Presque un dieu
Publié le 3 Mars 2020
"Dieu a fait de nous presque des dieux" s'émerveille le psalmiste. Mais en quoi sommes-nous presque des dieux, est-ce par les capacités de notre intelligence ou par notre capacité à aimer ?
Prédication du 1 mars 2020
Psaume 8
1 Jean 4, 7 à 9
« Or tu l'as fait presque un dieu » En quoi l’homme est-il presque un dieu ?
L’humanité a souvent tendance à croire que c’est par son esprit, son intelligence qui lui permet de s’élever presque à la hauteur de Dieu.
Cette intelligence qui nous permet, par la technique, de régner sur le monde qui nous entoure. Cette intelligence qui nous permet de protéger face aux adversaires et face à l’adversité, de nous en protéger, de nous en soigner, de nous guérir. Cette intelligence qui nous rend créateur de beauté qui nous permet de célébrer et de refléter par l’art, la lune et les étoiles, les mers et les monts…
Je ne sais pas laquelle de ces voies, Louis suivra. Parlera-t-il de la voix de l’artiste, du technicien, du protecteur ou du soigneur… J’espère simplement qu’il n’oubliera pas trois enseignements du psaume. Le premier enseignement, c’est que c’est Dieu qui fait de nous ce que nous sommes, qui donne à l’humanité la place qu’elle occupe : « Tu l’as fait ». Le deuxième enseignement, c’est le « presque ». Nous ne sommes pas des dieux ayant maîtrise sur tout et plus nous cherchons la maîtrise absolue plus les choses nous échappent, plus nous devenons destructeurs. Le troisième enseignement, c’est que la voie qui nous singularise, qui nous fait à l’image de Dieu, ce n’est pas la voie de l’intelligence.
En effet, le psalmiste l’affirme, la voix que Dieu choisit d’entendre, la voix qu’il choisit de faire retentir, ce n’est pas celle des intelligents, ni des forts, ni des créatifs, c’est la voix des tous petits enfants… Et en fait, ce qui émerveille le psalmiste, c’est la place que ce Dieu créateur, protecteur, ingénieux donne à l’homme. Bref, le trait principal de Dieu et la capacité qu’il nous donne et qui nous rapproche de lui, c’est, comme Jean le clarifiera, l’amour.
L’amour qu’est-ce-que c’est ? « Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde ». Nous sommes parfois un peu gênés par la dimension sacrificielle de cette affirmation. Quel est ce Dieu qui a besoin de sacrifier son fils ? Il convient de se rappeler que le langage sacrificiel est le langage dont disposent les auteurs du Nouveau Testament pour relire la croix et que c’est au-delà du langage, qu’il serait bon d’entendre ce qu’ils nous disent : en Jésus Christ, Dieu s’est donné pour que nous vivions.
L’amour, que les auteurs bibliques appellent agape, ce n’est pas le goût que nous avons à l’autre, ce qui nous pousse à nous saisir de lui, à nous l’accaparer, l’agape, c’est le mouvement inverse, c’est ce qui nous pousse à nous détourner de nous-même pour faire de l’autre notre centre, c’est de nous donner à lui. C’est ce que Dieu fait pour nous, c’est ce qu’il nous appelle à faire pour les autres. En effet, c’est cette capacité qui nous rend presqu’un Dieu.
Cet amour qui nous décentre, qui nous fait aller plus loin que nous même, nous en faisons tous l’expérience dans nos relations conjugales, parentales, amicales. Mais nous faisons également tous l’expérience de ce manque d’amour. En effet, la polarité me semble être moins entre des personnes, entre ceux qui aiment et ceux qui n’aiment pas qu’entre des moments, des moments où j’aime et des moments où je n’aime pas, où je me recroqueville sur moi-même, où j’accapare l’autre, où je me l’approprie. Et dans ces cas-là, je peux être le plus religieux du monde, je ne sais plus rien de Dieu.
En revanche dans mes moments d’agape, dans ces temps où je ne suis plus au cœur, au centre de moi-même, je nais de Dieu, je connais Dieu…
Et ce n’est pas facile.
La naissance et la connaissance sont faciles à faire, puisque cela ne vient pas de moi, puisque cela m’est donné, puisque c’est Dieu qui m’accouche, puisque c’est Dieu qui me donne la connaissance, qui me fait presqu’un Dieu. Mais ce n’est pas facile à vivre…
Lorsque nous aimons, nous naissons de Dieu. Pour celles et ceux qui s’offusquent ou se réjouissent de l’image paternelle du Dieu de la Bible, je souligne qu’à côté de cette image, il y a aussi celle d’un Dieu qui fait naître, qui accouche.
N’étant ni femme, ni très courageux, je ne m’attarderai pas sur cette image de l’accouchement, mais je voudrai m’arrêter un peu sur l’image de la naissance. Bien sûr, je n’ai pas de souvenirs de ma naissance, mais j’ai quand même l’impression que pour le bébé, ce n’est pas le moment le plus facile. Il est expulsé d’un milieu dont il est le centre absolu, où tout est pour lui, d’un confort absolu, il est projeté dans un monde d’altérité.
Eh bien, il en va de même de l’amour, l’amour nous expulse de ce cocon certainement mortifère mais si confortable où tout tourne autour de nous, l’amour nous projette vers l’autre, il nous déplie et ainsi nous expose.
Quant à la connaissance, elle n’est pas beaucoup plus simple. Tout d’abord parce que, comme le rappelait Calvin « la connaissance de Dieu et de nous-même sont choses conjointes ». Et que ce n’est pas confortable de se connaître vraiment, de découvrir que si nous sommes presque Dieu, ce n’est pas par nos efforts, par nos mérites mais c’est parce que Dieu en a décidé ainsi et que nous n’y sommes pour rien. Ce n’est pas confortable de découvrir que la peine que nous nous donnons, que les efforts que nous faisons (et qui nous sont demandés !) n’ajoutent rien à notre valeur.
Et puis, connaître Dieu, c’est aussi connaître les autres, découvrir qu’ils sont, comme nous, créatures chéries de Dieu, qu’ils sont comme nous, précieux au point que pour eux, Dieu a tout donné. Alors, c’est plutôt bien comme découverte puisque nous ne sommes plus entourés d’ennemis, de menaces potentielles mais de frères et sœurs. Mais cela induit une transformation radicale de notre façon d’agir envers celles et ceux qui nous entourent.
Frères et sœurs, peut-être tout cela est-il un peu inquiétant pour chacun de nous et en particulier pour Constance et Sébastien. En effet, le règne de l’amour, ce que certains appellent le monde des bisounours n’est pas plus confortable que la jungle du chacun pour soi, il n’est pas moins exigeant que l’univers du légalisme. Mais il est le monde, le royaume vers lequel Dieu appelle Louis, et nous appelle. Il est le commencement de la vie véritable, de la vie éternelle.
Amen