Délivrés de quoi ?

Publié le 29 Mai 2019

Délivrés de quoi ?

Les compagnons de Daniel sont dans la fournaise et un ange se tient à leur côté, les protégeant des flammes... On raconte souvent le miracle, en oubliant le prologue qui, déjà, affirme comment Dieu délivre les siens.

Prédication du 23 mai 2019 chez les diaconesses

Daniel 3, 8 à 18

 

Dans la fournaise, dans la fosse aux lions, un colosse aux pieds d’argile… Le livre de Daniel est à la fois très méconnu et très présent dans nos expressions. Je suis  content que ce soir, nous ne soyons pas allés jusqu’à la fournaise et que nous nous soyons arrêtés au prologue. 

Ne vous inquiétez pas : si Shadrak, Meshak et Abed-Nego seront bien jetés à la fournaise, ils s’en sortiront sans une brûlure. Pourtant est-ce bien de la fournaise qu’ils ont été délivrés ?

Mais au fait, qui sont Shadrak, Meshak et Abed-Nego. De leurs vrais noms Hananya, Mishaël et Azarya sont de jeunes gens de la noblesse d’ Israël qui ont été déportés, avec Beltshasar (alias Daniel) à la cours du roi Nabuchodonosor. Et les quatre jeunes gens vont changer leur nom, ils vont servir le roi. J’insiste làdessus parce que Daniel n’est pas un livre de la résistance vue comme un replis identitaire mais bien un livre de l’intégration. 

Alors, dès qu’on parle d’intégration, on a un peu tendance à regarder vers celles et ceux qui arrivent chez nous, mais ce soir, je vais plutôt vous inviter à regarder vers nous, chrétiens. Quelle est notre intégration dans notre société qui s’est tellement sécularisée, déchristianisée ? Ne connaissons-nous pas un peu la tentation du repli identitaire, du recroquevillement sur nous-mêmes, sur nos pratiques, sur nos habitudes ? 

La foi, la fidélité à Dieu n’interdit pas de vivre dans le pays, dans la société dans laquelle on est placé, d’en accepter la culture, d’en suivre des coutumes et des lois et même de travailler à l’enrichissement de cette culture. La foi, nous dit le livre de Daniel peut faire des autres hommes nos ennemis mais elle ne nous rend pas ennemis des autres hommes. Seulement, cette intégration a des limites.

 

Et avec Shadrak, Meshak et Abed-Nego, nous voici devant la statue d’or dressée par Nabuchodonosor. Mais qu’est ce que c’est que cette statue, que signifie-t-elle aujourd’hui pour nous qui ne vivons pas dans un pays de contrainte religieux ? Puisque le texte insiste lourdement sur le fait que la musique donne le signal de la prosternation, quelle musique entendons-nous ? Puisqu’aujourd’hui, ce n’est plus une musique religieuse quel air de cor, de flute, de harpe, de luth, de cithare et de cornemuse entendons-nous ? 

Ça peut-être un air triomphal et pompier, la clameur des trompettes annonçant un roi : qu’est ce que notre société nous demande de glorifier et que nous ne pouvons pas glorifier ?

Ça peut-être un chant funèbre, une litanie de deuil… Sur quoi le monde nous demande-t-il de nous lamenter et nous ne pouvons pas nous lamenter ?

Ca peut-être un air de fête.. A quelles réjouissances, le monde nous invite-t-il sans que nous puissions y participer sans trahir notre foi ?

 

Les réponses à ces questions, je me garderai bien de vous les donner, de peur de jouer le rôle de Nabuchodonosor, nous avons pour les trouver notre conscience, notre prière et la Bible. Il appartient à chacun, à chacune de méditer cette réponse.

 

***

 Mais nous devons être bien être conscients que ce refus n’est pas sans conséquences : comme Shadrak, Meshak et Abed-nego, nous devrons alors encourir la colère de Nabuchodonosor. Dès lors, qui nous délivrera ?

Et la réponse des trois résonne : S’il le peut, le Dieu que nous servons nous délivrera de la fournaise.

La première surprise, c’est que la réponse n’est pas s’il le veut mais bien s’il le peut. Est-ce une question autour de la toute-puissance de Dieu ? Le texte nous dit-il qu’il y a des choses que Dieu ne peut pas faire ? C’est une possibilité de lecture. Après tout, c’est dans le père tout puissant que nous croyons, la toute-puissance de Dieu peut se comprendre comme toute puissance d’amour et non comme omnipotence.

Il est également possible de lire que la formulation est purement rhétorique : pour Shadrak, Meshak et Abed-Nego, que Dieu les tire ou non de la fournaise, cela ne changera rien à leur décision.

Et cette réponse, c’est bien celle de tous ceux qu’on a mis à mort à cause de leur foi, que ce soient les premiers chrétiens, les huguenots, Dietrich Bonhoeffer, Martin Luther King et encore aujourd’hui les chrétiens de Chine , de Corée du Nord, de certains points d’Afrique ou du Moyen-Orient. Ils ne se disent pas « Rien ne nous arrivera, notre Dieu nous protègera de tout ». Non, ils savent les risques qu’ils encourent en vivant leur foi, ils savent que notre Dieu n’est pas une médaille miraculeuse. Et pourtant, cette foi, ils la vivent, jusqu’au bout, dans la prudence et dans l’audace.

 

Mais alors, Dieu n’est pas notre rocher ? Il ne nous délivre pas de nos oppresseurs ? Eh bien, ré-écoutons la question à laquelle répondent les trois juifs : « Quel est le Dieu qui vous délivrera de ma main » demande Nabuchodonor. Et donc Shadrak, Meshak et Abed-Nego répondent en précisant « peut-être nous délivrera-t-il de la fournaise et de ta main ». Pourquoi cette précision ? Parce que tout simplement en refusant d’obéir à Nabuchodonosor, les trois hommes montrent précisément qu’ils sont déjà libres de sa main, que le Dieu qu’ils servent les a déjà délivrés de Nabuchodonosor. Certes, Nabuchodonosor peut les tuer mais il ne peut pas supprimer ce qu’ils sont. Une identité qui ne tient pas au pays dans lequel ils habitent, à leur culture, ni même à leur nom mais au Dieu qu’ils servent, au Dieu qui, déjà, les a délivrés de toute autre puissance.

 

Frères et sœurs, que notre liberté soit celle de Shadrak, Meshak et Abed-nego, la liberté de nous intégrer, de nous adapter, de vivre dans une autre culture que la nôtre, la liberté aussi de dire « non » et d’assumer ce refus dans la confiance en notre Dieu.

 

Amen

 

Photo by raquel raclette on Unsplash

Rédigé par Eric George

Publié dans #Bible, #Daniel, #fournaise, #libération, #intégration

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