Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Christ d'un nouveau monde

Le Christ d'un nouveau monde

Un commentaire de l'hymne au Christ de Colossiens 1 comme éclairage sur le monde.

Petit souvenir d'un voyage œcuménique en Turquie : notre responsable tient absolument à ce que nous passions à colosse. Le guide s'étonne : il n'y a rien à Colosses !

Mais notre responsable insiste : il faut y passer car Paul y est allé !

Bon… quelques mots au chauffeur et notre bus fait un détour de deux heures pour que de l'échangeur d'autoroute de Chônai, nous puissions voir de loin un tell , une colline artificielle sous laquelle est enterrée la ville de Colosses.

En tant qu'animateur biblique du voyage, pendant le détour, je feuillette la lettre aux Colossiens et je tombe sur le verset l du chapitre 2, Paul n'a sans doute jamais mis les pieds à Colosses (Je le comprends : je vous assure qu'il n'y a vraiment rien à voir) peut-être même a-t-il délégué la rédaction de la lettre à un secrétaire... Toujours est-il que pour s'adresser à ces Colossiens qu'il ne connait pas, dont il n'a pas fondé la communauté Paul commence avec un référent commun, il cite un hymne, un chant liturgique célébrant le Christ.

Nous pouvons le comprendre : lorsque nous rencontrons une communauté étrangère, nous sommes heureux de trouver un critique, une prière que nous connaissons, au moins un texte biblique. De même que dans la vie quotidienne, lors d'une rencontre nous essayons de trouver des référentiels communs... Seulement, cet hymne au Christ adressée aux habitants d'une cité disparue nous parle-telle encore ? Ce n'est pas évident, le vocabulaire, les images ne sert plus les nôtres Pourtant cet hymne me dit en quoi Jésus est si important pour moi, en quoi il est le Christ.

Tout d'abord , Paul le dit dans son introduction à l'hymne "Dieu nous a délivrés de l'autorité des ténèbres pour nous transporter dans le Royaume de ses fils bien-aimé" . Avec Jésus, j'entre dans un monde nouveau.

Ce n'est pas un au-delà, pour après ma mort, ce n'est pas un ciel plus haut que les cieux ni un nouveau continent au-delà des mers. Ce monde nouveau en fait c'est celui dans lequel nous vivons mais éclairé différemment, mais transformé radicalement. (Forcément quand on éclaire les ténèbres, ça change tait...) Alors pour découvrir ce monde nouveau, ce Royaume du fils bien -aimé , je vous propose de ne pas partir des grandes affirmations théologiques sur le Christ, mais plutôt de ce que nous connaissons, de nos référents communs...

Premier constat, l'hymne ne nous parle pas de nous -mêmes, de notre fort intérieur mais bien du monde qui nous entoure. Les ténèbres ce ne sont pas, en tout cas pas seulement, nos ténèbres intérieures : nos méchancetés, nos rancœurs, nos jalousies etc. Ne vous inquiétez pas, Paul les connait et il en parlera mais l’hymne, lui, ne parle pas de cela…

Il nous parle d'un monde de visible et d'invisible. Ça, nous connaissons ! nous savons bien qu'autour de nous, il y a des choses que nous voyons et des choses que nous ne percevons pas mais qui ne nous influencent pas moins. Que ce soit des choses que nous ressentons ou simplet des parties du monde qui échappent à la sphère de nos perceptions.

Il nous parle d'un monde d'autorités, de pouvoirs et de puissances. Là encore rien de bien nouveau, nous savons tous que les puissances s'exercent sur nous, des puissances politiques, des puissances d'argent, avec la guerre en Ukraine. et avant, avec le terrorisme, nous avons redécouvert le poids des puissances militaire Mais aussi des puissances extra-humaines, le climat par exemple.. Et ces puissances peuvent être de l'ordre du visible ou de l'invisible.

Et quand je parle de puissances invisibles, je ne parle pas de reptiliens, d'illuminati ou de je ne sais quelle théorie du complot, je parle juste de notre incapacité à tout voir, à tout comprendre, je parle aussi de ma conviction profonde que dans le jeu politique, géostratégique, et économique, tout est loin d'être rationnel et que la folie, la bêtise et la médiocrité humaines occupent une grande place (et que sur cette folie, cette bêtise, cette médiocrité, la plus intelligente des analyse, la plus fine des prospections se brisent souvent les dents)...

