Yaël et Mon crime

Publié le 8 Mars 2023

Yaël et Mon crime

Ozon n'a pas (encore) adapté Juges 4 au cinéma. Mais Madeleine n'est pas sans m'évoquer Yaël... Une petite relecture théologique de Mon crime

Chaque jour, les femmes nous suppriment en toute impunité

Si c'est à Judith qu'est rapidement comparée Madeleine, c'est à Yaël que me fait penser la jeune actrice, accusée d'avoir tué le producteur qui essayait d'abuser d'elle. D'abord parce qu'à partir  du meurtre d'un homme puissant par une femme, le film, comme le chapitre 4 du livre des juges joue sur les rôles impartis aux hommes et aux femmes.
Ensuite, parce que le film tourne autour d'un mystère : que s'est-il passé dans cet hôtel particulier de Neuilly ? Tout comme Juges 4 présente un mystere aux lecteurs et lectrices : pourquoi Yaël tue-t-elle Sisera ? Est-elle l'instrument de la prophétie de Déborah ? Venge-t-elle les femmes victimes évoquées en Juges 5 ? Ne supporte-t-elle plus l'abus d'un homme a qui elle a offert un abri mais qui prétend, en plus, lui dicter ses paroles et sa conduite?
Le film d' Ozon semble résoudre l'énigme. Le texte des juges maintient le mystère.

Enfin , le chapitre 4 du livre des Juges comme le film de Ozon, font la part belle au récit. Juges 4 est une réécriture, une interprétation tardive du cantique de Déborah (Juges 5), le film d' Ozon est une adaptation, une interprétation tardive de la pièce de Georges Berr et de Louis Verneuil datant de 1931. Et dans son film . Ozon fait la part belle aux manières dont la mort de Montferrand est racontée, le livre des Juges propose plusieurs récit de la mort de Sisera: son annonce par la prophétesse Déborah, puis la reprise qu'elle en fait dans le cantique, le récit du narrateur, la présentation par Yaël à Baraq. Et cette question du récit est centrale dans les débats d'aujourd'hui, comme d'hier ou d'avant-hier… Parce que notre récit du monde construit le monde. Alors, raconterons nous un monde où les unes sont là pour être dominée par les autres ou un monde où elles peuvent  être, comme eux, juges, prophétesse, où elles peuvent, comme eux, être l'instrument du triomphe de Dieu contre les oppresseurs de son peuple ?
Pour paraphraser Pauline, l'amie et avocate de Madeleine, militante pour le droit de vote des femmes, racontons-nous un monde où le vote, l'égalité est la solution ou bien un monde où le crime , la « cancelisation » est la solution ? (je suis  persuadé que la tentation du cancel, serait moins forte si l’étendue des torts étaient mieux reconnue)
Si je suis bien conscient de la culture patriarcale qui transpire des textes bibliques, je crois pourtant que l'Evangile, la Bonne Nouvelle que ces textes recèlent permet pour les relations entre femmes et hommes, pour la place donnée à chacune et à chacun la possibilité de nouveaux récits du monde. Et ces possibilités de récits ne se limitent pas au féminisme, aux relations entre les femmes et les hommes.

Enfin, Je m'en voudrais de perdre de vue que s'ils touchent à des réalités graves , ces récits qui changent le monde peuvent être drôle. Juges 4 n'est pas exempt d'une ironie mordante. Et devant Mon crime, on rit aux éclats.

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