Théologie à Poudlard (1) L'appel

Une série de relecture théologiques d'éléments de l'univers de Harry Potter. On commence avec la notion d'appel ou de vocation.

M. H. Potter

Dans le placard sous l’escalier

4 Privet Drive

Little Whinging

Surrey

De mémoire, aucun prophète, aucun apôtre n’a été appelé par le biais d’une lettre portée par un hibou. Pourtant la première convocation de Harry Potter à Poudlard n’est pas sans évoquer certains appels racontés dans la Bible.

Tout d’abord les lettres sont clairement adressées à Harry, à l’endroit où il se trouve, dans le placard sous l’escalier, à l'hôtel du rail, ou sur le plancher de la cabane au sommet du rocher en pleine mer. Cette précision des lieux est fréquente dans la Bible, Moïse est appelé sur le mont Horeb, le prophète Esaïe dans le Temple, Amos, prophète également, derrière le troupeau qu’il gardait et Paul alors qu’il est en route vers damas pour persécuter l’Eglise. Je pense que dans la Bible comme dans Harry Potter à l’école des sorciers, cette précision de lieu est de nature personnelle plutôt que géographique. Ce n’est pas parce qu’il traînait à l’Horeb que Moïse a été appelé ni parce qu’ils ramassaient leurs filets que Simon et André se sont retrouvés à suivre Jésus.

L’importance donnée au lieu est surtout une indication que Dieu vient chercher celui ou celle qu’il appelle là où il est. Il n’attend pas que l’appelé se rende disponible, ni qu’il soit prêt, formé ou assez bien, assez pur pour sa tâche. 

La convocation de Harry Potter ressemble aussi à celle de Samuel : le petit Samuel vit, séparé de ses parents, dans un pays “où la Parole de Dieu était rare”, tout comme l’orphelin Harry Potter vit chez de parfaits moldus où tout ce qui pourrait s’écarter de la norme est soigneusement banni. Bref, quand Dieu l’appelle, Samuel ignore tout de lui, comme Harry ne sait rien du monde des sorciers.

Pour Samuel et pour Harry les obstacles ne seront pas les mêmes, mais malgré tout, Dieu va devoir insister et s’y prendre à quatre reprises pour se faire entendre. Et dans les deux cas, il va falloir une aide humaine, une rencontre à l’appel divin et aux lettres magiques. Le prêtre Héli et le géant Hagrid devront donc expliquer respectivement à Samuel et à Harry d’où leur vient cet appel. Chose amusante, ni Hagrid, ni Héli ne sont à première vue les mieux placés pour être ces guides : faute d’avoir su tenir ses fils, Héli est déclassé (Samuel est appelé pour prendre sa place en fait), quant à Hagrid, il a été renvoyé de Poudlard, l’école que Harry intègre. Bref, si l’appelé n’est pas forcément celui auquel on aurait pensé, son premier guide, encore moins… 

Il y a pourtant une différence importante entre Harry et les prophètes et apôtres susmentionnés, sans rien savoir de la magie, Harry Potter aspire profondément à autre chose, à quitter les Dursley et la morne vie à laquelle il semble condamné. Et quand les premières lettres arrivent, il fait tout pour parvenir à les lire, malgré les obstacles qu’on lui oppose. On ne trouve pas cela chez les appelés de Dieu, à une exception près… 

Quand l’ange lui annonce “Tu seras enceinte et tu mettras au monde un fils”, Marie, fiancée aurait pu comprendre que c’était l’affaire de quelques mois… Mais non, sa question résonne comme un cri d’impatience “Comment cela se produira-t-il puisque je ne connais pas d’homme ?” Et cette même impatience, cette même aspiration à autre chose retentit dans tout le Magnificat…

Même inattendu, l’appel répond parfois à une secrète espérance.