Enfin, l'hymne me parle du temps, il me parle d'un commencement, il me parle d'une fin, et ainsi il me rappelle que je suis pris dans ce flux du temps. Il me rappelle que mon passé, mais aussi celui des autres, pèse sur moi, sur ma vie, sur mon histoire ; et qu’avec des trésors, des bons souvenirs, il charrie son lot de blessures et de rancœurs. Il me parle aussi d'un avenir et me rappelle que je ne le contrôle pas et que si cet avenir porte des projets et de l’espoir, il est aussi porteur de peur, d'angoisse.

Et en me parlant de la création et même de l'avant, en me parlant de la résurrection, de l’après la fin, l'hymne au Christ m'évoque quelque chose que je ressens confusément, que je ne peux pas réellement imaginer ; l'idée que le temps même n'est pas infini. Qu'avant le commencement, et qu’après la fin, il y a quelque chose.

Bref, l'hymne au Christ me parle du monde qui m'entoure en me rappelant cette évidence que j'oublie si souvent, je ne suis ni le maître, ni le centre de ce monde dans lequel je vis, ce monde contre lequel je me bats parfois, par lequel je me laisse entraîner si souvent. Ce monde qui me nourrit et qui me blesse ce monde auquel j’appartiens et auquel je me sens si mal ajusté. Et sur ce monde que nous reconnaissons si bien, l'hymne au christ va poser une lumière qui, pour moi, illumine, transforme tout, même si elle tient en deux points

En faisant la paix par lui, par le sang de sa croix : Je ne ferai pas un grand développement sur les théologies de la croix, jette phrase me renvoie juste à une vérité que les poètes ont toujours chanté, dont je crois que chacun a fait l'expérience : aimer, c'est toujours être blessé. Aimer, c'est toujours donner de soi-même. Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri (Aragon). La croix me dit qu'en Christ, Dieu a aimé le monde jusqu'à la croix, jusqu'à sa propre malédiction, jusqu'à la mort.

Tout est créé pour lui et a lui tout se tient. Christ est le maître absolu de ce monde. Cela ne veut pas dire qu'il en tire les ficelles, que tout ce qui arrive arrive par sa volonté ou que le monde lui obéisse, cela veut dire qu'il est au sommet de la chaine de commandement, il est en tête de la hiérarchie.

Cela a deux conséquences concrètes

Tout d’abord, puisque Jésus, le Christ, est le maître du monde, je peux, sans cesser d’être lucide, sur la tragédie, sur l’absurdité de la cruauté et l’avidité qui détruisent ce monde, regarder tout de même le monde avec espérance.

Ensuite et surtout : je ne suis plus écartelé entre le Christ et le monde… Je m’explique. Il m’arrive de désobéir sciemment à ce que je sais que Dieu veut pour moi. Parce que j’ai la flemme, parce que je n’ai pas envie… Mais dans la plupart des cas, j’explique ma désobéissance au commandement d’amour de Dieu et du prochain par les obligations que le monde fait peser sur moi. C’est le chœur des « il faut bien », « on est bien obligé », « il faut être réaliste », « Il n’y a pas d’alternative ». Je crois que ce refrain, nous le connaissons tous bien pour l’entonner si souvent… Mais si Jésus, le Christ, est le maître du monde, s’il est au sommet de la chaîne de commandement, alors obéir à un ordre qui s’oppose à son commandement d’amour c’est simplement lui désobéir. Ça simplifie les choses.

Mais alors, que se passe-t-il quand dans ma bêtise, ma folie et ma médiocrité, je suis mes propres élans ou j’obéis aux commandements d’un monde qui ne cherche que son intérêt au lieu d’écouter la parole de Celui qui m’aime au point d’avoir tout donné ? Eh bien l’hymne me renvoie à l’espérance : par lui, il a plu à Dieu de tout réconcilier avec lui-même

Frères et sœurs, en Jésus, le Christ, nous découvrons un Seigneur qui n’est pas un maître lointain nous donnant des ordres impossibles dans son propre intérêt, nous découvrons ce mouvement de Dieu qui vient à nous alors même que nous sommes à terre pour nous murmurer une parole de vie et d’amour. Que cette parole inonde nos pensées et nos cœurs.
Amen

Photo by Anne Nygård on Unsplash

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
Voir le profil de Eric George sur le portail Overblog

Commenter cet article
R
Un grand merci pour ce texte. J'ai hâte de revoir ma petite fille qui se posait après la question de savoir pourquoi aimer c'est souffrir, occultant dans sa surprise le développement qui en était fait. De même je pourrai revenir avec elle sur nos difficultés à porter à la fois le poids de tout ce qui nous pèse pour ce qui est passé et aussi ce qui est à venir. Sinon une prédication pour une riche et profonde réflexion que j'avais plaisir à partager ce dimanche.
Répondre