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Pour une théologie amoureuse

Pour une théologie amoureuse

 Une prédication blanche et bleue sur 1 Jean 4, 7 à 12

« Dieu, personne ne l’a jamais vu »

Je voudrais qu'on prenne cette affirmation au sérieux et qu'on revienne, ou plutôt que l'on arrive enfin à l'iconoclasme.

Alors, n'ayez pas peur pour le mobilier, je parle surtout d’arrêter de vouloir montrer, démontrer, prouver Dieu. Dieu personne ne l'a jamais vu, Dieu n'est pas présentable, Dieu n'est pas démontrable. Mais alors comment parler d'un Dieu que personne n'a jamais vu, d'un Dieu dont on ne sait rien.

Mon petit frère, athée agnostique, m'a dit un jour "Je ne te comprends pas forcément quand tu parles de ta foi , mais tu m'as dit que c'était une histoire d'amour, et ça je comprends, ça me suffit". Je suis à peu près certain que mon petit frère n'a jamais lu l'épître de Jean mais je crois qu'il la comprend mieux que moi.

« Personne n'a jamais vu Dieu » nous rappelle Jean Mais aussi "Quiconque aime connaît Dieu" Moi qui dis parfois qu'il est aussi impossible d'expliquer ce qu'est la foi à un non-croyant que dire ce qu'est le bleu à un aveugle de naissance, Jean vient me rappeler que l'enjeu n’est pas de parler de ma foi mais de parler de Dieu et que pour parler de Dieu, j'ai avec l'athée un référent commun :" l' amour".

La théologie ne devrait pas chercher à dire qui est Dieu, ce qu'il est mais juste chercher comment dire : "Dieu t'aime"

C'est déjà une vaste tâche. Et ça présente l'avantage de nous éviter les spéculations métaphysiques infinies pour nous en tenir à l'étude de la Bible.

Alors, sans prétendre couvrir ce vaste champ et en nous concentrant sur le texte que nous avons entendu ce soir, qu'est-ce que Jean nous dit de cet amour.

Ce n'est pas que nous, nous ayons aimé Dieu...

Eh ben ! Voilà que Jean balaye le premier, le plus grand commandement ! Je ne sais pas s'il le balaye ou s'il constate que nous n'y obéissons pas. Je crois que plus simplement, ici , que nous aimions Dieu, n'est pas la question, c'est d'ailleurs assez logique, si pour vous parler de quelqu'un je vous dis que je l'aime, comment je l'aime , à quel point je l'aime , Je ne vous parle pas de lui ou d'elle, je vous parle de moi. Il suffit de lire la poésie amoureuse pour s'en convaincre. Quand je lis Les yeux d'Elsa, j'en sais beaucoup plus sur Aragon que sur Elsa Triolet.

Alors que si je dis comment l'autre m’aime, c'est bien de lui, d'elle que je vous parle....

Comment Jean nous dit -il que Dieu nous aime ? Dieu a envoyé son fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui.

Si je dépouille cette affirmation de notre imagerie chrétienne, j''entend d'une part que le but de Dieu c'est que nous vivions, c'est que nous soyons bien. Et d'autre part que cet amour se manifeste dans un mouvement et un don de Dieu vers nous. Dieu nous aime. Dieu veut notre bien, il a un geste vers nous, il s’approche de nous. Il me semble que c’est assez cohérent…

Dès lors, vous comprendrez que je sois un peu dubitatif quand on essaye de se livrer à une taxonomie de l'amour, à soigneusement ranger les différentes formes d'amour dans des cases. A mettre l’amour dont parle la bible sur un autre domaine que l’amour au sens commun… Oui, il y a des nuances mais soyons nuancés dans notre compréhension de la nuance. Une nuance, ce n'est pas une séparation et encore moins une opposition. Une nuance, n'est moins fort qu'une différence.

