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Accueillir Dieu comme un enfant

Accueillir Dieu comme un enfant

Qui accueille un enfant m'accueille et qui m'accueille accueille aussi celui qui m'a envoyé.  Marc 9, 37

Plutôt que d'établir un enfant-Dieu, Jésus nous invite à reconnaître un Dieu-enfant. Un Dieu qui vient aussi à nous dans nos propres enfantillages...

Prédication du 23 septembre 2018

Marc 9 30-37

Et prenant un enfant, il le plaça au milieu d’eux et dit « Quiconque accueille un enfant comme celui-là ». Il m’arrive de penser que notre Eglise applique un peu trop littéralement l’exemple de Jésus dans son rapport aux enfants : nous plaçons nos enfants en vitrines, nous parlons d’eux mais surtout nous ne leur donnons pas la parole. Alors ce matin, les enfants ne sont pas là, et ça tombe bien puisqu’il n’y pas d’enfants non plus dans ce texte, nous ne parlerons donc pas d’eux, nous parlerons peut-être un peu d’enfance mais nous parlerons surtout de Dieu et de nous.

 

Quiconque accueille un enfant comme celui-là, m’accueille et qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille mais celui qui m’a envoyé.

Bref, accueillir un enfant, c’est accueillir Dieu. Alors, est ce que bien avant l’enfant-roi, Jésus avait inventé l’enfant-Dieu ? Les commentaires de ce texte ont à certaines époques essayer de deviner quelles étaient les vertus de l’enfant, la pureté, la confiance voire la naïveté, l’absence de calcul, l’humilité… A dire vrai, je crois que pour parer les enfants de toutes ces vertus, il ne faut pas avoir été souvent en contact avec eux.

En fait, plutôt que de se demander quelles sont les vertus de l’enfance, il vaudrait mieux se demander « comment accueillons-nous les enfants ? »

Et là, il y a plusieurs cas de figure

 

Cas numéro 1

Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille 
Applaudit à grands cris ; son doux regard qui brille 
Fait briller tous les yeux, 
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être, 
Se dérident soudain à voir l’enfant paraître, 
Innocent et joyeux. 

Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre 
Fasse autour d’un grand feu vacillant dans la chambre 
Les chaises se toucher, 
Quand l’enfant vient, la joie arrive et nous éclaire. 
On rit, on se récrie, on l’appelle, et sa mère 
Tremble à le voir marcher.
 

 

Le lyrisme de Victor Hugo mis à part, on connaît tous ces moments où accueillir un ou plusieurs enfants est une fête, que ce soit nos enfants, nos petits-enfants, nos filleuls, neveux et nièces ou enfants d’amis : un courant de vie, de rires et d’air frais entre dans notre maison. Et c’est bien ainsi que Dieu entre dans notre vie. C’est bien cette parenthèse d’amour et de lumière que vous êtes venus chercher ce matin, vous qui vous êtes levé ce matin, qui avez affronté le Paris-Versailles et ses galères de circulation et de parking, c’est bien pour entrer dans cette fête dans laquelle Dieu vient à nous, cette même fête où sont allés celles et ceux qui sont allés accueillir Mathilde à Viroflay ou Corinne à Arcachon à et tant d’autres chrétiens qui ce matin, sont au culte ou à la messe, à la rencontre du Dieu qui vient à eux…

 

Cas numéro 2

Vous êtes attelés à un travail sérieux et l’enfant vient (ou appelle) avec une grande question, un petit bobo, un besoin urgent. Alors, le plus souvent, on s’interrompt, on règle le problème vite fait (parfois en maugréant, parfois en légèreté) et on reprend sa tâche… Mais parfois, dans cette interruption même, on prend, comme en pleine figure, tout l’amour, toute la confiance, tout le besoin de nous qu’à ce petit être et là, dans le temps qui nous est pris, nous retrouvons notre place au sein de l’univers. Oui, même en changeant une couche, même en donnant une bouillie, même en reconstruisant une voiture en Lego, même en se demandant si un tricératops, c’est plus fort qu’une baleine…

Victor Hugo a aussi évoqué ce cas :

 

Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme, 
De patrie et de Dieu, des poètes, de l’âme 
Qui s’élève en priant ; 
L’enfant paraît, adieu le ciel et la patrie 
Et les poètes saints ! la grave causerie 
S’arrête en souriant. 

 

Dieu nous rejoint aussi comme cela, en nous sortant de ce que nous croyons important, en nous décalant, en nous décentrant, en fait en nous recentrant, en nous replaçant au cœur de l’amour et du service. En effet, la plupart des gens vous le diront, avec ses histoires de vignes, de noces et de moutons, avec ses récits de mer ou de cieux qui s’ouvrent, avec ses commandements excessifs d’amour des ennemis et de soins des plus petits, avec son renversement de nos normes hiérarchiques, Dieu est assez éloigné de notre sérieux et de notre raisonnable… Nous nous dépêchons souvent de rendre tout cela très intellectuel, très acceptable, très adultes, de déguiser la folie de Dieu en sagesse humaine… Mais nous le savons bien, Dieu nous rejoint dans un éclair d’enfance...

