Le propriétaire et le vigneron

Publié le 25 Mars 2025

Le propriétaire et le vigneron

Il est de moments dans une vie d'Eglise où l'on en veut un peu Luther. Des moments où l'on se dit que la vente des indulgences, ce n’était pas si mal. Et même que le salut par grâce, c'est bien mais pas très mobilisateur et que menacer les gens de la colère de Dieu s'ils ne s'engagent pas assez, user de la carotte et du bâton, ça avait ses avantages. L'Assemblée Générale - et parfois le Conseil Presbytéral - font partie de ces moments où on a un peu la tentation de renoncer à la grâce et de revenir au bon vieux temps du salut par les œuvres. Et dans le texte que nous venons d'entendre, à première lecture, on peut se demander si Jésus n'est pas lui aussi tenté de renoncer au message du l'amour inconditionnel de Dieu pour brandir le bâton de la colère de Dieu : "si vous ne changez pas radicalement, vous disparaîtrez tous de même ? "S'il ne produit pas de fruits, tu le couperas." Ça sonne quand même, comme des menaces.

Pourtant : allons regarder de plus près.

Jésus a entendu parler de deux drames de l'actualité et. il s'en empare pour affirmer deux choses. Jésus pose d’abord une affirmation forte : ces tragédies ne sont pas des châtiments de Dieu. Ceux que Pilate a fait tuer, ceux sur qui la tour s'est effondrée n'étaient pas de plus grands pécheurs que les autres. "C'est Dieu qui l'a puni" ne peut pas faire partie du témoignage des chrétiens

Et Jésus évoque une urgence. Cette urgence, Jésus la clame depuis le début de son ministère, c'est l'urgence d'une Bonne Nouvelle. Il y a urgence à se réjouir. Rappelez-vous des mots du père de la parabole à son fils ainé pour le presser de venir faire la fête autour du retour du fils prodigue : "ton frère était mort, il est revenu à la vie".

Et en associant à cette urgence, les faits divers de Pilate et de la tour effondrée, Jésus indique la nature de la menace à laquelle cette urgence répond : sans le changement radical de notre cœur, nous sombrons dans un monde terrifiant, régi par un Dieu impitoyable qui punit pour l’exemple, ou dans un monde absurde où la mort frappe à l’aveuglette.

En quoi consiste ce changement de notre cœur ? La parabole du figuier me semble ouvrir des perspectives. Face au figuier, il y a deux attitudes : celle du propriétaire et celle du vigneron. Pour le propriétaire, ce qui donne de la valeur au figuier, c’est ce que l’arbre lui rapporte. S’il ne rapporte rien, il est inutile, on peut le couper. Pour le vigneron, ce qui donne de la valeur au figuier, c’est le mal qu’il se donne pour l’arbre, c’est le soin qu’il a de lui. Le changement radical de notre cœur, c’est de passer de l’image d’un Seigneur propriétaire, qui nous demande des comptes, à un Seigneur vigneron qui a soin de nous.

Mais la parabole nous interroge également dans mon lien aux autres, au monde, à l’Eglise : quand est ce que je suis comme le propriétaire ? Ne voyant que ce que je peux espérer recevoir de la relation. Quand est-ce que je suis vigneron ? Voyant le temps et la peine que je me suis donné… Tout à l’heure, nous allons vivre notre Assemblée Générale, alors concentrons-nous sur l’Eglise. Est-ce que ce qui donne à l’Eglise sa valeur à mes yeux c’est ce qu’elle me rapporte ou m’apporte ou est-ce que c’est le soin que j’en ai, le mal que je me donne pour elle ? Je suis persuadé qu’en nous posant cette question, nous serons nombreux et nombreuses à constater que nous comprenons finalement bien le vigneron, que si notre Eglise nous est précieuse c’est par le temps, l’énergie, le mal que nous nous sommes donné pour elle.

Claire, notre présidente, nous parlera tout à l’heure du soin, du travail discret, voire invisible de tous ces vignerons et vigneronnes de notre Eglise. J’aimerais juste souligner que le vigneron fait preuve non seulement de soin et de persévérance à l’égard du figuier, mais aussi de créativité. Devant cet arbre qui ne produit pas de fruit, il propose non seulement de redoubler d’effort mais d’aborder la question sous un angle nouveau : « je vais creuser tout autour et que y mettre du fumier »… Il reste dans un savoir-faire de jardinage, mais c’est un soin nouveau qu’il donne à cet arbre.

Frères et sœurs, que nous soyons propriétaires ou vignerons, gardons au cœur cette Bonne Nouvelle, la valeur que le Seigneur accorde à notre Eglise, c’est le travail qu’il accomplit pour elle.

Rédigé par Eric George

Publié dans #Luc 13, #valeur, #espérance, #persévérance

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