Non à l'extrême-droite

Publié le 13 Juin 2024

Non à l'extrême-droite

Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres

Jean 15, 17

Dans la Bible et notamment le Premier Testament, la Loi s’exprime souvent sous la forme de l’interdit, le décalogue et l’arbre de la connaissance du bien et du mal en sont de bons exemples.

C’est bien, l’interdit ça laisse beaucoup de possibilités, beaucoup de liberté, beaucoup de responsabilité… Aujourd’hui, après les élections européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale, je suis heureux que mon Eglise rappelle un interdit : le programme de l’extrême-droite s’oppose en tout point à l’Evangile de Jésus Christ tel que nous le comprenons, tel que nous cherchons à le vivre dans nos engagements, dans nos décisions synodales sur l'accueil des étrangers, sur l'écologie ou la diaconie. Voter Rassemblement National, voter Reconquête, c’est, à mes yeux, s’opposer à l’Evangile que je reçois et proclame au sein de l’EPUdF (ainsi d’ailleurs qu’à celui que j’ai reçu dans ma famille catholique)

Que dirai-je alors à mon frère, ma sœur, mes paroissiens, mes collègues qui s’apprêtent à voter pour un député RN ou un de ses alliés ? Je dirai : « Par ce geste, tu t’opposes à ce que je reçois du Seigneur, tu rejettes son commandement d’amour, tu te fermes à sa parole de vie et j’en suis blessé, pour toi, pour moi, pour l’humanité ». Mais je n’oublierai pas le message de grâce que j’ai reçu et qui m’anime, et je dirai également « Malgré ce geste tu restes fils ou fille de Dieu, ce frère, cette sœur que Dieu aime et m’appelle à aimer. »

C’est bien, l’interdit ça laisse beaucoup de possibilités, beaucoup de liberté, beaucoup de responsabilité… Alors quelle stratégie, quel vote face à ce risque de l’extrême droite ? Chacun, chacune aura des stratégies différentes avec sans doute des arguments presque aussi bons que les miens… Seulement, je suis trop blessé, trop en colère par ce que je lis ici et là quand les stratégies diffèrent de la mienne, quand elles accusent la mienne, pour vouloir provoquer moi-même cette blessure cette colère. Je me suis, hélas, trop souvent prêté à ce jeu, suscitant blessure et colère dans le passé. Alors, cette fois, j’essaye de limiter ma parole à celle-ci « Non à l’extrême droite » et je refuse qu’on m’enjoigne d'en dire plus, je refuse qu’on me soumette à la tentation de la colère et du jugement, je suis fatigué de vouloir avoir raison. Des abstentionnistes convaincus, des Républicains non alliés au RN jusqu’au NPA (courant A ou B), de toutes celles et ceux qui ne mettront pas un bulletin RN dans une urne, je ne dirai rien publiquement. Les stratégies électorales, les enjeux de pouvoir, c’est le lieu des partis et mouvement politique, du monde associatif et syndical, de l’isoloir. Ce sont des lieux nobles. Mais moi, le lieu d’où je parle aujourd’hui c’est l’Eglise et dans ce lieu, je ne veux que dire « Oui à l’amour, oui à la vie, oui à Jésus Christ, non à l’extrême droite »

quand les blés sont sous la grêle
fou qui fait le délicat
fou qui songe à ses querelles
au coeur du commun combat

Aragon

Rédigé par Eric George

Publié dans #Humeurs, #politique, #élections, #extrême droite

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J
Bonjour Eric,<br /> <br /> Si j’ai pris la peine de réagir à ton billet de blog, c’est justement parce que je ne vois pas dans le communiqué en question d’ouverture claire et franche envers celles et ceux qui se trouvent tentés par ou enfermés dans l’extrémisme (ou alors il y a des subtilités du texte qui ont échappé à mon petit cerveau 😉). <br /> <br /> On ne s’adresse pas à eux de façon claire et fraternelle, on ne les invite pas explicitement, on ne leur propose pas de les écouter, on ne s’arrête pas sur leurs besoins, on ne leur parle même pas de la grâce que tu mentionnes dans ton billet (tu amorces de toi-même un rééquilibrage dans ton texte que je ne perçois pas dans le communiqué). Ils sont pratiquement invisibilisés… <br /> <br /> Ce n’était peut-être pas l’intention, mais le communiqué m’a donné l’impression d’être seulement un appel à « faire bloc », à « resserrer les rangs » … En cela, il ressemble aux communiqués émanant de partis politiques ou de