 

Cas numéro 3

Vous vous êtes installé confortablement à votre place dans le train, vous avez pris un bon livre où vous plonger dans ce long voyage, ou des dossiers pour travailler, ou vous vous apprêtez simplement à dormir tout le trajet. Et voilà qu’une famille vient se répartir entre votre carré et celui d’à côté, 5 enfants turbulents. Vous savez que la lecture, la concentration ou le sommeil seront impossibles. L’alternative est simple : vous faites mauvaise fortune bon cœur, vous acceptez d’entrer dans cette zone de turbulence et d’être accompagnateur de voyage forcé, ou bien vous raconterez à l’arrivée quel épouvantable voyage vous avez fait…

Parfois, Dieu s’impose ainsi à nous, malgré nos réticences, malgré nos refus. Vous avez déjà rencontré des athées militants, ces gens tellement obnubilés par la critique des religions, que finalement, ils semblent donner à Dieu plus de place que bien des chrétiens ne lui en donnent ? Bien sûr, ils ont toujours de bonnes raisons, les guerres provoquées par les religions, l’hypocrisie et les jugements, les scandales de l’Eglise… Mais ces raisons nous blessent, nous, croyants, tout autant qu’eux… Eh bien, je me demande si ces bouffeurs obsessionnels de curés ne sont pas en plein refus d’accepter un Dieu qui vient s’imposer à eux, comme ces voyageurs qui se retrouvent entouré d’enfants au milieu d’un wagon, comme nous le sommes, parfois nous-mêmes…

 

Mais, dans tous ces cas de figure, certains l’ont peut-être remarqué, nous avons laissé tomber une petite précision : quiconque accueille un enfant, EN MON NOM. Alors, est-ce que pour accueillir un enfant, il faut être un bon chrétien ? Je ne le crois pas. Je pense plutôt qu’en évoquant l’accueil de Dieu dans l’accueil d’un enfant (en passant par lui, d’ailleurs : “quiconque accueille un enfant m’accueille et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé”, Jésus nous renvoie à un aspect de ce qu’il est, de ce qu’il représente).

 

Je me suis étonné de l’absence d’enfant dans ce texte, mais en fait j’avais tort, il y a bien des enfants dans ce texte et même un certain nombre, je ne parle pas de celui que Jésus place au milieu des disciples comme un exemplaire d’exposition, je parle de tous les autres, de cette bande de gamins qui, alors que Jésus vient de leur annoncer des choses graves, discutent entre eux pour savoir « qui, parmi eux, est le plus grand ? »

J’ai été tenté de commencer ma prédication en vous posant la question : « qui parmi nous est le plus grand », j’ai eu peur que vous me répondiez tout de suite qu’on n’était pas à la maternelle…

Mais ne soyons pas trop sévère avec les disciples, d’abord parce qu’en nous disant que nous sommes bien plus adultes qu’eux, nous reproduirions exactement leur discussion : « qui est le plus grand ? ». Et puis parce que même si elle ne se pose pas dans ces termes exacts (et sans doute les disciples ne l’ont-ils pas posée dans ces termes), la question vient souvent dans notre travail, dans notre vie quotidienne, dans notre vie d’Eglise « Qui est le plus grand ? Qu’est ce qui est le plus important, la catéchèse ou les visites, le temple ou le centre Huit, la prédication ou l’entraide ?), je serai surpris si ces questions ne viennent pas pendant mon ministère à Versailles. Vouloir être le plus grand, se donner de l’importance, cela fait simplement partie de notre humanité.

« Quiconque un enfant m’accueille », et si l’enfant dont Jésus nous parlait n’était pas cette adorable frimousse si sage mais bien notre prochain, tellement puéril, tellement agaçant. Oui, c’est en renonçant à juger, à dominer, à être plus grand, plus adulte que notre prochain, que vraiment nous accueillons Dieu, ou bien lorsque vraiment nous accueillons Dieu, nous renonçons à nous voir plus grand que les autres.

 

Frères et sœurs, nous rêvons de grandeur, nous nous épuisons à paraître adulte, à nous hausser sur la pointe des pieds et c’est dans notre petitesse, dans nos enfantillages que Dieu nous rejoint.

Nous tremblons à l’idée que les autres puissent nous dépasser et Jésus nous montre que c’est uniquement dans le service que nous grandissons.

Oui, frères et sœurs, nos enfantillages ont parfois de quoi nous faire rougir, mais ne désespérons pas :  nous sommes ces enfants parmi lesquels Dieu vient, ces enfants qu’il appelle à accueillir, ces enfants qu’il fait grandir.

 

Amen

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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