Terre à l'horizon
Publié le 4 Février 2021
Texte d'ouverture de l'aumônerie du synode régional de la Région Parisienne, 30 janvier 2021.
Dans les documents préparatoires du synode initialement prévu, il était proposé aux Eglises d’imaginer comment elles se réinventeraient si elles devaient repartir de rien… Personne n’imaginait qu’on devrait passer si vite aux exercices pratiques…
Nous voici donc à l’orée d’un territoire nouveau, en train de scruter les prévisions, les pronostics, les modélisations, en train de nous demander ce que seront les annonces prochaines.
A l’orée d’une terre nouvelle, Israël utilisait des moyens plus conventionnels, ils envoyaient des espions. Dans Nombres, nous découvrons le rapport de ces espions à leur retour
Nombres 13, 26 à 14
Ils racontèrent : Nous sommes arrivés dans le pays où tu nous as envoyés. C'est bien un pays ruisselant de lait et de miel, et en voici le fruit. Mais le peuple qui habite ce pays est puissant, les villes sont fortifiées, très grandes ; nous y avons même vu des Anaqites. Les Amalécites habitent le Néguev ; les Hittites, les Jébusites et les Amorites habitent la montagne ; les Cananéens habitent près de la mer et sur les rives du Jourdain.
Caleb fit taire le peuple devant Moïse. Il dit : Montons et prenons possession du pays ; nous serons vainqueurs !
Mais les hommes qui étaient montés avec lui dirent : Nous ne pouvons pas monter vers ce peuple, car il est plus fort que nous. Et ils se mirent à décrier devant les Israélites le pays qu'ils avaient exploré. Ils dirent : Le pays que nous avons parcouru pour l'explorer est un pays qui dévore ses habitants ; tout le peuple que nous y avons vu, ce sont des hommes de haute taille ; nous avons vu là les Nephilim, les Anaqites, qui sont d'entre les Nephilim : nous étions à nos propres yeux comme des criquets, et c'est ce que nous étions aussi à leurs yeux !
Toute la nuit les Israélites crièrent et pleurèrent. Ils protestaient contre Moïse et Aaron, leur disant : « Ah, si seulement nous étions morts en Égypte, ou dans ce désert ! Pourquoi le Seigneur nous conduit-il dans un tel pays ? Nous y mourrons dans des combats, nos femmes et nos enfants feront partie du butin des vainqueurs. Ne vaudrait-il pas mieux pour nous retourner en Égypte ? » Ils se dirent alors les uns aux autres : « Nommons un chef et retournons en Égypte ! »
Moïse et Aaron se jetèrent face contre terre, devant l'ensemble de la communauté d'Israël. Quant à Josué, fils de Noun, et Caleb, fils de Yefounné, deux de ceux qui avaient exploré le pays, profondément bouleversés, ils déchirèrent leurs vêtements, et dirent à la communauté : « Le pays que nous avons exploré est un excellent pays, qui ruisselle de lait et de miel. Si le Seigneur nous est favorable, il nous conduira dans ce pays et nous le donnera. Seulement, ne vous révoltez pas contre le Seigneur. Et n'ayez pas peur des habitants de ce pays : nous n'en ferons qu'une bouchée. En effet leurs dieux protecteurs les ont abandonnés, tandis que le Seigneur est avec nous. Ne les craignez donc pas. »
Je n’affirmerai pas que le monde de la pandémie ou de la post-pandémie est la Terre promise, mais c’est le monde dans lequel nous sommes appelés à vivre l’Eglise, à annoncer l’Evangile.
Et si ce monde a de quoi nous effrayer, nous ne pouvons pas perdre de vue que notre Eglise a déjà su y cueillir des fruits… Certains se sont lancés dans l’exploration du monde numérique et de la vidéo, d’autres se sont resserrés sur l’essentiel, tous se sont adaptés. Nous avons vu également des hommes et des femmes se tourner vers les Eglises, en quête de sens, en quête de Bonne Nouvelle.
Mais nous avons vu aussi les dangers de ce monde nouveau : les amalécites de la fracture numérique, les hittites de l’incertitude, les jébusites de l’angoisse, les amorites de la fatigue les cananéens de l’isolement et même ces géants, les anaqites de la misère et des inégalites sociales.
Et face à ce pays, deux voix se font entendre, deux tentations se font sentir :la première c’est un peu celle de Caleb : on va tout défoncer ! Par notre savoir-faire, par notre légendaire supériorité protestante, par notre incroyable capacité à nous réformer, on va faire mieux que tout le monde… Une voix de va-t-en guerre qui commence par faire taire toute expression d’inquiétude. La deuxième voix nous dit : « Retournons-en Egypte, vivement que tout soit comme avant, vivement que tout soit revenu à la normale ». Comme si c’était possible, comme si avant, tout allait bien pour notre Eglise ou pour notre monde…
Il nous faut sans doute prendre le temps de laisser ces deux voix s’exprimer, prendre le temps de les laisser s’affronter avant qu’une autre voix se fasse entendre, une voix qui dit sa confiance en Dieu tout en lui laissant toute liberté : Si le Seigneur nous est favorable, il nous conduira