As-tu raison de te fâcher ?
Publié le 11 Septembre 2024
As tu raison de te fâcher ? Demande Dieu à Jonas qui fulmine après la non destruction de Ninive…
As tu raison de te fâcher ?
La question est stupide. Comment pourrait-on avoir raison de se fâcher devant la miséricorde divine ? Et puis, ahahah, il est ridicule ce prophète qui boude comme un enfant ! D'ailleurs, on est toujours un peu ridicule quand on se fâche, on en fait trop…
Sauf que…
Jonas a raison de se fâcher. Cet homme s'est vu ordonner d'aller risquer sa vie loin de chez lui, on l'a jeté à la mer, il a passé trois jours dans les abysses, dans le ventre d'un poisson. Tout ça pour le traîner contre son gré à Ninive où il a été super efficace pour annoncer une catastrophe… qui ne s'est pas produite !
As-tu raison de te fâcher ? La question est stupide. Bien sûr que Jonas a raison de se fâcher. Bien sûr que quiconque se fâche à, de son point de vue, raison de se fâcher (je ne tiens bien sûr pas compte des stratégies de communication, des indignations sur commande qui ne sont pas des réelles colères).
Sauf que...
Contrairement à un réflexe de lecteur moderne (comme il est rigolo ce prophète qui boude) cette question stupide prend au sérieux la colère de Jonas et elle a sur lui plusieurs effets.
Jonas sort de la ville. Il observe pour voir ce qui va se passer. Peut-être se dit-il que puisque le Seigneur induit que sa colère n'est peut être pas fondée, c'est que la destruction promise va arriver… Peut-être veut il juger de la réalité de cette conversion… En tout cas, il prend du recul.
Et puis, le texte ne le dit pas mais toutes mes expériences de colère me le crient, Jonas ressasse. Ai-je raison de me fâcher ? La question lui permet de ne pas rester sur l'événement déclencheur mais d'aller au fond de sa colère, d'en mesurer les raisons, les causes véritables… Ai-je raison de me fâcher ? Au-delà du déclencheur, au plus profond de moi, quels points sensibles ont été atteints, quelles blessures ont été rouvertes, quelles mémoires douloureuses ont été réveillées, à quelle négation de moi ai-je fait face.
As-tu raison de te fâcher ? Et de découvrir que si la réponse peut être “non”- et alors la colère tombe-, elle doit aussi pouvoir être “oui”.
Un “oui” qui me rend conscient de mes vulnérabilités, de mes blessures, une colère qui m'ouvre alors à la solidarité avec les fragilités et les souffrances du vivant, du ricin aux habitants de Ninive.