La terre et l'humain, patrimoine de Dieu
Publié le 25 Septembre 2020
Pour le culte pour la création, le groupe Eglise Verte de la paroisse de Versailles a réfléchi sur le chapitre 25 du lévitique et les 5 règles qu'il édicte.
- tous les six ans, laisse le sol se reposer !
- tous les 50 ans, lors de l’année du Jubilé, chaque famille, chaque clan retrouvera la terre que Dieu lui a accordée lors de l’installation dans la terre promise
- si quelqu’un est obligé de vendre sa terre, lui ou sa famille pourra toujours la racheter
- viens toujours en aide à ton frère tombé dans la misère
- si ton frère doit se mettre à ton service pour payer ses dettes, traite-le comme un salarié et s’il doit se vendre à un étranger, rachète-le. Dans tous les cas, il retrouvera sa liberté lors de l’année du Jubilé.
Mais, avec le groupe Eglise verte, il nous a paru plus fécond de nous demander de quoi ce texte nous parlait, ce sur quoi il nous interrogeait. En effet, ce texte n’est peut-être pas une loi applicable, il n’en reste pas moins un texte biblique, un texte dont nous reconnaissons l’autorité.
C’est un texte qui parle de propriété de la terre, de relation aux autres, de limites et de règles…
La propriété de la terre
Dans les discussions autour de l’écologie, du respect de l’environnement, deux grandes tendances s’affrontent. La première tend à considérer l’humain comme propriétaire de la terre, par droit de conquête ou par droit de travail et face à elle, une autre tendance nous parle de notre mère-nature ou de notre mère la terre, dans cette version, nous appartenons à la nature, à la terre.
Le lévitique en ouvre une troisième : la terre est la propriété de Dieu, ainsi que l’être humain et il place le second sur la première.
L’année du Jubilé est un signe fort de cette nouvelle appartenance. Pendant 50 ans, des générations d’humains vont vivre sur la terre qui leur est répartie. Cette répartition va se modifier, évoluer mais pas indéfiniment… Un cadre est donné à la liberté humaine. Mais avant d’évoquer ce cadre, ces limites, je voudrais souligner un aspect du texte qui a marqué le groupe Eglise Verte, qui nous a troublé même pendant notre découverte de Lévitique 25…
Relation aux humains, relation à la terre
C’est l’imbrication étroite entre des règles relative à la propriété du sol et les relations humaines. On a même trouvé que le texte mélangeait un peu tout…
Alors que depuis quelques décennies pour les plus en avancés, nos politiques semblent découvrir que le soin de l’environnement et le soin de l’humain ne s’opposent pas mais procèdent d’un même élan, la Bible nous le dit depuis plusieurs milliers d’années, pour une raison toute simple : la terre ET l’humain sont le patrimoine de Dieu. Toucher à la terre ou toucher à l’humain, c’est toucher aux affaires de Dieu. Or si Dieu n’a rien contre le fait de prêter ses affaires, Il veut également qu’on en prenne soin.
Nos limites
Et pour marquer son patrimoine, Dieu pose deux limites : une limite dans le temps et une limite dans l’espace. La limite dans le temps, c’est la règle du sabbat : un jour de repos, le 7ème jour pour les humains et les bêtes, la 7ème année pour le sol. La limite dans l’espace : c’est le jubilé, cette remise des compteurs à zéro, du retour sur sa terre de chaque famille.
Je ne crois pas qu’aujourd’hui la question soit de savoir si nous devons appliquer la règle du sabbat ou celle du jubilé, ni même comment nous devrions les adapter à notre société. En revanche, ce texte m’interroge : quelles limites nous reconnaissons-nous ? quelles limites acceptons-nous de nous imposer ?
