Du coeur à la bouche, de la bouche au coeur
Publié le 8 Mars 2022
"La parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur" rappelle l'apôtre Paul aux Romains, mais le mouvement va-t-il du coeur à la bouche ou de la bouche vers le coeur ?
Prédication du 06 mars 2022
La tentation
Je suis persuadé que tous et toutes, nous vivons ces jours-ci dans la compassion pour les victimes de la guerre et notamment pour le peuple ukrainien. Peut-être certaines, certains vivent-ils cette compassion dans une confiance tranquille dans la victoire de Jésus-Christ, Seigneur de vie et de paix. Je leur demande de prier pour moi, de prier pour nous qui vivons ces temps entre les tentations de la peur et du désir de contrôle ; nous que le diable amène au sommet d’une montagne où nous rêvons de posséder les règnes du monde, ne serait-ce que pour régner sur notre vie ; nous que le diable amène au faite du temple en nous promettant une protection si nous nous jetons dans le vide.
Peut-être la tentation de transformer les pierres en pain viendra-t-elle plus tard, quand les conséquences économiques de cette guerre se feront vraiment sentir. Peut-être est-elle déjà là quand je voudrais que ce monde, ce désert me soit fondamentalement accueillant.
La seigneurie
Et ces tentations m'obligent à revenir de manière intimement douloureuse à cette question : qu'est ce qui est Seigneur de ma vie ?
En effet alors que je suis perdu entre soif de puissance, de contrôle et peur, Paul m'affirme " Si tu reconnais que Jésus est le Seigneur, tu seras sauvé" "Jésus est le Seigneur."
Or dans sa rencontre avec le diable, Jésus n'a de cesse de refuser la seigneurie telle qu'on la définit habituellement, en refusant de changer les pierres en pains, il refuse le contrôle, en refusant de se jeter du temple, il refuse la protection, il refuse la possession de tous les royaumes de la terre.
Et c'est dans cet homme tenté au dessert, torturé hors de la Passion et meurt crucifié, cet homme qui, porté par l'esprit refuse toute marque de seigneurie, que ce suis, que nous sommes appelé à reconnaître et à invoquer comme Seigneur. Reconnaitre le Seigneur comme celui qui vient, qui s'abaisse, qui meurt pour faire vivre et non pas dans celui qui trône, qui surplombe et décide qui vit et qui meurt, c'est transformer radicalement ma vision des choses, mon rapport au monde et aux autres.
« Qu'est ce qui est Seigneur dans ma vie ? » ne signifie plus "qu'est ce qui me domine et décide de ma mort et de ma vie ?" mais "qu'est ce qui vient à moi, qu'est ce qui s'abaisse vers moi pour me faire vivre ?"
Bon, voilà pour la théologie, pour la théorie mais concrètement on fait comment pour parvenir à ce changement ? Voici ce que nous dit Paul :
"En effet, si, avec ta bouche, tu reconnais , Jésus le Seigneur, et si, avec, ton cœur tu crois que Dieu l'a réveillé d'entre les morts , tu seras sauvé. Car c'est avec le cœur qu'on a la foi qui mène à la justice et c'est avec la bouche qu'on fait l'acte de reconnaissance qui mène au salut. "
Cette foi, qui nous vient de Dieu, l'apôtre Paul nous exhorte à la vivre du cœur et de la bouche. Et je précise que Le cœur dans le langage biblique, c'est le lieu de la décision plutôt que le siège des émotions et des sentiments (ça, ce serait plutôt les tripes). Et en écoutant les versets 9 et10 , on peut percevoir un double mouvement " de la bouche vers le cœur et du cœur vers la bouche .
Du cœur à la bouche
Je m'arrête d'abord sur le mouvement qui nous parait le plus évident : celui qui va du cœur à la bouche. La bouche est ici l'image du langage, mais nous pouvons nous rappeler que le langage n'est pas seulement porté par la parole, nous parlons aussi avec nos actes et notre attitude. Il nous faut donc traduire en langage, en acte, en attitude, en parole cette foi qui est en nos cœurs. Et ce pour trois raisons :
- Le cœur est le lieu de la décision, si la foi habite notre poste de commande, notre siège de décision, il est logique qu'elle se traduise dans nos actes, dans nos paroles.
- La foi n'est pas un sentiment, une conviction , c'est une relation or, une relation cela ne se vit pas qu'à l'intérieur de soi.
