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Le prologue de Luc (2) Les événements parmi nous

Le prologue de Luc (2) Les événements parmi nous

Luc, en écrivant un évangile fait oeuvre de théologien autant que d'historien. En effet, il en est persuadé, dans le récit des événements qui ont eu lieu parmi nous, chaque lecteur, chaque chercheur de Dieu peut entendre une bonne nouvelle pour sa vie.

Prédication du 11 août 2019

Luc 1, 1 à 4

« Il m'a semblé bon, à moi aussi, après m'être informé exactement de tout depuis les origines, de te l'exposer par écrit d'une manière suivie »

Comment comprenons-nous le travail d' historien de Luc ? Des images diverses nous viennent à l’esprit. Peut-être spontanément, imaginons-nous un Luc partant sur les chemins de Galilée et dans les rues de Jérusalem pour interroger les témoins, s’entretenir avec Marie et les survivants parmi les12, discuter avec Marthe et Marie, demander Bartimée ce que ça veut dire que d'être guéri, une image un peu naïve du travail d’un Luc enquêteur qui a sans doute perduré jusqu’au 19e siècle. Il est assez peu vraisemblable que Luc, dont l’évangile a sans doute été rédigé après 70 ait eu l’occasion d’interroger, parmi les célébrités de l'Eglise naissante, quelques-uns des contemporains survivant de Jésus. Peut-être a-t-il rencontré des gens qui avaient entendu ou rencontré ces témoins. Plus probablement, il a compilé des traditions des différentes communautés locales qu'il a rencontrée et les a comparées entre elles, y trouvant des récits sur Jésus ainsi que des paroles de Jésus qui y auraient été transmises et conservées. Sans doute aussi a-t-il travaillé sur ces écrits qui d’après lui commencent à circuler ces écrits qui auraient aussi servi de base à ce qui serait plus tard les évangiles selon Matthieu et selon Marc. Voilà plus vraisemblablement le travail de celui que nous appelons Luc. Cela peut paraître déstabilisant, cela peut paraître moins beau que ce qu’un Luc «reporter au petit vingtième », voyageant et interrogeant scrupuleusement tous les témoins. Pourtant avec cette vision, le travail de Luc ressemble beaucoup plus au travail de nos historiens actuels. Sans doute les méthodes ne sont-elles pas aussi rigoureuses, sans doute l'objectif n'est-il pas le même mais ce travail de collecte des sources, de recoupement, d’analyse, d’interprétation nous rapproche de la recherche historique telle que nous la connaissons. Voilà le travail de fourmi que Luc évoque en un verset.

Ce matin je ne rentrerai pas dans la question du débat sur la source Q, sur l'aspect composite des évangiles, sur les différentes phases d'écriture et différentes strates de composition du texte. Je vous renvoie à des spécialistes bien plus compétents que moi. La littérature sur le sujet est foisonnante et passionnante (je vous invite juste à vous rappeler que tout cela est une recherche et donc à vous méfier des affirmations un peu trop péremptoire et tape-à-l’œil). Mais ce matin à nous qui ne nous intéressons pas forcément à l'historiographie, ni au travail de composition de l'écriture qu'est-ce que ce prologue peut dire ? Eh bien, dans cette évocation du travail de fourmi de l’évangéliste j'entends un des aspects les plus bouleversants du message de la Bible : c'est par l'intelligence humaine que Dieu s'adresse à nous, par l'intelligence humaine comprise dans son plus sens le plus large, la rationalité, l’analyse mais aussi l'affectivité, l'émotion, l'esthétique que Dieu nous délivre son message. Le Dieu créateur se révèle à nous par le média de l’intelligence humaine, c’est un aspect de l’incarnation, du Dieu qui nous rejoint. Si Luc et d’autres, conduits par l’Esprit, ont mis toute leur intelligence au service du message de Dieu, pourquoi devrions-nous éteindre notre cerveau pour recevoir ce message ? Si Luc a eu sur les premiers écrits un regard critique (au sens positif), un regard d’analyste, pourquoi serions-nous exemptés du même travail sur son propre récit ?

Tout ce travail pour raconter les évènements qui se sont produits parmi nous. Ce mot générique : les évènements ou les affaires est très éloquent. Luc ne nous raconte pas les hauts-faits, ni les merveilles accomplies par Jésus-Christ, il ne nous annonce même pas explicitement « LA BONNE NOUVELLE DE JESUS-CHRIST », comme le fait Marc, il nous raconte les faits qui se sont produits. Nous avons tendance, dans nos lectures des évangiles à accorder plus d’importance à tel ou tel aspect de l’Evangile. Certains seront plus touchés par les récits de prodiges, d’autre seront émus par les récits de guérisons, celle-ci préfèrera les enseignements donnés par Jésus, celui-là se régalera des rencontres de Jésus, on pourra se passionner pour les paraboles, préférer Noël ou préférer Pâques. Luc, lui, rassemble tout cela sous le même terme : pragma, les faits. Et Luc laisse ses lecteurs le découvrir : tous ces faits - un lépreux guéri, une dispute avec les pharisiens, une rencontre avec une étrangère, une querelle domestique entre deux sœurs, une parabole racontée, une parabole expliquée - tous ces faits et bien d’autres encore convergent vers Jésus.  Et parce que tous ces faits convergent vers Jésus, tous ces faits sont porteurs de la Bonne Nouvelle.

          Cela peut nous paraître surprenant de mettre ainsi tout au même niveau, mais c’est cohérent avec le projet de Luc : témoigner d’une Bonne Nouvelle qui s’adresse à tous, aux femmes comme aux hommes, aux impurs comme aux purs, aux pauvres comme aux riches, un Evangile qui saisit l’humanité par le bas, plutôt qu’un Evangile descendant et condescendant. Ce projet tient en deux mots : « parmi nous ».

          Ces faits, grands et petits, tous porteurs de Bonne Nouvelle, tous témoins de la présence du Dieu créateur, de son souci pour l’humanité toute entière ne se sont pas produit il y a très, très longtemps dans une galaxie très lointaine, pas même dans un temps très anciens ou dans un pays très lointain, ils se sont produits parmi nous.

          Et si l’on y pense, ce « nous » est d’autant plus fort que Luc n’est pas un témoin oculaire, il n’a pas assisté lui-même à ces évènements et pourtant il comprend bien qu’il est directement concerné par ces faits qu’en se rendant présent à Marthe et Marie, à Zachée, à Bartimée, au lépreux, Jésus se rend présent et rend Dieu présent à Luc et à Théophile.

          Et c’est bien dans ce « nous » que nous sommes appelés à entrer à notre tour, nous qui ne sommes pas non plus des témoins oculaires mais qui sommes bien ces théophiles, ces amis de Dieu pour lesquels Luc a ainsi travaillé. Alors frères et sœurs, ouvrons notre intelligence toute entière pour voir que tous ces faits racontés par Luc et d’autres continuent à se produire parmi nous, qu’ils nous disent l’amour et l’appel de Dieu pour nous et qu’ils changent notre vision du monde et notre vie.

Amen

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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