syndicats (les uns brandissant les valeurs de la République, les autres celles de l’humanisme, pour nous ce sont donc les valeurs de l’Evangile…), bref, à tous ces communiqués que j’ai connu depuis mes années de lycée en 2002 … <br /> <br /> Si j’ai pris la peine d’écrire, c’est que je voulais partager mon inquiétude voire ma tristesse de voir des églises ressembler à des partis ou à des syndicats. A mon avis, nous -en tant qu’église- ne sommes pas prioritairement appelés à défendre un programme, une idéologie, un corpus d’idées qu’il faudrait opposer à d’autres. <br /> <br /> Je pense que nous sommes plutôt là pour témoigner d’un salut qui s’adresse à toutes et à tous, une « bonne nouvelle » qui peut changer une vie, lui donner du sens… Et pour rappeler sans cesse (dans tous les communiqués) que derrière les programmes, les idéologies, il y a des frères et des sœurs que nous ne voulons pas invisibiliser, que nous invitons à la table et dont nous souhaitons soulager les peines…<br /> <br /> C’est cela que j’aurais voulu lire dans le communiqué d’une église. <br /> <br /> Une fois de plus, je suis d’accord, on peut (on doit) « honorer le conflit », faire un « rappel à la Loi » et « poser des interdits » … Mais cela ne suffit pas. Il faut accueillir également. Et je ne voudrais pas être cruel, mais cela fait au moins depuis 2002 que l’on « tire les oreilles » des électeurs et électrices du FN puis du RN… avec le succès que l’on connait ! <br /> <br /> Et oui, tu as raison, le désaccord ne passe pas nécessairement pas la négation de la personne. Mais il faut reconnaitre que ce risque existe néanmoins et s’en prémunir. On peut vite glisser, de façon insidieuse, du rejet d’une idéologie au rejet des personnes que l’on estime partisanes de cette idéologie…surtout dans des périodes de tensions, de peurs, d'échauffement des esprits ! Notre rôle n’est-il pas justement d’inviter à « faire un pas de côté » ? <br /> <br /> Bref, pour moi, marchons sur deux jambes. Quand je lis le communiqué, j’ai l’impression que l’une est plus musclée que l’autre. <br /> <br /> Mais cela me renvoie en fait à ma propre faiblesse, à mon propre sentiment d’incompétence. « Rappeler la Loi », c’est le plus simple. En revanche, accueillir « cet étranger ou cette étrangère » que sont devenus mes frères et mes soeurs du RN (ou de Reconquête), avec tout ce qu’il peut y avoir de désagréable dans la rencontrer, laisser s’exprimer leurs besoins, les aider - sans condescendance - à reformuler les perspectives et surtout laisser faire l’Esprit, en toute délicatesse, ça c’est beaucoup plus complexe ! <br /> <br /> Je te souhaite un bel été !<br /> <br /> Fraternellement, <br /> <br /> Jacques.
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J
Bonjour Eric,<br /> <br /> « Illibéralisme » semble effectivement un bon terme, il traduit bien le risque de dérives autoritaires qui est sous-jacent à la pensée extrémiste (de droite comme de gauche d’ailleurs). Il est beaucoup plus juste concernant la situation actuelle que les concepts de « totalitarisme » ou de « fascisme » que l’on entend, lancés à tort et à travers. <br /> <br /> Mais de même, je pense que l’on ne devrait pas utiliser le terme « racisme » pour décrire la pensée (ou le sentiment ?) partagée par la majorité de nos frères et sœurs du RN. Ressentir de la peur ou de l’aversion pour « l’étranger » (avec sa couleur de peau, son type ethnique, sa tenue vestimentaire…), c’est de la « xénophobie ». <br /> <br /> On ne désamorce pas de la même manière une pensée raciste (conviction de l’existence des « races » et de la supériorité d’une « race » par rapport à une autre) et une pensée xénophobe (peur / aversion pour ce qui est « étranger », différent). Si l’on veut aider nos frères et sœurs du RN, il faut bien cibler ce qui les trouble. <br /> <br /> Les concernant d’ailleurs, je n’ai pas bien compris en quoi je les essentialiserais… j’ai parlé de celles et ceux que je connaissais. Mais tu as raison, il ne faut pas verrouiller qui que ce soit dans une catégorie définitive (cf. mon premier message qui dénonce la tendance des extrémismes à déshumaniser l’être humain en l’enfermant dans des catégories idéologiques définitives : la tentation de « fabriquer de l’étranger » est particulièrement forte dans les pensées extrémistes). <br /> <br /> Concernant l’action envers nos frères et sœurs du RN, je me rends compte que j’ai manqué de précision lorsque j’utilisais le terme « diaconie ». Je ne voulais pas parler des œuvres qui soulagent le quotidien de celles et ceux qui sont matériellement les plus pauvres de notre société. <br /> <br /> Avec le terme « diaconie » (pris dans son sens étymologique, plus large), je souhaitais souligner l’urgence de « se mettre au service » de nos frères et sœurs du RN, matériellement peut-être, mais surtout spirituellement. Comment l’Évangile peut-il soulager leurs souffrances, leurs faiblesses, leurs besoins, dont la pensée extrémiste n’est qu’un symptôme ? Quel discours (quelle prédication ?) développons-nous vis-à-vis d’eux, au-delà de la simpliste logique de condamnation ? <br /> <br /> Ma crainte, c’est que nous restions dans une logique (confortable, bien dans l’entre-soi) de « bloc » contre « bloc » … Et qu’en faisant « barrage » contre « l’extrême-droite » comme concept, nous glissions insidieusement vers un « barrage » contre des hommes et des femmes (nos frères et sœurs du RN), invisibilisés derrière ce concept…. J’ai peur d’un nouveau pharisianisme, avec des « purs » qui cherchent à rester bien « purs » en excluant (peut-être pas par « action » mais par « omission ») les « non-purs » … <br /> <br /> Mais tu as raison, il y a des paroles rassurantes (il faudra ensuite qu’elles soient suivies d’actions concrètes, d’une vraie structuration pour « partir en mission »). Par exemple, dans le journal Réforme du 04/07 : <br /> <br /> Emmanuelle Seyboldt : « Nous y arriverons en refusant de rejeter ceux avec lesquels nous ne sommes d’accord, car ce sont aussi nos frères et sœurs. Assurément, si je n’aime que celui ou celle qui a les mêmes idées que moi, le monde sera bien triste ! L’Eglise est le bon lieu pour exercer à la fois notre esprit critique et notre capacité à dialoguer sans exclure, à débattre sans invectiver, à dire sans maudire ». <br /> Reste à voir comment appliquer cela concrètement, comment se mettre en marche concrètement…<br /> <br /> Olivier Abel : « Il ne faut pas nier les propos racistes et violents mais les apprivoiser et les réguler ». <br /> Je suis d’accord, personnellement je préfère appeler à « désamorcer » une pensée extrémiste plutôt qu’à la « combattre » … cela réduit le risque d’exclure la personne humaine habitée par ladite pensée extrémiste... <br /> <br /> Marion Muller-Collard : « Nous ne pouvons pas nous payer le luxe du désespoir et nous avons le devoir de dépasser la facilité des stigmatisations et des éléments de langage, pour créer les espaces nécessaires à une parole à la fois authentique et mûrie. »<br /> <br /> Fraternellement,<br /> Jacques.
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E
Bonjour Jacques, <br /> je pense que la diaconie dont tu parles et dont nous en avons en effet besoin et que l'Eglise devrait en effet proposer passe justement par l'ouverture de lieux de parole et de clarté du langage. Le communiqué de la présidente du Conseil National me semble avoir été précisément un encouragement à la parole veillant à un langage clair.<br /> Et au nom de cette clarté du langage, je vais réaffirmer que le discours que je pointais dans mon commentaire précédent, discours tenu par un candidat du RN est un discours raciste : affirmer que l'on peut reconnaître en voyant une personne sa nationalité française (donc à sa peau blanche et à son type caucasien), c'est un discours raciste (et pas seulement xénophobe, puisqu'en fait, on ne sait même pas si ceux dont on parle sont effectivement étrangers).<br /> Et merci de noter que je ne parle pas de ce que pensent ou pas celles et ceux qui votent à l'extrême-droite, parce que leurs motivations sont très nombreuses et diverses, mais bien des discours officiels du Rassemblement National et de Reconquête<br /> Au nom de cette clarté de langage, je pense qu'il serait bon de se méfier du terme "les extrêmes" ou de ne l'utiliser que dans la définition qu'en donne le Conseil d'état ou la science politique.<br /> Olivier Abel nous parlait récemment d'honorer le conflit et j'aime cette expression, je pense qu'il nous faut sortir de l'idée que le désaccord passe par la négation de la personne, le désaccord peut dépasser la stigmatisation et le fait d'enfermer celui ou celle avec qui je ne suis pas d'accord. Pour moi, l'expression d'un désaccord est ce qui permet de faire droit à la mêmeté et à la différence de mon frère et de ma soeur. Je pense que la clarté de langage doit nous faire tenir qu'en Eglise, toutes les opinions ne se valent pas.<br />