- Enfin, et c'est le plus important : nous sommes tentés de vivre recourbés, repliés, centrés sur nous même, ainsi nous pourrions avoir le contrôle de nos vies, être nos propres dieux. Or Dieu nous appelle à vivre dépliés devant lui, présents dans le monde, aimant nos frères et nos sœurs. La foi ne peut donc pas se vivre uniquement à l'intérieur. Si nous croyons que Dieu nous fait vivre, comment pourrions-nous garder cette Bonne Nouvelle pour nous et ne pas la partager avec celles et ceux que nous aimons ?
De la bouche au cœur
Le deuxième mouvement est plus surprenant puisqu'il va de la bouche au cœur. Comment ce que nous disons vient- il habiter notre cœur.
Nous sommes plus habitués au schéma : oreille > cœur > bouche, nous entendons la Parole, elle vient habiter notre cœur et nous la proclamons pour que d'autres l'entendent à leur tour. Ce schéma reste valable, je viens de l'évoquer mais Paul me dit que le mouvement inverse bouche -> cœur existe aussi. Alors s'agit-il de magie ? La formule "Jésus est le Seigneur" répétée en boucle a-t-elle le pouvoir de nous protéger voire de nous sauver ? Pire encore, s'agirait-il d'une œuvre à accomplir Dieu exige notre confession pour nous sauver ? Je crois qu'on fait, il s'agit juste d'un constat pratique : ce que nous disons vient habiter notre cœur, vient constituer notre pensée.
"Ce qui se conçoit bien, s'exprime clairement" dit-on, je crois qu'en fait c'est l'inverse : faire l'effort de les exprimer clairement nous aide à mieux formuler nos pensées. Le largage ne nous permet pas seulement d'exprimer (de faire sortir) il nous permet aussi d'incorporer (de faire entrer)
Quelques exemples
Certains d'entre vous aiment à prendre des notes pendant la prédication. De leur propre aveu, ils ne les relisent pas nécessairement par la suite - A vrai dire, j'en fais autant quand je lis. Le fait d'écrire donc de parler, en quelque sorte, aide à faire sien, à incorporer une pensée.
Nous sommes tous surpris par l'ampleur qu'on prise les théories du complot et les fake news. Pourtant, la désinformation ne date pas d'hier…On blâme alors les réseaux sociaux, et je crois que c'est à raison, mais le problème n'est pas celui de la diffusion élargie, mais plutôt que chacun peut devenir acteur de la diffusion : en partageant ce qu'on a reçu, on l'incorpore davantage, on le fait davantage sien : il y a une différence entre entendre contester ce que l’on a reçu et entendre contester ce que l’on a soi-même partagé ? Jésus le disait : "Ce n'est pas ce qui vient dans l’homme, c'est ce qui sort de l'homme, qui souille l'homme" Et Paul d'ajouter, ce qui sort de l'homme peut également purifier sauver l'homme "si tu confesses de tar bouche, tu seras sauvé" En effet, s'il est vrai qu'en reportant les propos mensongers et mortifères nous les incorporons, c'est vrai aussi a repentant la parole de vérité et de vie.
C'est ce que j'ai vécu la semaine dernière. La nouvelle de la guerre nous a pris perdent nos vacances, et comme beaucoup, je l'ai reçue dans un tourbillon d'angoisse, de par et d'oubli. Et puis dimanche dernier, en célébrant le culte à Granville, en disant pour et avec l'assemblée notre foi, notre prière, notre espérance, j'ai laissé ces mots venant d'autres personnes m'envahir, m’habiter, combattre ma peur et mon angoisse et, littéralement, me sauver.
Entendez bien qu’il ne s’agit pas de faire semblant, ni de confesser le Seigneur par obligation, et donc hypocritement (étymologiquement, sous la loi). Il s’agit d’invoquer, d’appeler le Seigneur, cet appel, il nous est donné de le mettre à notre bouche comme une arme pour notre propre combat spirituel.
Frères et sœurs même, et surtout, si vous êtes troublés, blessés par ces nouvelles de guerre, Mène et surtout, si des seigneuries de peur et de haine règnent sur vos cœurs, répétez par vos mots, par vos actes, par votre pratiques et votre attitude, cette parole de salut qui nous est donnée "Jésus Christ est le Seigneur." Il vint, il s'abaisse, il donne sa vie, il nous donne la vie.
Amen