Les femmes, la rencontre et la prière

Publié le 24 Mai 2020

Prédication sur Actes 1, 12 à 14

 

Confinement dans la chambre haute, périmètre autorisé de déplacement… Une fois encore, la Bible nous entraîne en terrain connu.

Ou plutôt, la crise que nous traversons nous rend la Bible plus familière. Cela n’a rien d’étonnant, la plupart des épisodes bibliques racontent des périodes de crises ou transformation, des périodes où la foi a dû se réinventer de manière de se dire et de se vivre.

C’était un temps étrange pour l’Eglise naissante, un temps d’entre deux.

Jésus avait été enlevé au Ciel et l’Esprit de Pentecôte n’avait pas encore soufflé.

Judas était mort et Matthias n’avait pas encore été élu pour le remplacer.

          C’est un temps étrange pour l’Eglise d’aujourd’hui, sans doute un temps d’entre deux… Entre deux quoi ? C’est précisément ce que nous ne pouvons pas savoir. Mais il est intéressant de voir, dans ce texte, ce qui prend place dans cet interstice : la prière, la rencontre de deux groupes, la présence de femmes.

 

          "Les dames d’abord", commençons donc avec cette présence des femmes. En fait, ce n’est pas tant la présence de femmes qui attire mon attention que la mention de cette présence. Cette mention des femmes qui suivaient n’est pas unique sous la plume de Luc mais elle est suffisamment originale dans les écrits bibliques - qui sont plutôt du genre « sans compter les femmes et les enfants » - pour être notée. On voit bien d’ailleurs que si les Onze sont nommés, à part Marie, les femmes sont restées dans l’anonymat.

          Pourquoi Luc insiste-t-il sur cette présence des femmes. Je vais écarter l’hypothèse qu’il ait agi sous la pression de sœurs qui lui auraient fait remarquer qu’il n’y en avait que pour les frères… Peut-être a-t-il été conduit par l’Esprit-Saint pour réparer une injustice (mais alors, il faudrait se demander pourquoi l’Esprit Saint n’a pas eu la même vigilance avec les autres auteurs bibliques).

Mon idée, c’est que Luc a voulu poser les femmes en exemple. Pas parce que les femmes seraient meilleures, plus spirituelles, plus pieuses que les hommes. Mais parce que dans le monde de Luc, les rôles de conquête, de domination sont traditionnellement dévolus aux hommes alors que les rôles du soin et du service sont dévolus aux femmes. Or, le soin et le service sont précisément le cœur de l’Evangile et de la vie chrétienne. Pour Luc, les femmes sont déjà une image de ce à quoi Jésus nous appelle tous.

Et je ne peux m’empêcher de noter que les professions qui ont été en première ligne pendant l’épidémie sont souvent majoritairement exercées par des femmes, notre monde n’est visiblement pas si différent de celui de Luc… D’ailleurs même dans notre paroisse, il me semble que ce sont principalement des femmes qui se sont engagées pour que notre Eglise continue à vivre, coup de fils, séance de catéchisme… Il ne s’agit de blâmer personne ni d’oublier ceux qui se sont engagés à côté d’elles. Mais d’abord d’exprimer une grande reconnaissance à ces sœurs pour leur service. Et puis pour nous, messieurs, de poser une vigilance à avoir. Nous sommes nous aussi capable du soin et du service, et nous y sommes, nous aussi, appelés. Tout autant que nos sœurs. Seulement, à cause de notre culture, de notre éducation, cela nous est sans doute moins évident. Il nous faut donc y être plus vigilants.

 

Dans cet interstice de l’histoire de l’Eglise se glisse également un très grand prodige : autour d’un héritage, deux groupes très différents (les disciples de Jésus et la famille de Jésus) se rassemblent d’un commun accord.

On voit à travers les Ecritures qu’il y a eu des tensions, des luttes de pouvoir et d’influence entre ces deux groupes. Mais c’est toute l’histoire de l’Eglise : elle est constituée de groupes différents, parfois c’est la théologie qui les distingue, mais très souvent ce sont de tout autres aspects comme ici, l’origine : la différence est entre ceux qui ont été appelé par Jésus et ceux qui sont de sa famille. Cette différence entre ceux qui sont nés dedans et ceux qui ont rejoint est d’ailleurs toujours présente dans notre Eglise.

Quand ces groupes se rassemblent dans un commun accord, l’Eglise grandit et vit, quand ils se déchirent ou cherchent à dominer l’un sur l’autre, elle est blessée.

Et ces temps-ci, nous risquons une tension entre deux groupes, une tension qui n’a pas grand-chose de théologique. Elle est assez bien résumée par un dessin qui m’a fait sourire un peu tristement cette semaine

 

Cette tension entre ceux qui seront partisans d’une grande prudence et ceux qui réclameront plus de liberté, nous allons la vivre et il nous revient de veiller à ce qu’elle ne soit pas une source de division.

 

          Et, frères et sœurs, c’est le troisième élément de cet interstice de l’Eglise qui nous portera : « Tous et toutes étaient assidus à la prière ». Je ne sais pas si je dois dire que nous retrouvons la prière, j’espère qu’il serait plus juste de dire que la prière ne s’est jamais arrêtée : c’est une constante de notre Eglise. Quelle prière ? le rituel quotidien ? la prière spontanée ? la prière personnelle dans le secret de la chambre ? la prière communautaire, chacun chez soi mais à 18h, en communion avec tous les autres ? La plainte lancée vers Dieu ? le cri de colère qui monte au ciel devant tant d’injustice ? la prière de demande et d’intercession ? la louange pour notre Dieu qui est grand sur nos crises et nos épreuves ?

Qu’importe finalement. La prière, c’est l’affirmation que Dieu n’est pas sourd ni indifférent, la prière, c’est la confession que nous sommes faibles et que nous avons besoin de lui, la prière, c’est notre première confession de foi

 

Amen

Rédigé par Eric George

Publié dans #Bible, #Actes, #Femmes, #rencontre, #prière

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