Ta lumière se lèvera dans les ténèbres

Publié le 8 Février 2019

Ta lumière se lèvera dans les ténèbres

Quand le peuple lui demande comment pratiquer sa religion, Dieu lui répond d'une manière très dure et très claire.

Prédication du 7 février chez les diaconesses

Esaïe 58, 9-14

 

Il est assez fréquent que la Bible nous permette de jouer au Jeopardy, ce jeu où il faut retrouver la question à partir d’une réponse. On peut entrer dans ce texte en essayant de retrouver à quelle question du peuple vient répondre Esaïe – en lisant tout le chapitre c’est plus facile. En fait, le peuple s’étonne : « on respecte le Sabbat, on pratique le jeûne, sans doute on prie, sans doute on étudie la Torah, mais ça ne marche pas, les choses ne vont pas mieux. Qu’est ce qu’il faut qu’on fasse de plus ? »

Le texte que nous venons d’entendre est justement la réponse à cette question.

 

La faute à la sécularisation ?

Mais je voudrais que nous nous arrêtions d’abord un peu à la question elle-même. En effet, il m’arrive, assez souvent d’entendre que si les choses vont mal aujourd’hui, c’est parce que les gens ne vont plus à l’église, parce qu’ils n’ouvrent plus la Bible, parce qu’ils ne prient plus.

Alors, personnellement, je ne verrai aucune objection à ce que les gens réouvrent la Bible, recommencent à prier, retourne au culte ou à la messe… Ca ne me gênerait pas du tout, bien au contraire ! Mais je ne suis pas sûr que les choses iraient mieux pour autant.

Parce qu’en Israël, il n’y a pas de problème de sécularisation, les gens prient, lisent la bible, pratiquent leur religion. Et pourtant, ça ne va pas, ça ne va vraiment pas.

En fait, ce n’est pas à cause de la sécularisation que les choses ne vont pas. Dieu semble même dire l’inverse à son peuple par la bouche d’Esaïe : si ça ne va pas, c’est que vous avez dé-secularisé (si j’ose ce barbarisme), désincarné votre piété, vos rituels, votre obéissance à la loi. Le problème c’est que vous pratiquez le jeûne à contre-cœur, le problème c’est que pendant le sabbat, vous vous chamaillez avec les autres, le problème c’est que tous ces rituels vous dressent les uns contre les autres au lieu de vous rapprocher des autres.

 

Le joug et la violence

Mais, dit Esaïe, voilà la pratique, le sabbat que je demande : si tu éloignes de toi le joug, les gestes menaçants et les discours malfaisants ». Comment entendons-nous cela aujourd’hui, en regardant notre actualité. Comment entendons-nous cela quand on pense aux manifestations, aux émeutes, quand on débat sur les violences policières, quand on se pose des questions de loi anti-casseur. Nous opposons le joug – ce serait la force de l’état – et puis, de l’autre côté, les discours malfaisants, les gestes menaçants – ce serait les gilets jaunes. Selon sa sensibilité on dira « Ben oui, mais l’état autoritaire c’est pour contrer les menaces des discours, la violence des gestes » et de l’autre côté « mais c’est parce que l’état fait peser un joug qu’il faut se soulever, faire appel à la menace, voire à la violence ! ». Et voilà que la Bible nous dit « Ecartez tout ». Ne cherchez pas à prendre parti pour l’un ou pour l’autre, à justifier l’un par l’autre : tout doit être viré.

De plus, Dieu tutoie Israël, alors cette exhortation nous pouvons l’entendre aussi personnellement. Si je me contente de recevoir cette parole comme une parole pour un peuple, pour un pays, je peux me contenter de dire « ah c’est pas moi ! les discours malfaisants, les gestes menaçants, c’est pas moi, c’est d’autres. » Mais si je le prends personnellement, si je prends pour moi ce « écarte du milieu de toi le jougs », je peux le recevoir comme une exhortation à la liberté, écarte de toi le joug qui pèse sur toi, le doigt qui te pointe, accusateur, le discours qui médit de toi. Ce n’est pas ça ton cœur, ton centre, ce n’est pas ça qui te définit, et là, je respire !

