Consolez, consolez mon peuple

Publié le 6 Décembre 2020

Consolez, consolez mon peuple

En ce temps de l'Avent et de l'épidémie, Esaïe 40 définit une nouvelle mission pour l'Eglise...

Prédication du 06 décembre

Esaïe 40, 1 à 11

Jérusalem a déjà reçu du SEIGNEUR le double de ce qu'elle méritait pour tous ses péchés.

Quand je pense à Dieu, quand je lis la Bible pour éclairer la situation actuelle, l’idée d’un châtiment, d’une punition, d’une expression de la colère de Dieu surgit régulièrement. Ma foi au Dieu de Jésus Christ, au Seigneur de miséricorde me fait rejeter cette idée d’un Dieu punisseur

Et je la rejette d’autant plus facilement qu’en fait, certains des textes bibliques qui semblent présenter les grandes catastrophes comme des punitions envoyés par Dieu s’opposent eux aussi à cette image.

Nous en avons un exemple assez frappant ici. Jérusalem a reçu du Seigneur le double de ce qu’elle méritait… Alors, Dieu frapperait deux fois trop fort, aveuglément et il le reconnaîtrait ensuite tranquillement. « Oups, j’y suis allé deux fois trop fort, bon ben désolé hein ! Je vais m’arrêter du coup ». Dieu agirait comme parfois les compagnies de gaz, d’électricité ou des eaux : on perçoit d’un bloc et puis après on rembourse le trop-perçu … Sauf que dans le cas d’une punition, d’une catastrophe, c’est un peu dur de rembourser le trop-perçu …

Esaïe nous en offre un exemple remarquable mais en fait, bien des textes qui nous parlent du Dieu qui frappe, disent « assez ! », disent « c’est trop » et donc partagent notre indignation, notre refus de cette image d’un Dieu punisseur…

 

Après avoir évacué cet aspect du texte, entrons maintenant dans le cœur du texte, dans son projet : « Consolez, consolez mon peuple

Et de cet appel à la consolation, découle un étrange dialogue. Oui, l’hébreux n’offre pas de guillemet, ne dit pas toujours qui parle. C’est parfois au lecteur de redécouper le dialogue. Voici comment je l’entends.

- Quelqu'un dit : Crie !

- On répond : Que crierai-je ? Toute chair est de l'herbe, tout son éclat est comme la fleur des champs. L'herbe se dessèche, la fleur se fane quand le souffle du SEIGNEUR passe dessus.

- Vraiment, le peuple est de l'herbe : l'herbe se dessèche, la fleur se fane ; mais la parole de notre Dieu subsistera toujours

C’est vrai que ce n’est pas facile de consoler quelqu’un ou un peuple. On se sent très impuissant. Nos mots, nos gestes, nos silences nous paraissent d’autant plus dérisoires que la peine que nous voudrions consoler est grande. Saint Exupéry écrivait « C’est si mystérieux le pays des larmes ».

 

          Mais tout en nous appelant à être consolateurs, consolatrices, le texte nous donne aussi quelques indications sur la manière de consoler.

Parlez au cœur de Jérusalem, criez-lui que son combat est terminé, qu'elle s'est acquittée de sa faute, qu'elle a déjà reçu du SEIGNEUR le double de ce qu'elle méritait pour tous ses péchés.

          Consoler, c’est d’abord prendre la plainte, le ressenti de celui, de celle qui pleure au sérieux. Eventuellement l’aider à mettre des mots sur sa plainte, mais ne pas chercher à modérer le propos. «C’est rien», « tout ne va pas si mal », « tu exagères », « d’autres sont plus malheureux »  « tu as ta part de responsabilité » ne sont pas des formules de consolation… Cela peut être de l’exhortation, de l’admonestation fraternelle, de l’encouragement et c’est parfois tout à fait légitime et nécessaire… Mais ça n’est pas de la consolation ! Pour consoler quelqu’un, il faut prendre son ressenti comme un fait. Si Jérusalem a l’impression d’être frappée deux fois trop durement, eh bien par la bouche du prophète, Dieu va lui dire qu’elle a été frappée deux fois trop durement.

 

          Quelqu'un crie : Dans le désert, frayez le chemin du SEIGNEUR ! Aplanissez une route pour notre Dieu dans la plaine aride ! Que toute vallée soit élevée, que toute montagne et toute colline soient abaissées ! Que les reliefs se changent en terrain plat et les escarpements en vallons !

