Une Cène offensante ?
Publié le 29 Juillet 2024
Avec une représentation de la Cène, la cérémonie d'ouverture des J.O donne donc au théologien émietteur l'occasion de trahir la promesse qu'il s'était faite de ne pas parler de Jeux qui ne le concernent en rien en parlant d’autre chose que du caractère profondément religieux et liturgique de ce genre de cérémonie et du besoin de religieux et de liturgie de nos contemporains… Je ne vais donc pas me priver.
Comme souvent, je vais me concentrer sur le point de vue des lecteurs et lectrices, des spectateurs et spectatrices sur ce qu'ils et elles choisissent de voir, de comprendre et de commenter plus que sur le point de vue de l'auteur. Je ne parlerai pas du Festin des dieux, ni même de la différence entre un tableau de Vinci et une pratique religieuse ou un passage biblique, c'est une Cène qui a été vue et commentée.
Sur un plan universaliste, au regard des droits de l'homme, des croyants chrétiens ont tout à fait le droit de ne pas aimer telle ou telle image que l'on donne de leur religion ou de leur foi, de le dire voire d'intenter des procès (ils n'ont pas le droit au vandalisme ni à la violence). Moi-même, je suis facilement blessé des images qu'on donne de ma foi, de ma religion. (Il se trouve que les images qui m'irritent viennent généralement de mes coreligionnaires, mais là n'est pas le sujet). Ce droit d'être irrité et de le dire rencontre et se heurte à un autre droit, celui de donner d'une religion une autre image que celle qu'en ont ses croyants, même une image négative. Droit contre droit, c'est donc une affaire de juriste ou de philosophe du droit, pas la mienne.
Je reste donc dans le point de vue chrétien qui est le mien (inutile donc de me dire que “et si on faisait ça avec l'Islam, blablabla”) . Et de ce point de vue chrétien, les critiques, les réactions négatives me posent deux problèmes (et les communiqués officiels d'Eglises me scandalisent bien plus que les réactions de particuliers)
Tout d'abord, il n'est pas possible d'humilier Jésus-Christ. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est le Nouveau Testament.
“Ayez entre vous les dispositions qui sont en Jésus-Christ :
lui qui était vraiment divin,
il ne s'est pas prévalu
d'un rang d'égalité avec Dieu,
mais il s'est vidé de lui-même
en se faisant vraiment esclave,
en devenant semblable aux humains ;
reconnu à son aspect comme humain,
il s'est abaissé lui-même
en devenant obéissant jusqu'à la mort
– la mort sur la croix.”
Ensuite et c'est à mes yeux le plus important : pourquoi trouver la mise en scène des J.O. avilissante ? Je crois qu'en Jésus Christ, Dieu rejoint l'humanité et qu'en tout visage humain, je suis appelé à reconnaître Jésus Christ. Apparemment, pour certains, sauf dans le visage de Leslie Barbara Butch… Pourquoi ? Parce qu'elle est femme ? Parce qu'elle est grosse ? Parce qu'elle est lesbienne ?
Bien sûr que l'image était provocatrice, comme toute image qui offre un décalage par rapport aux représentations classiques. Mais si ce qu'elle provoque est de la répulsion plutôt que de la réflexion, c'est précisément cette répulsion qu'il faudrait interroger : quelle humanité sommes-nous en train d'exclure ?
Imaginons dans la première partie du XXe siècle une Cène figurée par des acteurs noirs. Que dirions-nous de celles et ceux qui y auraient vu une offense faite aux chrétiens ?
Imaginons, dans la deuxième partie du XXe siècle une Cène figurée par des personnes atteintes de trisomie 21. Que dirions-nous de celles et ceux qui y auraient vu une offensé faite aux chrétiens ? (NB : je n'associe pas le queer* à une maladie, j'interroge notre rapport au décalage)
On a le droit de ne pas aimer l'esthétique Drag, c'est entendu, les goûts et les couleurs…. Mais la question n'est pas celle de nos choix esthétiques…
Je ne sais pas si Thomas Joly a voulu faire de la théologie, c'est nous, chrétiens, que j'invite à en faire en lisant ses tableaux…
Que représente la Cène dans notre foi ?
Quels visages lisons-nous comme des insultes à l'humanité ?
Qui excluons nous de cette humanité rejointe par le Christ ?
* mon fils m'indique qu’ il n'est pas certain que le Queer et le Drag soient à associer, j'ai entendu la rappeuse Piche mentionner la dimension Queer de l'événement. Que celles et ceux qui connaissent le sujet mieux que moi me pardonnent l'approximation.