J
Bonsoir Eric,<br /> <br /> Merci pour ta réponse et pour le lien ! <br /> <br /> Je suis rassuré de lire que le débat est vivant au sein de l’EPUdF et je comprends un peu mieux l’esprit et la genèse de ce communiqué. <br /> <br /> Tu as raison, un communiqué est nécessairement bref – et c’est malheureusement à l’image du jeu médiatique et politique actuel. Le risque de la brièveté est la simplification, qui peut avoir son efficacité en termes de stratégie politique (« faire bloc » contre « l’autre bloc », sur une ligne nette, dans une logique « amis vs. ennemis »)… mais pour ce qui est de la diffusion du message évangélique, cela est plus douteux. <br /> <br /> Cependant, même dans un communiqué bref, on aurait pu imaginer quelques lignes adressant une vraie main tendue, franche et fraternelle, à celles et ceux qui ne pensent pas comme nous. Bref, pour caricaturer : éviter le « tout répressif » en offrant une voie « préventive / de réinsertion », allier « la Loi » à « l’Evangile ». <br /> <br /> Dire à quelqu’un qu’il a tort, d’emblée, sans main tendue, c’est être (presque) certain que le dialogue ne s’enclenchera pas : le circuit neuronal du dialogue se ferme, c’est humain. Le changement n’aura (presque) pas lieu, celui qui aurait pu être un interlocuteur s’emmurera dans ses choix, fût-il dans l’erreur la plus crasse. <br /> <br /> Pour moi, c’est le berger qui, ayant retrouvé la brebis égarée, ne va surtout pas la placer sur ses épaules ; au contraire, il va lui montrer la paume d’une main en geste de barrage et lui annoncer quelque chose du genre : « tu as tort et tu resteras ici car je dois protéger le reste du troupeau du même égarement coupable ». <br /> <br /> Lorsque le berger charge la brebis sur ses épaules, oui, il la change d’endroit « à son corps défendant »… mais pour faire cela, il la prend « entièrement en charge » avec son poids, son odeur, l’inconfort qu’elle lui procure… Prendre « entièrement en charge » nos frères et sœurs du RN, c’est prendre sur nos épaules l’inconfort de leurs besoins, aussi pénibles soient-ils… Et c’est bien de ces besoins qu’il s’agit… et comment nous y répondons. <br /> <br /> De même, on pourrait comprendre le « je veux m’arrêter chez toi » de Jésus à Zachée comme une décision de prendre le temps de comprendre la vie de Zachée, ses besoins – et son regard profond comme une réponse à ces besoins profonds – besoins, qui jusqu’ici, ont provoqué de mauvais choix.<br /> <br /> Il y a une faim et il faut y répondre. Je ne dis pas que le communiqué en question exclut « en action » nos frères et sœurs du RN, mais je pense qu’il le fait « par omission ». Je n’arrive pas à y lire, au-delà de la parole « dure à entendre » (et certainement nécessaire), l’invitation à la table de l’Evangile. J’espère que cet oubli est seulement dû une rédaction précipitée et que nos frères et sœurs du RN ne restent pas confinés dans « l’angle mort » de la vision évangélique de l’EPUdF. <br /> <br /> Que répondons-nous aux besoins de nos frères et sœurs RN ? Connaissons-nous leurs besoins ? Sommes-nous prêts à les entendre sans les rejeter d’emblée ? <br /> <br /> Ayant discuté avec des connaissances / amis / proches concernés, dont certains de milieux populaires et ruraux, je pourrais développer ces besoins : besoin d’identité (cf. les tensions entre accueil de l’étranger et l’identité du peuple dans la Bible), de sécurité, de maîtrise, de justice… A noter que – pour l’instant – je n’ai trouvé personne dans cet entourage qui exprimerait – du moins pas devant moi – le besoin de discriminer selon les races (en revanche la xénophobie – « peur » de « l’étranger » est présente) ou qui rêverait d’un état « totalitaire » (je reviendrai sur ce terme). <br /> <br /> Point par point, que répond l’Evangile à ces besoins ? Tenter de répondre, point par point, de façon compréhensible et compréhensive, voilà le vrai service à rendre, la vraie diaconie. <br /> <br /> Si nous ne répondons pas, nos frères et sœurs du RN risquent de rester sur leur faim… et de ne pas voir l’Evangile comme un chemin salut. Ils le verront seulement comme un « glaive moral » qu’ils rejetteront et n’écouteront pas.