Comme un roman... Pennac en Eglise ?

Publié le 2 Octobre 2024

Comme un roman... Pennac en Eglise ?

C'est le cœur un peu serré que je referme Comme un roman de Pennac.

Avec un brin d'agacement aussi... Je commence par là : mais quel bobo, ce Pennac !!! Qu'est ce que ses classes d'élèves en échec restent des classes privilégiées !! Qu'est ce qu'il m'énerve avec ses non lecteurs qui n'arrivent pas à se plonger dans Madame Bovary !! (les non lecteurs que je rencontre n'envisagent même pas d’ouvrir Harry Potter

Et qu'est -ce que je lui ressemble... Ceci posé, allons-y de ma réflexion de bobo privilégié.. Et puis, je m'offrirai une relecture pastorale. 

 

Si Comme un roman me touche, c'est d'abord parce qu'il me renvoie vers les rencontres qui ont fait de moi le lecteur que je suis aujourd'hui : des hommes, des femmes, des livres et des bibliothèques…

On lit parce qu'on se sait seul

Daniel Pennac

Si Comme un roman me touche , c'est aussi parce qu'il fait partie du père que je suis et, j'espère, du grand-père que je deviens. C'est en reconnaissance à mon fils qui ne passe jamais nous voir sans me piquer un bouquin. À mon fils qui ne lit pas de livres mais qui me parle de ses lectures… À ma fille qui me laisse encore parfois  lui lire des romans comme un instant privilégié, un temps partagé... La fée carabine ces semaines-ci, tiens, tiens… C'est d'ailleurs ce qui m'a redonné envie "d'entendre" la voix de Pennac.

Si Comme un roman me touche, c'est pour la place qu'il occupe dans mon ministère pastoral. Je l'avais lu, jeune pasteur, il y a une trentaine d'années (soupir) Et c'est sans doute un des bouquins que j'ai le plus "métabolisé". Bien sûr, j'en ai fait un pilier dans ma vision de la catéchèse, du rapport aux enfants et aux jeunes, mais en le relisant, je mesure à quel point il m'a aussi marqué dans mon envie de partager la Bible, dans ma manière de le faire. Susciter le plaisir et la curiosité pour faire naître l'envie de l'effort". Essayer de faire en sorte que le texte amène au commentaire, et non pas l' inverse. Essayer (essayer !) d'être un entremetteur et de m'effacer quand la rencontre entre le texte et son lecteur ou sa lectrice survient...

Comme un roman me touche enfin et surtout parce qu'il me parle du mur que nous érigeons entre nos jeunes, nos enfants et ce que nous voulons leur faire aimer. Pour Pennac, c'est la lecture. Pour l'Église, c'est peut-être plus ambigu... Que voulons-nous faire aimer à nos jeunes : Jésus-Christ ? L'Évangile ? L'Eglise ? Notre héritage protestant ? Quoiqu'il en soit, il me semble que les pierres avec lesquels nous devons le mur qui en sépare les enfants, les jeunes et sans doute d'autres sont les mêmes que celles qu'utilisent les "pédagogues" pour bâtir une muraille entre les jeunes et les livres.

Ces pierres, c'est de faire passer le dogme ( "Il faut lire", "il faut croire", "il faut entrer dans l'Eglise") avant la relation à l'enfant, aux jeunes, c'est notre obsession du résultat et notre inquiétude sur notre aptitude à la pédagogie.

Nous autres, "pédagogues" sommes usuriers pressés. Détenteurs du Savoir, nous le prêtons contre intérêts. Il faut que ça rende. Et vite, faute de quoi, c'est de nous-mêmes que nous doutons.

Daniel Pennac

Dans le cadre de la réflexion de Pennac, à savoir l'Éducation nationale, les raisons de cette urgence, de ce besoin de rendement sont clairement identifiées : le bac, la nécessité de réussir ses études.

Mais en Église, c'est quoi notre excuse, notre urgence ?. Pourquoi sommes-nous à ce point obsédés de rendement ? Comment avons-nous glissé de "Ce sera notre joie qu'il/elle reconnaisse un jour que Jésus-Christ est le Seigneur"* à "C'est notre objectif qu'ils/elles reconnaissent que Jésus est le Seigneur."? 

J'ai mes petites idées sur la question, de la reproduction de ce que nous avons vécu nous-mêmes à "les jeunes, c'est le futur de l'Eglise !" "Mais non voyons ! Les jeunes c'est le présent de l'Eglise" Deux formules clichés qui m'insupportent autant l'une que l'autre. 

En relisant Comme un roman je n’ai cessé de me dire que tout pasteur, tout catéchète, tout animateur biblique devrait l'avoir comme livre de chevet...

Livre de chevet, j'exagère un peu (même si en livre de chevet, c'est plus crédible que la Dogmatique ou la Constitution de l’ÉPUdF), tous ne partageront sans doute pas mon adhésion aux thèses, aux dénonciations et aux solutions de Pennac (d'ailleurs, sur les solutions, j'ai moi-même quelques réserves sur leur transposition en Église). 

Mais quand même, je crois que tout pasteur, tout catéchète, tout animateur biblique devrait le lire ou le relire, disons une fois tous les 15 ans, pour bouger des lignes, pour s'interroger, pour mesurer l'évolution ou l'immobilisme...

Et je termine par une petit bouteille à la mer, toi qui me lis, si tu es curieux, curieuse, si les interrogations que j'ai essayé de soulever résonnent en toi, parce que tu t'intéresses au caté, au partage de la Bible, parce que Pennac, ça te parle aussi, parce que toi aussi tu as l'impression que le mur, c'est nous qui l'érigeons... Si ça te dit, d'y réfléchir avec d'autres ou de rêver à plusieurs, fais-moi signe, on trouvera...

 

*formule de notre liturgie de baptême d'un enfant

 

Rédigé par Eric George

Publié dans #Comme un roman, #Daniel Pennac, #Catéchèse

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