Celle qui n'a plus rien à perdre, ceux qui ont tout reçu

Publié le 11 Novembre 2024

Celle qui n'a plus rien à perdre, ceux qui ont tout reçu

Prédication sur I Rois 17, 8 à 16

Je suis, tu es, nous sommes - et c'est un nous très large qui inclut croyants et incroyants - une veuve de Sarepta. 

Nous sommes une veuve de Sarepta parce que dans la grisaille de ce mois de novembre, nous voyons bien souvent notre avenir bouché. Alors, nous ne sommes pas forcément dans la sinistrose absolue, comme la veuve a son fils, sans doute avons-nous des familles, des amis, une communauté, sans doute avons-nous des relations avec les autres. Mais si cet avenir bouché n'empêche pas ces temps de joie, il reste bien présent. Alors, ce mur qui bouche l'avenir, cette peur, tous et toutes, nous ne le voyons pas de la même manière. Pour certains, c'est la montée des extrémismes, pour d'autre, c’est le fanatisme religieux qui prend le pouvoir dans certaines parties du monde, pour d'autres encore c'est une catastrophe climatique annoncée. Je ne crois pas que toutes ces peurs se valent, je ne crois pas que toutes ces peurs soient également fondées. Mais ce matin, je les rassemble dans un sentiment commun, celui d'un avenir bouché. Et, comme la veuve de Sarepta, nous ramassons nos deux bouts de bois, nous continuons notre routine quotidienne en attendant la fin. 

 

Je suis, tu es, nous sommes tous et toutes, croyants et incroyants la veuve de Sarepta. Dans notre routine qui attend la fin, une parole étrangère vient nous parler de Dieu. Et si ce Dieu peut nous sauver, l'image qu'on nous en donne est assez terrible, on parle beaucoup d'un Dieu qui peut certes remplir de joie qui distribue les bons et les mauvais points. Un Dieu qui donne, si on lui obéit. Un Dieu au nom duquel beaucoup de massacres ont été commis et se commettent encore… 

Pour nous, chrétiens cette image de Dieu est peut-être très éloignée de ce que nous révèle Jésus-Christ, mais cette image, nous la rencontrons souvent, y compris en nous-même. 

C'est aussi l'image d'un Dieu qui demande… De petites choses d'abord, un peu d'eau puis de plus en plus. 

J'ouvre une petite parenthèse, à première lecture, le citadin que je suis se disait qu'un peu d'eau en periode de sécheresse, c'était déjà beaucoup. Mais en fait, dans les régions touchées par la sécheresse, la nourriture vient souvent à manquer avant l'eau à boire, parce que la terre ne produit plus, parce que les bêtes meurent, la nourriture se fait rare et les prix flambent… 

Alors pour nous, comme pour la veuve de Sarepta, la demande est raisonnable d'abord. Allez, viens au culte, une heure par semaine, allez ouvre ta Bible de temps en temps… Ça va… Mais après, quand la vraie demande arrive… Et je ne parle pas des sollicitations de l'Eglise (même s'il y aurait beaucoup à en dire), je parle de l'appel de l'Evangile : aime ton prochain. C'est un peu plus contraignant que vient au culte une heure par semaine ! Surtout quand on découvre que notre prochain, ça inclut aussi nos ennemis… Et puis, comme pour la veuve de Sarepta, ces demandes et ces promesses de Dieu nous tombent dessus, de haut en surplomb, déconnectées de notre réalité. 

Je vais préparer notre dernier repas pour mon fils et moi et puis nous mourrons

Très bien, fais comme ça. Mais d'abord donne moi un peu et puis t'inquiète pas, tu verras tout va s'arranger. 

 

Avec une telle réponse, comment la veuve peut-elle croire que sa situation a été prise au sérieux ? 

Dans nos détresses, dans nos peurs, dans nos colères, dans nos désespoirs, nous avons besoin, j'ai besoin d'être pris en considération, d'avoir été entendu, de m'assurer que j'ai été compris… Sinon, aucune consolation, aucune assurance ne peut être prise au sérieux. “- je vais mal - oh mais t'inquiète pas, ça ira mieux demain” ça ne marche pas. Or combien de fois, recevons nous ce type d'accompagnement qui tombe de haut. Et puis, pour nous, chrétiens, combien de fois les assènons-nous ? 

 

Je ne suis pas la veuve de Sarepta. 

Parce que moi, au bout d'un moment, j'arrête de donner. Parce que moi, face à la promesse que tout ira bien, au bout d'un moment, je demande des gages. Parce qu'au bout d'un moment, ça va bien, oui… Je ne suis pas là veuve de Sarepta. Parce qu'elle vaudrait beaucoup mieux que moi ? Parce que sa moralité, sa foi sont plus élevées que les miennes ? 

Je ne crois pas. Je crois simplement que moi, contrairement à elle, j'ai beaucoup à perdre. Ce n'est pas à cause de la demande d'Élie que la veuve et son fils vont mourir. Ils sont dans cette situation avant qu'il arrive. Du coup, le don de la veuve, c'est le don de la dernière chance. Puisque de toute façon, elle et son fils vont mourir, autant s'accrocher à cette corde là. Moi, au contraire, j'ai beaucoup à perdre, parce que je suis riche. Ce n'est pas une faute, mais pour la générosité absolue, c'est un véritable handicap.

 

Je ne suis pas, nous ne sommes pas la veuve de Sarepta, nous qui sommes rassemblés ici ce matin, nous qui sommes chrétiens. Parce que Dieu s'est révélé à nous dans une autre image que le juge qui surplombe. Dieu s'est révélé à nous comme celui qui nous rejoint dans nos besoins, et aussi dans nos souffrances, dans nos sentiments d'être abandonnés et jusque dans notre mort. Le Dieu que révèle Jésus Christ n'est pas seulement un Dieu bon et compatissant à distance, il nous rejoint. La veuve de Sarepta n'avait rien et la confiance, la foi qu'elle manifeste est la foi de celle qui n'a plus rien à perdre. Et c'est très beau, ça ouvre une possibilité, une énergie jusque dans le désespoir. Mais nous, nous pouvons manifester la foi de ceux qui n'ont rien à gagner, à qui tout a déjà été donné. Nous, le pot de farine, la cruche d'huile qui ne se vident pas, nous les avons déjà. 

Frères et sœurs, parce qu'elle n'avait plus rien à perdre, la veuve de Sarepta a partagé son trop peu et ainsi, elle a ouvert son avenir. Parce que nous avons déjà tout reçu, partageons notre abondance pour ouvrir un avenir du monde. 

 

Amen

 

Rédigé par Eric George

Publié dans #1 rois 17, #Veuve de Sarepta, #Élie, #Don, #Désespoir, #Dernière chance, #Abondance

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article