Cherchez la justice, elle et la paix s'embrassent
Publié le 25 Janvier 2019
Prédication du 25/01/2019
Vêpres œcuméniques à Versailles
Deutéronome 16, 11-20
Justice et paix s'embrassent. Ça pourrait être un slogan de gilet jaune : pas de paix sans justice sociale. Ça pourrait être un appel du gouvernement, pas de justice sans paix… Mais c’est une promesse du psaume 84, une promesse qui plutôt qu’opposer ou conditionner la justice et la paix, les soude étroitement : dans la vie comme un cinéma, un baiser n’est jamais si réussi que quand on ne sait pas lequel embrasse l’autre : qu’est ce qui vient en premier ? la justice ? la paix ? Eh bien si elles s’embrassent, on ne sait plus…
Cette promesse qui a été choisie comme titre, comme thème de cette semaine de prière pour l’unité, a guidé ma lecture du passage de Deutéronome. Parce que même si le mot « paix » n’est pas utilisé, la notion de vivre dans le pays que Dieu donne en est une bonne définition.
Bien sûr, vous remarquerez qu’à une première lecture, Deutéronome semble bien conditionner la paix à la justice, soyez justes pour vivre en paix. Cependant, j’en resterai à l’embrassade… En effet, un des points communs entre ce passage du Deutéronome et le psaume 84, c’est la proximité physique. D’ailleurs, le deutéronome fait appel à deux choses pour son appel à la justice : la proximité et la mémoire.
La proximité avec Dieu d’abord qui non seulement se tient constamment près de son peuple, puisqu’Il [l]’aura béni dans tous les produits de [son] sol et dans toutes [ses] actions (Deut. 16, 15), mais qui en plus l’appelle à venir se présenter devant lui, devant sa face.
La justice elle-même doit être de proximité, puisque dans toutes les villes des juges doivent être établis.
Mais finalement, la proximité sur laquelle le Deutéronome insiste le plus lourdement c’est celle des autres, et vraiment des autres : de celles et ceux qui différent un peu de nous, par la génération «tes fils et tes filles», par le statut social « ton serviteur et ta servante » et même ce groupe un peu à part des lévites, qui vivent dans tes villes, je dois bien dire ces lévites qui sont présents, mais qui se distinguent un peu, me semblent ce soir nous ressembler, nous, hommes et femmes d’Eglises et aussi frères et sœurs consacrés.
Et puis, certains, certaines sont encore plus proche, plus étroitement étreints que celles et ceux qui habitent les mêmes villes. Je cite le texte : « l’émigré, l’orphelin et la veuve qui sont au milieu de toi » (Deut. 16, 11). J’ouvre une petite parenthèse, une question un peu ironique : pourquoi l’émigré a-t-il été écarté de notre langage courant, je veux dire pourquoi nous paraît-il chevaleresque de défendre la veuve et l’orphelin mais pas l’émigré ?
Au milieu de toi, bien sûr cela se comprend quand on parle à un peuple, et il faut déjà noter que c’est quand même assez révolutionnaire : le Deutéronome nous révèle que ceux qui sont en marge, sont en fait au milieu, au cœur du peuple.
Et je crois même que nous devrions entendre cette formule comme s’adressant à chacun, chacune de nous, la veuve, l’orphelin, l’émigré, c’est-à-dire le plus fragile, le plus démuni, le plus faible doit être au milieu de nous, au cœur de nos préoccupations. Si nous aspirons à la justice, voilà la proximité que nous sommes appelés à vivre. Après tout, Jésus ne dit pas autre chose quand il nous dit « Ce que vous faites au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous le faites ».
Mais le Deutéronome sait bien que nous avons du mal à vivre cette proximité, à la percevoir, alors il nous offre un deuxième moyen de nous ouvrir à la justice : c’est le souvenir.
Les mauvais souvenirs d’abord : Tu te souviendras qu’en Egypte tu étais esclave (Deut 16, 12). Oui, il est bon de nous souvenir des moments où nous avons connus l’oppression, des moments où les regards nous ont semblé nous condamner ou se détourner de nous. Voulons-nous vraiment avoir pour notre frère, pour notre sœur qui souffre, le visage qu’ont eu nos oppresseurs de ce moment, ou voulons-nous avoir pour lui le visage de celui, de celle qui nous est venu en aide ?
D’ailleurs si vous n’avez jamais connu d’oppression, souvenez-vous seulement de votre enfance, de ces moments où vous avez été dépendants de quelqu’un d’autre. Ce souvenir nous aide aussi à être de ceux qui donnent.
Mais les bons souvenirs aident aussi ! Souvenons-nous que Dieu nous a délivré, souvenons-nous qu’Il nous aime, qu’Il nous comble de bien, alors nous serons délivré de nos peurs, alors il nous sera plus facile d’entrer dans sa justice, une justice qui ne consiste pas en rétribution, mais en grâce, en don, en pardon et en consolation.
Frères et sœurs, cherchons la justice, rien que la justice, nous la trouverons dans la mémoire de ce que nous sommes, des enfants aimés de Dieu, nous la trouverons dans la proximité avec les autres.
Amen