Une louange de plainte et de révolte en l'honneur du Seigneur
Publié le 29 Juin 2023
Quand la louange me devient impossible : une méditation blanche et bleue sur le psaume 33
Je vous confesse, mes sœurs, que la louange du psaume 33 m’a heurté plus violemment que le plus brutal des psaumes de colère, que la plus violente des histoires bibliques.
Peut-être suis-je trop affalé de chaleur, trop courbé de fatigue en cette fin d’année ou trop crispé de colère et d’inquiétude face à l’actualité, mais je ne suis visiblement pas assez droit pour que la louange me convienne
J'admire le musicien, la musicienne dont la main ne retombera pas lourdement sur la lyre avant de louer et célébrer le Seigneur. Quant à moi, Je n'y arrive plus. Et ce n'est pas seulement à cause de mon manque total de talents musicaux.
Est-il possible de célébrer "une terre pleine de sa bonté" quand c'est maintenant par demi -milliers qu'on laisse se noyer en Méditerranée des hommes, des femmes et des enfants qui fuient leur pays pour échapper à la misère ou à l'oppression ?
Est-il possible de chanter le bien qui aligne les étoiles et limite les océans quand notre terre brûle, se dessèche ou est engloutie ?
Est-il possible de proclamer que le Seigneur déjoue les projets des nations quand l'Occident continue à piller le sud quand la guerre renait même là où on la croyait disparue ?
Est-il possible d'affirmer que le Seigneur façonne le cœur des humains quand des femmes meurent encore quotidiennement sous les coups de leurs conjoints ou quand notre pays s'embrase suite à la mort d'un adolescent abattu par la police pour une broutille ?
Est-ce possible ? Est -ce juste ?
Moi, en tout cas, je n'en ai pas la force...
Mais dans ce psaume 33 j'entends aussi une permission, un appel : "Chantez en son honneur un chant nouveau" Alors que faire de cet appel de plus de 21 siècles ?
Ne pas se sentir captif des images et des mots du psaume 33 puisque lui-même nous invite à un chant nouveau.
Pour ma part, je peux annoncer, chanter ce chant "nouveau" d'un Dieu qui ne regarde pas les hommes du ciel où il habite mais qui les rejoint, d'un Dieu qui n'entre pas dans ce jeu du bras de fer avec les puissants mais qui rejoint les plus faible jusqu'à en mourir.
Oui, je crois que même vieux d'une vingtaine de siècle, ce chant-là peut toujours résonner comme une nouveauté, tant il s'oppose aux valeurs qui régissent notre monde et souvent notre vie. Oui, avec ou sans les mots de notre tradition, je peux chanter le chant de Jésus Christ, le chant du Dieu qui par amour s'abaisse jusqu'à en mourir, du Dieu qui se laisse clouer, crucifier par notre misère, nos jugements et notre haine.
Mais...
Pour quelle résurrection ? Pour quel relèvement ? Pour quel soulèvement ?
Ce chant sonnera-t-il, lui aussi, comme un lointaine promesse de consolation ou retentira-t-il comme la présence du règne de Dieu, comme 'la manifestation de sa victoire contre les forces de la mort ?
Et puis ce chant, sommes-nous encore assez nombreux, assez talentueux, assez zélés et investis pour le faire entendre, dans ce monde.
Est-il possible de faire entendre l'appel au repos et à la limite dans le grondement de l'accélération, quand moi-même je cours pour pouvoir faire toujours plus aux yeux du monde et surtout de moi-même…
Est-il possible de faire entendre la voix de l'amour dans la clameur des haines, des divisions et des peurs, quand jusque dans mon cœur, j'entends l'appel à triompher de qui ne pense pas comme moi ?
Est-il possible de faire entendre le Dieu qui se fait petit dans le vacarme du paraître et de la célébrité quand je découvre ma propre soif de reconnaissance ?
Et sur notre petit nombre, le psaume 33 pose une parole
« Il n'y a pas de roi qui soit sauvé par une grande armée »
Et sur mon manque de talents et de compétence, le psaume 33 pose une parole
Que le cheval assure le salut, c'est un mensonge,
Et sur mes limites, mes fêlures et mes incapacités le psaume 33 pose une parole.
« le vaillant guerrier n'est pas délivré par une grande force »
Alors, mon frère, ma sœur, dans le vacarme du monde qui m'assourdit, dans mes défauts et mes blessures qui me bâillonnent s'ouvre ou s’entrouvre la possibilité d'un chant nouveau, un chant de louange auquel je peux mêler ma tristesse, ma fatigue et ma colère : une louange de plainte et de révolte en l’honneur du Seigneur