<br /> <br /> Tu soulignes la grâce qui se déverse sur eux (elle n’est pas évoquée pour eux dans le communiqué), je pense que tu as tellement raison ! Peut-être devons-nous les aider à approcher cette grâce : ça veut dire quoi un Dieu d’amour, dans la vie, dans les difficultés, dans les angoisses de nos frères et sœurs du RN ?<br /> <br /> Le communiqué aurait donc pu, même de façon brève, leur tendre la main, peut-être en évoquant quelques-uns de leurs besoins, en dégageant des pistes de réponse (ou du moins de réflexion) évangéliques, en les invitant à venir s’exprimer et à voir comment l’Evangile peut répondre à leurs attentes… <br /> <br /> Bon, je fais le malin comme ça avec mes questions (et je suis certainement naïf) : ce travail de diaconie à réaliser n’est vraiment pas simple. Existe-t-il déjà une véritable impulsion à ce sujet au niveau de l’EPUdF ? Si cette impulsion n'existe pas vraiment, peut-être faut-il en faire remonter la nécessité ? C'est un travail complexe, à réaliser en misant sur l’intelligence collective… et sur l’Esprit. <br /> <br /> Un point en exergue : un mot qui m’a fait réagir : le terme « totalitarisme », rapproché du RN, en tant que mouvement politique actuel. Je respecte ton point de vue, je te partage le mien. <br /> <br /> Je vois dans l’ensemble des discours extrémistes actuels, les « germes » de possibles dérives autoritaires, violentes et antihumanistes. Pour moi, nous pouvons y répondre de façon non-violente (notamment en allant « demeurer » chez ceux et celles qui semblent perdus). <br /> <br /> En revanche, je ne parlerais pas de « totalitarisme » (ni de « fascisme » - tu n’en parles pas mais j’ai déjà entendu et lu cela ailleurs). Le « totalitarisme » renvoie à un système bien particulier : parti unique (disparition de la démocratie), culte du chef (quasi-divinisé), ambition folle de faire advenir un « homme nouveau », embrigadement systématique de la société (avec disparition de la séparation entre vie privée et vie publique par la surveillance jusque dans l’intime, la propagande etc…), élimination physique des opposants à l’ordre nouveau.<br /> <br /> Je ne pense pas que le RN actuel soit proche de cela… et – c’est ici un point strictement personnel, lié à mon histoire personnelle – si je parlais de « totalitarisme » aussi facilement, j’aurais l’impression d’entretenir une confusion qui blesserait la mémoire de ceux et celles qui ont vécu le réel totalitarisme et le réel fascisme – ce que me décrivent mes grands-parents à Berlin (nazisme, amis juifs déportés, communisme) est éloigné de ce qui se trouve dans le programme ou les prises de position du RN (qui s’apparente plutôt à du populisme grossier, selon moi : exciter les passions tristes, proposer des solutions simplistes, trouver des boucs-émissaires). <br /> <br /> Personnellement, je n’utilise pas ces mots car j’aurais l’impression d’émousser et de banaliser l’extraordinaire violence de ce que sont, de ce qu'ont été réellement le totalitarisme et le fascisme – et du coup, de nier, de sous-estimer une partie des souffrances vécues par mes grands-parents. Mais comme dit, c’est une façon personnelle d’aborder ces concepts. <br /> <br /> Néanmoins, attention à la réponse qu’autorise pour certains l’acceptation de l’idée de l’imminence d’un nouveau « totalitarisme » ou d’un nouveau « fascisme » : en brandissant cette menace violente, on légitime, pour certains, une résistance violente, et pourquoi pas… armée. <br /> Qui n’aurait pas souhaité, après coup, le renversement par la force (barricades, attentats…) de Hitler dès 1933-1939 ? ou de Staline avant les grandes purges de 1936-1938 ? <br /> <br /> J’avoue craindre l’accentuation des logiques d’affrontement et de violence au sein de notre société dans les prochains mois…<br /> <br /> Fraternellement,<br /> Jacques.
