N'entravons pas l'Esprit

Publié le 14 Juin 2024

N'entravons pas l'Esprit

Prédication sur Marc 3, 20 à 35

A Issy-Les-Moulineaux lors de l'installation du Conseil Presbytéral

Mais personne ne peut entrer dans la maison d’un homme fort et piller ses affaires, si d'abord il ne lie pas l’homme fort. Et alors, sa maison, il la pillera.

 

Pris dans des conflits familiaux et avec les scribes, Jésus craque et enseigne à ses disciples comment devenir de bons cambrioleurs…

 

Marc a pris la précaution de signaler que le discours de Jésus - tout le discours de Jésus - était parabolique, que Jésus faisait un détour pour faire réfléchir son auditoire - tout son auditoire et donc nous y compris… Parabole la réflexion stratégique sur le satan, parabole le pillage de la maison de l’homme fort, parabole le blasphème impardonnable contre l’Esprit Saint. Le discours de Jésus nous entraîne non pas à prendre des notes pour une leçon à répéter par cœur, mais à faire un pas de côté…

 

Jésus évoque le pillage de la maison de l’homme fort entre une réflexion stratégique sur le satan : si le satan est divisé, si c’est au nom de Satan que Jésus chasse le satan, alors le satan est perdu d’avance et la mise en garde contre le blasphème contre l’Esprit Saint. Et souvent, on voit dans l’homme fort le satan qu’il faut lier avant de piller sa maison. Ce matin, je voudrais vous proposer une autre approche. Je pense que Jésus met en garde son auditoire : pour piller la maison, pour s’emparer de ce qui n’est pas à lui, le satan doit d’abord neutraliser l’habitant, cet habitant, cet homme fort, c’est l’Esprit Saint. C’est pourquoi Jésus nous met en garde contre le blasphème contre l’Esprit Saint : ne neutralisez pas vous-même l’Esprit Saint !

Et la mise en garde est forte, elle est violente : « le blasphème contre l’Esprit ne sera pas pardonné ».

Je vous propose un exemple imaginaire. Imaginons que j’offense Amos. Je le regrette et je lui demande pardon. Dans sa grande bonté, Amos me pardonne et il me dit qu’il me pardonne. Mais moi, je ne le crois pas. Moi, je reste dans l’idée que j’ai offensé Amos et qu’il m’en veut. De son point de vue, je suis son frère à qui il a pardonné, mais de mon point de vue, je reste l’offenseur. Je pense que le blasphème contre l’Esprit est de cet ordre. L’Esprit c’est Dieu qui tisse une relation avec moi… Si Dieu me pardonne et que je refuse d’être pardonné, du point de vue de Dieu, je reste celui à qui il a pardonné, mais de mon point de vue ? Si je refuse l’amour de Dieu, Dieu ne m’en aimera pas moins, mais moi, est ce que je vais me définir, me vivre comme enfant aimé de Dieu… Le blasphème contre l’Esprit, c’est ce qui m’empêche de vivre de l’amour de Dieu.

Alors, ce texte pose à chacun d’entre nous une question intime : quand est ce que je blasphème contre l’Esprit, puissance d’amour et de vie qui m’est donnée ? quand est ce que je neutralise cette relation que Dieu tisse avec moi ? quand est-ce que je ligote l’homme fort qui protège ma maison ?

Et cette question, il est bon également qu’un Conseil Presbytéral se la pose…

 

Il est bien sûr impossible de répondre à la place de chacun, de chacune… Mais le récit de Marc nous propose trois situations où l’Esprit est menacé.

Commençons avec les scribes. Les scribes affirment : Par le chef des démons, il jette dehors les démons ! Ce qui les anime c’est le soupçon. Je suis tenté de voir ce qui motive ce soupçon : est-ce qu’ils sentent leur pouvoir menacé ? Est-ce qu’ils sont scandalisés en voyant Jésus remettre en cause leur tradition ? Ici le texte ne répond pas. Mais finalement, qu’importe les motivations, le soupçon est une entrave à l’Esprit. Vous savez ce « il dit ça mais, en fait, il pense ça ». Ce soupçon qui fait rage dans notre monde et dans notre Eglise. Et qui y fait rage d’autant plus facilement qu’il n’est pas toujours injustifié. N’empêche, sans tuer l’esprit critique, sans devenir complètement naïf, lorsque le soupçon devient systématique, lorsqu’il devient le premier mode de relation, il tue tout amour, toute fraternité…

Là encore, nous pouvons tous nous interroger : de quoi est ce que je soupçonne untel ou unetelle ? de quoi ce soupçon me protège-t-il ? en quoi ce soupçon m’emprisonne-t-il ?

 

Et puis, il y a la famille de Jésus qui se retrouve mêlée à deux situations d’entrave de l’Esprit.

Pour commencer, ils veulent le faire arrêter parce qu’il déraisonne, parce qu’il est hors de lui-même, littéralement. Il est sorti du cadre qu’eux voyaient à l’action de Dieu. Et nous ? dans quel cadre sommes-nous prêts à laisser agir l’Esprit et à reconnaître son action ? Et qui pose ce cadre ? Est-ce la société actuelle et ses normes ? Est-ce une tradition ? Là encore, c’est une question à laquelle chacun, chacune apportera ses réponses mais que nous devons nous poser : quel cadre est-ce que j’impose à l’Esprit de Dieu ?

Ensuite, lorsqu’ils arrivent, Jésus remet en question ce lien « Qui sont ma mère et mes frères ? » Ce matin, je voudrais seulement m’arrêter sur cette question des entraves à l’Esprit : l’esprit de famille, de clan, c’est ce qui nous pousse à reconnaître certains comme les nôtres parce qu’on se ressemble, parce qu’on a une histoire commune, et ça peut être bon, mais ce même esprit de famille nous pousse parfois à enfermer les nôtres dans l’image que nous avons de notre clan et à exclure les autres et ça, c’est aussi une manière d’entraver l’Esprit. Alors, qui enfermons-nous dans notre clan, dans une certaine image pour qu’il ou elle nous corresponde ? Quand est-ce que j’ai besoin que ceux que j’aime soit comme je me les représente ? Qui sont celles et ceux que je suis incapables de reconnaître comme frères et sœurs et pourquoi ?

 

Toutes ces questions que nous pose ce texte sont un peu déstabilisantes, elles pourraient même être angoissantes dans le cadre du commencement de ministère d’un nouveau Conseil Presbytéral… Mais il y a une bonne nouvelle : l’Esprit qui chasse les démons, les forces de mort, l’Esprit qui a fait de nous sa demeure et qui protège cette demeure est fort, il n’est pas si facile que ça à ligoter, à neutraliser. Alors si en plus, nous sommes déstabilisés dans nos tentations de le ligoter, si nous sommes affaiblis, c’est tout bénéfice pour nous puisque c’est nous qu’il protège, c’est nous qu’il revendique comme sa propriété.

Photo de Karine Avetisyan sur Unsplash

Rédigé par Eric George

Publié dans #Marc 3, 20 à 35, #Saint Esprit

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R
Bonjour, <br /> <br /> Je n'avais jamais fait le rapprochement de « l'homme fort » avec la personne de l'Esprit Saint. Cela éclaire singulièrement l'apostrophe de Jésus sur le blasphème. <br /> "Ne ligotons pas l'homme fort"! <br /> Merci.<br /> <br /> Rott
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