Et cela prend du temps… Encore aujourd’hui, abaisser une montagne ou relever une vallée ne se fait pas en un jour… Alors, à l’époque d’Esaïe, je vous laisse imaginer... D’ailleurs, dans un autre récit célèbre de malheur et de consolation, le livre de Job, les amis de Job qui sont pourtant de piètres consolateurs prennent plusieurs jours pour simplement pleurer avec lui…Oui, consoler ne se fait pas si simplement, c’est en fait de gros travaux de terrassement, d’aménagement de terrain. Et dans quel but ?

D’ailleurs, indépendamment de cette réflexion sur la consolation, je me suis toujours demandé pourquoi il fallait préparer la route au Seigneur… Généralement, les montagnes abaissées, les vallées comblées, les déserts qui refleurissent, c’est plutôt sa partie, son boulot que le nôtre…

Alors la gloire du SEIGNEUR se dévoilera, et tous la verront ensemble

Et le texte répond : on n’abaisse pas les montagnes, on n’élève pas les vallées pour que le Seigneur puisse passer, on abaisse les montagnes, on élève les vallées pour que tous le voient venir.

Et c’est le but de la consolation : cheminer avec ceux qui pleurent pour leur permettre de voir au-delà de leur malheur. D’ailleurs, n’est-ce pas une grande consolation que de contempler un lever de soleil, un beau paysage, entouré par des gens qui nous aiment ?

 

« Consolez, consolez mon peuple » C’est un pluriel, la consolation devient œuvre collective. Déjà, pour tout ce travail, Dieu ne nous envoie pas seuls.

 

Monte sur une haute montagne, Sion, toi qui portes la bonne nouvelle ; élève ta voix avec force, Jérusalem, toi qui portes la bonne nouvelle ; élève ta voix, n'aie pas peur, dis aux villes de Juda : Votre Dieu est là !

Mais en plus la consolation se répand. De Sion, la montagne du Temple à Jérusalem, la ville autour du Temple puis vers les autres villes, la consolation se propage. Sans doute, quand on est consolé, on peut devenir consolateur à son tour. Mais je crois que le texte va plus loin, il nous dit qu’il n’est pas nécessaire d’être consolé ou de ne pas être dans la peine pour être consolateur. On voit bien que le prophète lui-même se sent un peu désespéré… Mais la réponse de Dieu nous dit que la consolation peut être mutuelle, réciproque. C’est d’ailleurs ce que vivent les familles dans le deuil : on se console les uns les autres, on se console en consolant les autres.

 

Frères et sœurs, il est bon que nous entendions ce texte aujourd’hui car nous étions un peu perdus. Nous ne savions pas très bien quelle était notre place face à cette épidémie.

Nous avons pleuré sur nos fêtes gâchées, nous nous sommes mis en ordre de marche : nous avons établi des chaînes téléphoniques, appris à faire de la vidéo, nous avons enregistré des chants, nous avons tendus des câbles et compté des chaises… Et tout cela est juste et normal.

Mais nous ne pouvons pas rester uniquement centrer sur nous-mêmes. Maintenant vient le temps d’une nouvelle mission.

Réjouissons-nous car nous avons un rôle à jouer ! Nous nous sentons aussi faibles que l’herbe, fragiles comme la fleur des champs, voilà que Dieu fait de nous des consolateurs de son peuple. Son peuple, j’en suis convaincu, c’est l’humanité toute entière : Esaïe est le prophète qui étend Israël aux nations…

Réjouissons-nous car Dieu nous laisse libre des moyens dont nous serons consolateurs. Par nos paroles, par nos actes, par une présence silencieuse et écoutante… Ici le texte reste silencieux sur les moyens d’être là, et de préparer sa venue, à chacun de faire avec les dons qui sont les siens.

Soyons sans peur, car Dieu nous appelle à élever les vallées, à faire monter les plus petits, à les faire passer devant, à abaisser les montagnes, à demander aux grands, aux importants de passer derrière ou de se baisser pour que tous puissent voir.

Cela prendra du temps sans doute mais réjouissons-nous à présent

Oui réjouissons-nous car nous recevons pour nous-même cette bonne nouvelle dont nous devenons porteurs 

Votre Dieu est là !

Le Seigneur DIEU vient avec force, son bras lui assure la domination ; il a avec lui son salaire, sa rétribution le précède.

Comme un berger, il fera paître son troupeau, de son bras il rassemblera des agneaux et les portera sur son sein ; il conduira les brebis qui allaitent.

 

Amen

Rédigé par Eric George

Publié dans #Bible, #Esaïe, #¨consolation, #Avent

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