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E
Je veux bien remplacer le terme de "totalitarisme" par celui, plus juste, d'illibéralisme, du fait de vouloir mettre au pas, voire supprimer le Conseil Constitutionnel (et donc de s'affranchir de la loi à laquelle même les dirigeants sont soumis.)<br /> De même, le racisme est présent (je l'entends au cours de mes visites, souvent sans même que celui ou celle qui tient des propos raciste en soit conscient) et il est présent dans le discours des candidats du RN (parfois de façon manifeste (on en parle pas mal ces temps-ci), parfois de façon plus insidieuse "il suffit d'ouvrir les yeux pour voir que certains quartiers sont peuplés d'étrangers" : donc l'étranger est celui que mes yeux me permettraient d'identifier comme tel : donc une couleur de peau différente, un type ethnique, une tenue vestimentaire permettent de disqualifier quelqu'un comme français du premier regard. C'est bien une question de racisme.<br /> Pour le reste, je trouve que tu essentialise beaucoup les électeurs et électrices du RN, on en trouve dans toutes les strates de la société mais pour répondre à ton questionnement l'Eglise Protestante Unie de France, comme l'Eglise catholique, est pleinement engagée dans la diaconie, dans le service des oubliés , ce sont nos collège d'Oeuvres et Mouvements et force est de constater que ce sont ces Oeuvres et Mouvements,la Mission Populaire Evangélique, la Fédération d'Entraide Protestante entre autres qui portent le plus clairement l'opposition au programme du Rassemblement National, le même phénomène se constate d'ailleurs dans l'Eglise catholique... Je me dis qu'eux savent combien les populations les plus démunies seront desservies par la politique du Rassemblement National qui se borne à leur proposer de plus démunis encore comme bouc émissaire.<br /> Pour finir, je te cite ces mots d'Emmanuelle Seyboldt adressés à tous les pasteurs et qui rejoignent, je crois, ce que j'écris dans mon article : <br /> "Toutes les opinions ne se valent pas, mais toutes les personnes sont accueillies. Aucune personne n’est exclue de l’Église, quelles que soient ses convictions, sinon celle qui s’exclue elle-même. Tenons cela fortement.<br /> <br /> La parole est toujours aussi actes. Nous ne savons pas de quoi demain sera fait, mais j’ai confiance en Dieu, présent par sa Parole. Nos paroisses manifesteront au quotidien, comme elles le font aujourd’hui, l’accueil sans condition, la protection des personnes vulnérables, les liens fraternels entre différentes communautés de foi, la possibilité de l’écoute et du dialogue, le lieu où peut se dire la peur, la colère, la perte, et recevoir de Celui qui nous bénit, paix et consolation."<br /> Fraternellement<br /> Eric
J
Bonsoir Eric,<br /> <br /> Nous nous fréquentons un petit peu (atelier Co’lectio, atelier de lecture théologique accompagnée…), je me permets donc cette petite contribution sur ton blog. <br /> <br /> Je n’ai pas beaucoup de temps à y consacrer (mon épouse est en déplacement, mes 3 enfants refusent de se coucher sagement !), par avance, donc, je tiens à m’excuser pour les éventuelles maladresses ou les points partagés trop abruptement : mon objectif n’est pas de nourrir la colère ou les blessures. <br /> <br /> Je tiens à partager ma déception par rapport au communiqué de presse de l’EPUdF auquel tu fais référence dans ton billet. Il y a principalement deux points qui me gênent : ce communiqué est incomplet et il manque de finesse. <br /> <br /> Il est incomplet : je préfère le communiqué de presse publié par la Fédération Protestante de France (https://www.protestants.org/cp-legislatives/) qui met l’accent sur le danger des extrémismes (au pluriel) qui alimentent une haine et une détestation de l’Autre. <br /> <br /> « Paix, dignité et fraternité, qui constituent l’intérêt commun et individuel que notre foi nous pousse à rechercher, ne peuvent s’ériger sur la haine ou la détestation ; ni celle d’une personne, ni celle des institutions démocratiques, ni celle de groupes stigmatisés, qu’ils soient juifs, musulmans ou étrangers». <br /> <br /> C’est peut-être mon origine franco-allemande qui parle ici (« d’où parles-tu ? »), mais, pour dire les choses franchement, je suis toujours très surpris de la complaisance française vis-à-vis de l’extrême-gauche. « Auf dem linken Auge blind sein… » dirait-on en allemand : être aveugle de l’œil gauche…<br /> <br /> Peut-être que ma surprise est due au fait d’avoir dans ma famille allemande des membres qui ont vécu le totalitarisme rouge (RDA / DDR, Berlin et son mur), voire le terrorisme rouge (Fraction Armée Rouge / Rote Armee Fraktion). Peut-être suis-je également particulièrement touché par le regain d’antisémitisme qui gangrène notre société parce qu’il s’agit d’un sujet hautement sensible dans l’Histoire allemande. <br /> <br /> Le chrétien que je pense être se désole de la montée de tous les extrémismes, ou plutôt d’une façon de penser et d’agir qui enferme définitivement des êtres humains dans des catégories artificielles (conceptuelles), ce classement dans ces catégories justifiant de nier leur humanité… ouvrant ainsi la porte au rejet, à la haine, à la destruction. <br /> <br /> La personne humaine (avec toute son épaisseur, son