Bref, il me semble infondé et surtout dire dangereux de vouloir séparer l'amour de Dieu ou l'amour chrétien ou plutôt l’amour biblique de nos amours humaines…

Infondé parce que les textes bibliques me semblent bien parler de ce que nous appelons l'amour (un sentiment une force, un élan), en tout cas ils nous en offrent les même symptômes…

Infondé parce que dans le vocabulaire évangélique y johannique les synonymes me semblent plus interchangeables qu'on a l'habitude de le dire. (pour les hellénistes parmi vous, je vous donne rendez-vous à la sortie et vous me dites quel est le verbe utilisé pour parler du « disciple que Jésus aimait » )

Dangereux parce qu'à trop vouloir différencier voire séparer l'amour biblique de l'amour au sens commun on perd justement ce référent commun "quiconque aime connaît Dieu", on perd ce langage qui nous permettrait d’atteindre celles et ceux qui ne croient pas.

Dangereux parce que dire que l'amour dans la Bible c'est différent du sentiment humain risque de nous autoriser à énormément édulcorer l'impact des appels à l'amour. Si l’amour dont parle la bible n’a rien à voir avec l’amour au sens courant alors aucun problème pour aimer mon ennemi, je peux le torturer et le tuer tant que je prie pour lui (certains l’ont fait) Autrement dit, je bénis l'Esprit qui a empêché les traducteurs d’inventer un mot à part, de les avoir empêchés de nous proposer que Dieu a tant Tarazimboumé le monde...

Sur cet amour Jean nous dit aussi que Dieu a envoyé son fils comme expiation des péchés. Je ne ferai pas un long développement sur l'expiation ou sur le péché mais je voulais juste souligner que l'amour dont Dieu nous aime n'est pas un amour qui rend aveugle, qui fait tout accepter. C'est un amour inconditionnel, Dieu nous aime alors que nous sommes pécheurs, que nous avons des défauts. Mais ce n'est pas un amour qui accepte ces défauts. Dieu veut notre bien, il n'est donc pas question qu'il tolère ce qui nous détruit. Mais il n'attend pas de nous que nous nous corrigions, il vient pour guérir.

D'ailleurs, cette mention du péché, de ce qui ne va pas est peut-être aussi une explication par que Jean ne s'occupe pas de notre amour pour Dieu. Que nous aimions Dieu qui est plénitude et perfection, cela n'a rien d'étonnant. Ce qui est surprenant, ce qui mériterait qu'on s'y arrête (mais pas ce soir) c'est que nous ne l'aimons pas !

Père, fils, expiation, péché, né de Dieu... Je dois bien reconnaître qu'il y a beaucoup de notions que j'ai esquivées.

Mais je vous l'ai dit "Dieu nous aime" devrait être la seule focale de la théologie , il y va donc toujours beaucoup à faire pour explorer ces notions dans ce contexte.

Je voudrais terminer sur le point central de ce passage.

Puisque personne n'a jamais un Dieu. Puisque c'est par l'amour que nous le connaissons, il est évident que pour faire connaître Dieu, pour vivre sa présence, nous n’avons qu’un seul moyen : l’amour.

Un seul moyen ? Mais l’amour ça se dit et ça se pratique de bien des manières. Oui je crois que l’amour se dit. D’ailleurs, Jean qui enjoint à n’aimer « pas avec la langue », n’a que le mot amour à la bouche, lui qui appelle ses correspondants « bien-aimés ».

S’il est important de dire l’amour, c’est que les gestes d’amour ne sont pas toujours très clairs : certains se confondent avec le devoir… N’en reste pas moins qu’il y a tant de manière de dire et de mettre l’amour en pratique que « aimons-nous les uns les autres », je pense que ça nous donne une très large marge de manœuvre, énormément de rencontres, de découvertes à faire, de chemins à explorer… Pour vivre la présence de ce Dieu que personne n’a jamais vu mais que toutes celles et tous ceux qui aiment ou ont aimé connaissent.

Photo by Jamez Picard on Unsplash

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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