La règle
Et ces limites sont-elles individuelles, le fruit de la réflexion et de la décision de chacun ? ou bien une règle qui s’impose à tous ? Dans le lévitique, nous sommes devant une loi, une règle pour presque tous les habitants du pays. (d’ailleurs les exceptions sont énumérées) Dans la Bible, même le repos, qui nous paraît être de l’ordre de la liberté est imposé avec la règle du sabbat. Et cela va dans mon sens : d’une part, c’est ma nature profonde – est ce parce que j’aime les règles claires que j’aime les jeux de société, ou parce que j’aime les jeux de société que j’aime les règles claires ? et d’autre part, je ne crois pas que nous soyons assez raisonnables pour décider de ce qui est bon par nous-mêmes.
Mais Jésus nous a également rappelé que nous ne sommes pas non plus très raisonnables dans notre façon de respecter et de faire respecter la règle et que nous oublions vite que la loi est faite pour l’homme et non pas l’homme pour la loi.
Alors, quelle part laissée à la règle collective et quelle part laissée à la responsabilité individuelle ?
De quelles limites avons-nous besoin pour être humain ?
Comment traitons-nous ce qui n’est pas à nous ?
De quoi, de qui nous sentons-nous propriétaires ?
A quoi, à qui nous sentons nous appartenir ?
Frères et sœurs, ce sont des questions écologiques, ce sont des questions politiques, mais ce sont aussi des questions théologiques, parce que ce sont des questions spirituelles, ce sont des questions humaines.
Mais pour ne pas vous laisser seulement des questions, je voudrais terminer par une remarque. Dans le Lévitique, l’année de repos laissée à la terre, est « pour l’honneur du Nom » la règle du Sabbat est donnée « Parce que je suis l’Eternel ton Dieu » Les auteurs bibliques ont compris cette règle du repos sabbatique comme une marque d’appartenance à Dieu, comme si Dieu écrivait son nom sur ses affaires. Aujourd’hui, nous savons que ce repos des hommes, des bêtes et de la terre sont nécessaires, bons pour nous et qu’en nous fixant cette règle, Dieu nous montre qu’il a soin de son patrimoine. Alors demandons lui la confiance nécessaire à ce repos qu’il nous donne.
Prière de Dumas
Notre Dieu, nous te demandons de laisser le repos venir à notre cœur, à notre pensée et à notre corps afin que nous puissions faire halte et nous démettre de ce qui tourbillonne, se bouscule et s’encrasse en nous. Tu le sais : malgré les apparences que nous nous donnons d’être calmes et organisés, détachés et concentrés, en réalité, nous ne faisons pas trêve avec nous-mêmes. Nous remplissons notre temps comme une armoire comble. Nous entassons nos années comme un amoncellement de tâches et de retards. Nous bourrons nos vies, sans nous laisser d’espace pour les vivre. Nous allons de travaux en divertissements, et nous ignorons le repos.
Ô Dieu, repose-nous, toi qui as pris le septième jour pour regarder, apprécier et chômer de ta propre fatigue. Repose-nous, toi qui commandes de faire relâche en mémoire de notre liberté, toujours réelle, en présence de notre communion, toujours possible, en attente de l’achèvement de ton royaume, toujours annoncé.
Fais que nos repos ne nous effraient pas, nous qui savons mal user de la liberté du temps. Fais que nos repos ne nous dissolvent pas, nous qui savons mal vivre le silence et le calme, le retrait et la retraite. Car nous voudrions que le repos cesse d’être pour nous une hygiène et un devoir, une obligation et une résignation, pour advenir en nous tel le soleil qui s’attarde au soir, telle la nuit qui ensevelit les insuffisances, tel le sommeil qui éveille les songes, telle l’aurore aussi, qui nous retrouve dispos.
Repose nos cœurs, ces chevaux, que tirent à hue et à dia nos passions.
Repose nos esprits, ces antichambres, où se pressent les solliciteurs.
Repose nos corps, ces maisons, où la poussière se dépose.
Repose-nous, toi qui as disposé les rythmes du monde, le jour et la nuit, l’hiver et l’été, l’allant et le silence, la parole et le sacrement, la bouche et la douceur de la main ; l’oreille et l’affleurement du geste, l’animation et l’apaisement de l’amen.
Nous te demandons le repos de nos vies, à toi qui es le Dieu de la Parole vivante, mais aussi de la paix accomplie.
Amen