Mais je peux aussi entendre, et ce n’est pas forcément contradictoire, chasse de toi le joug que tu fais peser sur d’autre, écarte de toi les discours malfaisants que tu tiens, les gestes menaçants que tu peux avoir. Et là, c’est plus difficile à entendre, mais tout aussi libérateur.

 

Donne ce que tu désires

Et je ne suis pas au bout de mes peines car Dieu continue à nous exhorter, à m’exhorter : « si tu offres à l’affamé ce que tu désires toi-même ». Ce que tu désires toi-même… Mon humanisme rationnel, raisonnable et raisonné me pousse à offrir à l’affamé ce dont je pense qu’il a vraiment besoin, le strict nécessaire. Mais voilà qu’Esaïe me dit « C’est bien… Mais la lumière se lèvera quand tu lui offriras ce que toi tu désires. Ne te contente pas de lui donner ce qui te paraît lui être nécessaire »

Face à cette exigence, j’aurais peut-être envie de me cacher derrières deux objections.

  • La première, c’est que c’est peut-être dangereux et pour tout dire, dictatorial de poser que l’autre a les mêmes désirs que moi. En effet, mais nous comprenons tous que ce n’est pas le sujet. Ce que le texte me dit, ce n’est pas « fais comme si l’autre avait les mêmes goûts, les mêmes aspirations que toi », ce que le texte me dit c’est « penses-tu vraiment avoir fait acte de fraternité quand tu te contentes de donner à celui qui a faim, à celui est affligé ce qui ne te suffirait pas.
  • La deuxième, c’est que donner le strict nécessaire, c’est mieux que rien. Oui c’est une évidence. Mais donner un peu, c’est mieux que rien… Mais à ce compte-là, ne rien donner, c’est aussi mieux que donner un coup de pied.  Nous voyons bien que ce texte nous dit, si tu te contentes du minimum, tu n’es pas encore dans la lumière, tu n’es pas encore dans la fraternité.

 

Tu es l’aide que tu demandes

Bref, ce texte est en effet écrasant, difficile à recevoir. Il est bien plus lourd que le classique « aide-toi et le ciel t’aidera ». Mais il nous faut l’entendre, il faut que notre Eglise chrétienne, corps du christ, peuple de Dieu, qui se tourne, comme Israël, vers Dieu dans les périodes de crises en disant « Nous sommes dans les ténèbres, donne nous de la lumière » « nous sommes dans un désert aride, donne-nous à boire » entende cette réponse de Dieu « Mais c’est toi qui devrait être lumière pour le monde », « c’est toi qui devrait être une source dans le désert » ! L’aide que nous demandons, c’est nous qui devrions l’être pour le monde !

 

« Découvre que Je suis avec toi »

Oui, c’est un appel qui peut paraître accablant, écrasant si nous oublions qu’il commence par « tu appelleras et le Seigneur répondras », si nous oublions qu’il nous dit quand tu pratiques le sabbat -celui que je demande – ne vaque pas à tes propres affaires, ne te regarde pas le nombril, ne compte pas sur tes propres forces, sur tes commissions, sur tes conseils d’administrations, sur tes synodes, sur tes groupes de pilotages et de réflexions, adresse toi à Dieu, demande lui de l’aide et quand tu demandes de l’aide, quand tu vois que tu n’as pas la force, constate que Dieu est là, que c’est lui qui est ta force.

Est-ce que vraiment, en Eglise, comme dans notre vie de chrétien, nous avons confiance en Dieu au-delà de nos propres forces ? Est-ce que vraiment nous vivons de l’Esprit, du souffle qu’il met en nous, un souffle de force, d’amour, de maîtrise de soi, un souffle de vie.

Seigneur, je crois, viens en aide à mon manque de foi

Amen

 

 

Rédigé par Eric George

Publié dans #Bible, #Esaïe, #Commandement, #Sabbat, #pratique

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