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Laisser venir les petits enfants

Laisser venir les petits enfants

Une image célèbre, Jésus accueillant les petits enfants, mais derrière cette image, outre une réflexion sur le Royaume de Dieu, nous entendons aussi un questionnement fort pour  nos pratiques d'Eglise et sur la place que nous donnons réellement aux enfants. 

I Corinthiens 12, 31 à13, 13

Marc 10, 13 à 16
On a l’habitude de voir dans les évangiles des gens se regrouper autour de Jésus pour l’écouter, on a l’habitude de voir des gens lui amener des malades et des éclopés pour qu’il les guérisse. Ici, des gens amènent des enfants à Jésus pour qu’il les touche de la main. S’agit-il de demander au rabbi de passage de bénir leur enfant ?  S’agit-il de demander au guérisseur déposer un sceau de protection sur leur enfant ? Ou bien s’agit-t-il simplement, comme on le voit encore aujourd’hui de présenter leurs enfants à une célébrité, à quelqu’un qu’ils admirent ?

Peu importe après tout, d’une manière ou d’une autre, des gens reconnaissent en Jésus un chemin de vie, et ils lui amènent leurs enfants parce qu’ils veulent le meilleur pour eux. D’ailleurs, je me trompe, les gens n’amènent pas à Jésus leurs enfants, on lui amène des enfants. Ici, il ne s’agit pas de lien de parenté, de progéniture, il s’agit de cette capacité de l’humanité à vouloir le meilleur pour les enfants, de vouloir les protéger et leur ouvrir l’avenir.

Penser aux enfants est sans doute un des meilleurs remède contre nos égoïsmes, contre le « après nous, le déluge »…

 

Et les disciples font barrage. Là encore, le texte ne nous dit pas pourquoi. Du coup, nous pouvons leur trouver toutes sortes de bonnes raisons. Je ne crois pas que les disciples n’aiment pas les enfants. 

Mais il faut bien le reconnaître, les enfants, c’est turbulent, c’est bruyant, ça dérange, ça perturbe l’attention alors que Jésus est précisément en train de parler de choses sérieuses, il parle à ce moment précis de mariage, de répudiation et de création… Entre parenthèse, toutes ces choses impliquent directement les enfants mais les adultes préfèrent en traiter entre eux. Fin de la parenthèse.

          Sans doute aussi, les disciples s’opposent-ils aux adultes qui amènent les enfants : présenter à Jésus des malades pour qu’il les guérisse, venir l’écouter, soit. Mais faire de lui une médaille miraculeuse de protection, un distributeur automatique de bénédiction, qui plus est pour des enfants qui ne sont même pas conscients de ce qu’ils vivent. Ça, c’est de la superstition, c’est de la magie. Alors non, pas question de laisser faire. Dans cette attitude des disciples, je reconnais bien l’attitude de notre Eglise, si soucieuse que les gens viennent à elles pour les bonnes raisons, si encline à juger des motivations de chacun, si prompte à refuser d’être une pourvoyeuse de rites, si rapide à imposer des filtres, des sas, voire des barrières… Eh bien, entendons-le, Jésus s’indigne de cette attitude, de notre attitude.

 

          Et Jésus accueille les enfants, les prend dans ses bras, les bénit et… ne les enseigne pas. Il va profiter de l’occasion pour enseigner les adultes, pour les faire réfléchir. Mais l’évangile ne nous montre pas Jésus, ce cador en pédagogie - les paraboles le prouvent - enseigner les enfants.

Et là encore, nos pratiques d'Église sont interrogées. Quand nous accueillons des adultes, nous proposons, certes, un enseignement. Mais nous voulons accueillir également avec joie celles et ceux qui voudraient simplement louer le Seigneur, par la prière, le chant et la musique. Nous voulons accueillir celles et ceux qui voudraient s’engager au service des autres. Nous voulons accueillir celles et ceux qui voudraient simplement se poser, déposer leur fardeau, être écouté·e et accompagné·e. Réfléchir avec les textes bibliques, les laisser nous guider, mais aussi nous interroger, nous interpeller, cela fait partie de notre ADN réformé et luthérien, l’enseignement fait donc partie de notre accueil et de notre témoignage, c’en est une partie importante mais ce n’en est qu’une partie.

Mais dès que nous sommes face à des enfants, il me semble qu’au mieux, l’enseignement prend une place disproportionnée dans cet accueil, au pire que l’accueil est compris comme une composante, un outil d’enseignement. C’est d’ailleurs ce qu’indiquent les activités que nous proposons aux enfants : éveil à la foi, école biblique, catéchisme (qui signifie en grec « faire retenir »

Demandons-nous un peu si pour nos enfants, l'Église est perçue d’abord comme un lieu d’accueil ou un lieu d’enseignement…

 

 Et nous arrivons maintenant à l’enseignement donné aux adultes : “le royaume de Dieu est pour ceux qui sont comme des petits enfants.” Que signifie être comme un petit enfant. N’ayant pas vécu dans un monastère, préservé de tout contact avec l’enfance, ayant des enfants et étant en contact avec les enfants des autres, je ne crois pas une seconde que les enfants soient purs, innocents, exempts de toute méchanceté. Je ne crois pas non plus que la Bible nous appelle à garder une naïveté infantile, consistant à avaler tout ce qu’on nous raconte. La lecture de la Bible stimule mon intelligence. Il faut savoir lire, déchiffrer, il faut savoir lire, interpréter, faire sien...

 

Mais la lettre aux Corinthiens nous donne peut-être une clef. Après avoir évoqué la diversité des dons et leur complémentarité, Paul appelle les corinthiens à chercher les dons les meilleurs. Je crois qu’il ironise sur cet esprit de compétition qui sévit jusque dans les Eglises pour appeler ensuite les corinthiens à la voie parfaite, une voie dans laquelle il ne peut y avoir de compétition, celle de l’amour.

En tant que parents, nous aspirons au meilleur pour nos enfants, nous les stimulons, nous les poussons vers les voies qui nous semblent les bonnes. C’est bien sûr d’abord par amour que nous agissons ainsi, parce que comme je l’ai évoqué plus haut, nous voulons pour eux le meilleur avenir. Mais reconnaissons-le, cet amour se mêle aussi de choses plus compliquées, c’est aussi un peu par fierté, pour notre accomplissement personnel… Alors que de leur côté, tout ce que les enfants attendent de leurs parents, et même des adultes en général, c’est d'en être aimés…

C’est là que j’entends l’opposition entre recevoir le Royaume de Dieu comme un adulte, vouloir le mériter, y accéder par la force du poignet, et recevoir le Royaume de Dieu comme un enfant, simplement vouloir être aimé de Dieu. Si, adultes que nous sommes, nous voulons mériter le Royaume de Dieu, nous n’aurons d’autres choix que de nous mentir sur nous-mêmes ou désespérer d’en être jamais digne.

 

Alors, frères et sœurs, comme des enfants, attendons-nous seulement à être aimés de Dieu, ainsi nous verrons son Royaume s’ouvrir à nous et nous pourrons y grandir et nous épanouir dans son amour, 

 

Amen

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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