mystère, sa marque divine) enfermée dans un concept, « réifiée » de façon définitive, afin de servir de pâture aux passions tristes du monde (frustration, haine, envie, colère…), voilà le vrai danger à combattre. <br /> <br /> Et je ne trouve pas que l’extrême-droite ait le monopole d’usage abusif de ce mécanisme… Cela me fait mal aux tripes quand on construit des catégories qui poussent à la haine de l’étranger, du musulman, mais cela me fait tout autant mal quand on en bâtit d’autres qui provoquent la haine du juif (comment fermer les yeux sur le jeu coupable de l’extrême-gauche allant remuer les passions tristes de nos frères et sœurs musulmans ?) ou du riche, ou de celui qui, pas de bol pour lui, est mâle, blanc et catholique… (je ne me range pas là-dedans 😉) <br /> <br /> Ce que je pense percevoir de Dieu, c’est qu’il est libérateur pour tous et pour toutes… et le regard du Christ, tel que je le rêve, est un regard qui n’enferme pas mais qui ouvre un chemin de liberté. <br /> <br /> Pourquoi cette incomplétude dans le communiqué de l’EPUdF ? Pourquoi cette différence de positionnement par rapport à la Fédération Protestante ? Je ne sais pas, je ne connais pas assez ces institutions. Est-ce une question de sociologie, de génération, d’habitude ? d’équilibre entre les divers courants qui les composent ? <br /> <br /> Ce communiqué manque également de finesse, à mon sens. Peut-être qu’il mobilisera et rassurera ceux et celles qui sont déjà convaincus… mais au risque de porter un regard condescendant sur nos frères et sœurs du RN (et de Reconquête). C’est bien là le problème : si l’on fait preuve d’un peu d’empathie, on s’aperçoit que ce texte n’est pas une main tendue mais une gifle. <br /> <br /> Du point de vue des sciences politiques, on ne peut pas rester dans le schéma des années 80. Je simplifie : le RN n’est pas le FN, la fille ne porte pas les fautes de son père (il y aurait une réflexion biblique à faire à ce sujet). Si l’on veut toucher nos frères et sœurs tentés par le RN, il faut débattre du fond, par rapport à la réalité des positions et du programme d’aujourd’hui, pointer exactement les mesures actuelles qui s’opposent à l’Evangile, démonter le mécanisme… En restant dans la généralité, avec des réflexes d’autrefois, nous risquons d’être perçus comme caricaturaux et donc inaudibles par nos frères et sœurs tentés par le RN. Débattre du fond, en partant de la réalité est d'ailleurs un devoir de vérité : « Mal nommer les choses ajoute aux malheurs du monde ».<br /> <br /> Et plus encore, cette caricature simpliste est un manque de respect pour (voire un rejet de) nos frères et sœurs tentés par le RN. Quelle place leur réservons-nous, à ces « pestiférés » ? Quel accueil évangélique pour leur humanité, avec ses contradictions, ses peurs, ses espoirs, ses réflexions que nous avons trop tendance à rejeter en bloc ? Peut-être disent-ils également quelque chose de nos propres faiblesses, échecs, lâchetés et « angles morts » ? <br /> <br /> Le communiqué explique pourtant : « C’est de reconnaissance que l’être humain a besoin, d’estime et d’attention, et non de mépris, de rejet et d’humiliation »… mais il ne semble pas parler ici de nos frères et sœurs tentés par le RN. <br /> <br /> Il me vient à l’esprit la parabole de la brebis perdue… que fait le berger ? S’indigne-t-il avec les brebis restantes ? Non, bien entendu, il part à sa recherche, il lui tend les mains et la charge sur ses épaules… Et Jésus cherche à demeurer chez Zachée et à partager un repas avec lui (je suis toujours bouleversé lorsque j’essaie d’imaginer le regard de Jésus rencontrant celui de Zachée…). <br /> <br /> Je ne dis pas qu’il ne faut pas s’indigner, se mobiliser etc… mais je pense que mon rôle de chrétien est avant tout de travailler dans le sens de ces récits. Combien de fois sommes-nous « aller demeurer » chez nos frères et sœurs du RN (et de Reconquête) ? Quand avons-nous partagé un repas avec eux ? « Chargeons-nous sur nos épaules » leurs expériences de la vie, leurs souffrances, leurs façons de penser ? Existe-t-il au sein de l’EPUdF un service (une diaconie ?) dédié à nos frères et sœurs du RN (et de Reconquête), voire de tous les extrémismes ? <br /> <br /> Il faut que j’arrête là, je bâcle ma conclusion. Il est possible que ma réaction soit trop naïve, il est possible que je ne saisisse pas bien le positionnement de l'EPUdF. J'ai confiance en ta bienveillance et je considère ce partage (qui oblige à poser sa réflexion) comme une façon supplémentaire de progresser dans ma foi :-)<br /> <br /> Une citation de Martin Luther King (que je préfère à Aragon, même si j’adore le poète, surtout chanté par Ferrat… mais là je fais vraiment vieux jeu pour mon âge !) : <br /> <br /> « Le sens et la valeur de l’empathie et de la non-violence nous apparaissent réellement lorsqu’elles nous aident à saisir le point de vue de l’ennemi, à entendre ses interrogations, à comprendre de quelle manière il nous perçoit. Car sa vision des choses nous permet de prendre conscience des faiblesses fondamentales de notre condition et, si nous avons la maturité nécessaire, la sagesse des frères que nous appelons “opposition” nous aide à grandir, à apprendre, à nous améliorer. » <br /> <br /> Fraternellement,<br /> <br /> Jacques.
