deuil actif, dynamique.

 

Cette espérance caractérisée par la liberté, la folie et l’action, n’est pas réservée aux ninivites. Elle peut et doit devenir notre espérance à nous lecteurs de ce texte.

 

Ca, ça peut vous inquiéter un peu. La folie ? Ce pasteur va-t-il nous appeler à faire prendre le deuil à nos animaux, à déambuler avec un gong en annonçant que dans quarante jours Versailles serait détruite… Hmmm, ça pourrait être une idée mais je crois que la Bonne Nouvelle de Jésus Christ nous ouvre à d’autres folies. La folie de l’amour des ennemis, la folie du pardon des offenses, la folie de l’annonce.

En effet, avec les ninivites, nous recevons cet enseignement de l’amour de Dieu, un amour qui rend tous les renouveaux possibles. Mais avec Jonas (et j’espère plus rapidement que lui (vous lirez le chapitre 4) avec les premiers auditeurs de cette histoire, nous découvrons que même dans Ninive, la grande ville de méchanceté, la Parole de Dieu peut être entendue, reçue et porter du fruit.

Et sur l’annonce, le conte de Jonas est également porteur d’enseignements

         En effet, pour les ninivites, deux personnages sont porteurs d’un enseignement sur Dieu. Jonas, le prophète bien sûr mais aussi ce roi qui se convertit et vient donner un sens nouveau à leur deuil. Deux annonces très différentes donc, sur le fond comme sur la forme. Jonas annonce le renversement de la ville alors que le roi, lui est porteur de l’espérance de Dieu. Et nous devons, dans notre annonce tenir ses deux volets, la colère de Dieu, en d’autre terme, la contradiction que Dieu oppose au monde, sa condamnation de certains des comportements humains et d’autre part l’espérance, l’amour de Dieu, sa fidélité, son pardon.

Et puis le roi et Jonas ont chacun leur style. Jonas opte pour une annonce frontale, directe. « Dans quarante jours, Ninive sera renversée ». Cette forme directe, qu’elle soit pour annoncer la contradiction ou l’espérance, il me semble qu’elle peut passer également par des actes. Par nos comportements, par nos actions en faveur des plus démunis, en faveur de la paix, de l’unité, nous pouvons dire l’espérance de Dieu aussi bien que son refus de la méchanceté du monde.

         Le roi, lui, parle le langage de son peuple, il reprend leur deuil en lui donnant un sens nouveau . Et c’est aussi une manière dont nous pouvons parler de Dieu, être porteurs d’Evangile, en reprenant le langage du monde mais en en transformant le sens.

Bien sûr, il ne s’agit pas d’opposer l’annonce de la colère et celle de l’espérance, ni la méthode frontale et l’adaptation, en effet c’est l’union des deux annonces, des deux méthodes qui a permis que Ninive entende la Parole de Dieu et qu’au bout du compte, Ninive soit, peut-être pas renversée comme s’y attendait Jonas, mais pourtant bien sens dessus-dessous, bouleversée, retournée, convertie…

Nous prions

Père

Donne-nous une espérance nouvelle

Une espérance folle

Une espérance active

Une espérance libératrice

Et que par cette espérance

Nous soyons à notre tour des témoins d’espérance

Des porteurs de Bonne Nouvelle

 

 

Rédigé par Eric George

Publié dans #Bible, #Jonas, #Ninive, #Espérance, #Annonce

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