Une douceur en fanfare

Publié le 26 Mars 2024

Une douceur en fanfare

Prédication sur Marc 11, 1 à 11 chez les diaconesses. 

Alors que Jésus vient à eux dans l’humilité, monté sur un ânon, les habitants de Jérusalem l’accueillent comme un roi. Ca vous dit quelque chose ? Vous connaissez l’histoire ?

Eh bien ce n’est pas du tout ce que raconte Marc

Ce que raconte Marc c’est une mise en scène dont Jésus est l’organisateur. Tout d’abord envoie des disciples chercher sa monture, et dans la scène, sauf à confondre l’évangile avec un dessin animé de Walt Disney, il est clair que l’emprunt de l’ânon était convenu d’avance. Qui laisserait partir son bien sur un simple « le seigneur en a besoin ». Il semble évident que ce que Marc nous raconte c’est que les propriétaires de l’ânon sont des disciples ou des sympathisants de Jésus et qu’une phrase clé a été prévue avec eux.

Quant à celles et ceux qui jonchent le sol de manteaux et de feuillage, ce sont, nous dit Marc celles et ceux qui précèdent et suivent Jésus. Peut-être y a-t-il quelques habitants de Jérusalem parmi eux, mais la foule qui acclame Jésus, c’est explicitement celle qui l’accompagne et non pas celle qui le reçoit.

Jésus organise et met en scène son entrée royale dans Jérusalem selon la prophétie de Zacharie.

Il choisit donc une entrée royale en douceur, ou plutôt une douceur en fanfare.

 

Alors posons-nous la question, quelle image de la douceur, de l’humilité Jésus nous donne-t-il ce matin ? Et donc, à quelle douceur, à quelle humilité sommes-nous appelés.

Je pense que l’Eglise, que ce soit dans son visage institutionnel ou communautaire et que chaque chrétien, chaque chrétienne balancent entre deux compréhensions de la douceur et de l’humilité, ou plutôt deux tentations de compréhension… La première tentation c’est celle de l’invisibilité. Nous sommes tellement humbles que nous craignons d’être vus, nous sommes tellement doux que par soucis de ne froisser personne nous n’osons dire que ce qui plaît à tous. Ce n’est manifestement pas la voie que Jésus a choisie.

L’autre tentation (qui d’ailleurs n’est pas forcément contradictoire avec la première !), c’est le « regardez comme je suis humble ! ». On sait très bien que la modestie est la première des innombrables qualités des protestants, nous, on ne plastronne pas, nous, on ne prétend pas détenir la vérité, nous, on n’impose pas nos points de vue aux autres… On pourrait avoir un peu l’impression que Jésus fait ça dans cette mise en scène… Et pourtant… Jésus entre à Jérusalem, dans le temple. Il regarde tout à la ronde. Tardive déjà est l'heure. Jésus sait que sa douceur va entrer en opposition frontale avec la brutalité, la force des puissants et il sait qu’elle ne fera pas le poids. Maintenant la semaine pascale commence, une semaine qui le conduira à la croix.

 

La douceur de Jésus est une douceur qui vient contredire les violences et les oppressions de notre monde, qui vient s’opposer à elles. Et qui va perdre, parce que c’est logique qu’elle perde. Parce que quand la douceur affronte la violence, elle perd, elle est broyée, crucifiée…

 

Et puis, la logique humaine chancelle devant la résurrection…

 

Mais, en ce dimanche des Rameaux, le moment n’est pas encore venu. C’est cette douceur en fanfare que nous avons à porter au monde, pas une discrétion qui confine à l’invisibilité, pas une vertu dont on s’enorgueillirait. Vous, mes sœurs blanches et bleues, vous le faites un peu, votre humilité s’affiche… Par une cloche qui appelle à la prière par-dessus le brouhaha de la gare, par des couleurs visibles qui vous identifient au cœur de la ville et au cœur de votre service, par votre vie communautaire… J’imagine bien que c’est perfectible…

Et nous, Eglises, chrétiens et chrétiennes comment pourrions nous vivre cette douceur en fanfare, comment pourrions-nous en être davantage témoin ?

 

Il me semble qu’avec la mise en scène de son entrée dans Jérusalem, Jésus nous propose une piste. En effet, c’est un de ces moments où Jésus fait participer le plus grand nombre à sa mission. Tous sont mis à contribution, les propriétaires de l’ânon, les disciples envoyés en éclaireurs, ceux qui suivent et ceux qui précèdent. Dans toute cette coopération, je ne lis pas que nous devions participer à la venue du Royaume, je vois plutôt une grâce supplémentaire : Jésus associe ses disciples… Et si, nous en faisions autant ? Et si à côté du « faire pour », nous nous engagions aussi dans le « faire avec » ?

Faire pour, ça, nous savons faire, avec parfois ce petit côté : « regardez comme nous sommes humbles ! » Mais faire avec ? Faire avec, en interne, faire ensemble, et faire avec, en externe, avec la société, avec le monde au milieu duquel vit notre Eglise Accepter d’exposer et de défendre notre point de vue dans le dialogue tout en acceptant, que dans ce dialogue, notre point de vue meure pour donner naissance à quelque chose de neuf…

 

C’est difficile, ça demande beaucoup de courage, beaucoup de vraie conviction et beaucoup de véritable humilité, beaucoup de foi et d’espérance aussi… Est-ce seulement à notre portée ?

Rappelons-nous seulement que Jésus a mis en scène son entrée dans Jérusalem, autrement dit, il a préparé Jérusalem à l’accueillir. Il nous prépare également…

Amen

Photo de Brooke Lark sur Unsplash

Rédigé par Eric George

Publié dans #Bible, #Marc 11, #Rameaux

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article