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E
Bonsoir Jacques et merci pour ton intérêt <br /> Trois remarques rapides. Tout d'abord un communiqué est nécessairement bref et manquant de finesse. L'est également celui de la FPF qui se garde bien, par exemple de définir la gauche extrême. <br /> <br /> Ensuite, comme tu l'as remarqué, il y a des différences entre protestants (et au sein même de l'ÉPUdF) et même des désaccords profonds. Certains pensent que l'extrême droite n'est pas un courant politique comme les autres et que porteur de nationalisme, de totalitarisme et d'un rejet des plus fragiles (et je parle bien du programme du RN actuel). Je suis de ceux là et le communiqué de la présidente va dans ce sens. Peut-être aurais je le temps de développer ce point. D'autres pensent qu'il faut tenir les même propos des autres extrêmes, certains de l'extrême gauche et certains de l'extrême centre. D'autres enfin estiment que tout cela participe de la même offre politique et que l'Eglise n'a pas à s'en mêler et qu'il aurait mieux valu ne rien dire. Chacune de ces options blessent les deux autres et il va nous falloir apprendre à vivre ensemble avec ces opinions. Je prends très au sérieux le message d'Emmanuelle appelant à retrouver le sens du dialogue (mais comme je le dis dans mon article, je ne souhaite pas engager ici le débat sur les autres partis, pour moi, ça n'a pas de sens parce que le niveau n'est pas le même. <br /> <br /> Mais le dialogue n'implique pas nécessairement l'idée que tout se vaut.. Sur la question des électeurs du RN, je comprends ce sentiment d'exclusion mais ni mon article ni le communiqué de l'EPUdF ne posent d'exclusion, à mon sens. Nous rappelons ce qu'est la boussole de l'Evangile. Je sais que la parole en est dure à entendre et ce que je dis personnellement des électeurs du RN m'est reprochée mais notre Église est une Église de pécheurs pardonnés. La grâce est aussi une parole qui me dit mon péché (souvent à mon corps défendant). Pour reprendre ta citation de la brebis perdue, le berger ne laisse pas la brebis où elle est, il la charge sur ses épaules (à son corps défendant, donc) ... Je crois que c'est ce que l'Evangile peut faire pour l'électeur du RN, le sortir de ses peurs, de ses haines, bref, lui dire qu'il a tort, qu'il s'est perdu justement. A condition d'être annoncé clairement. Je suis actuellement sidéré de découvrir à quel point certains tombent des nues en découvrant que l'amour du prochain tel que le présente Jésus est incompatible avec l'idée même de préférence nationale. <br /> Retrouver des lieux de dialogues entre celles et ceux qui ne sont pas d'accord, sans s'insulter mais sans masquer les désaccords, il me semble que c'est une piste vers la diaconie pour les extrêmes, (oui même ceux d' extrême droite) mais qu'elle implique d'oser une parole claire. Je m'inscris en faux contre l'accusation de condescendance, la condescendance me semble être au contraire dans le refus de leur dire clairement que ce qu'ils font s'oppose à l'Evangile (et donc aux valeurs chrétiennes qu'ils prétendent souvent défendre) <br /> Et la nécessité de ces lieux de dialogue n'implique certainement pas que nous laissions sans rien dire le RN mettre en place un programme qui s'oppose radicalement à tout ce que les mouvements de l'Eglise construisent. Je t'invite à jeter en œil à ce que disent les œuvres protestantes auprès des plus démunis <br /> <br /> https://www.protestants.org/prises-de-positions-officielles-des-membres-de-la-fpf/<br /> <br /> Ça n'a pas été si court que ça et sans doute un peu confus mais les temps sont tourmentés