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Pentecôte : changement de propriétaire

Prédication du dimanche 27 mai 2007
Pentecôte
Jean XIV, 15 à 26
Actes II, 1 à 11
Romains VIII, 1 à 17

En ce matin de Pentecôte nous célébrons donc ce jour où l’ Esprit est descendu sur les apôtres. Mais comme toute fête chrétienne, elle n’est pas seulement un rappel. Elle nous parle de nous aujourd’hui. Aujourd’hui, l’important est moins la descente de l’Esprit sur les apôtres que notre propre réception de l’Esprit.
Recevoir l’Esprit, être saisi par l’Esprit. Qu’est ce que cela veut dire ? La question ne vise pas ici à savoir qui a raison entre ceux qui pensent que la réception de l’Esprit est le moment M , le tournant d’une vie, une expérience unique qui change tout et ceux pour qui cette réception de l’Esprit se vit quotidiennement, comme une expérience sans cesse renouvelée… Cette diversité est normale, la Bible en témoigne avec les trajets de Paul et de Pierre. La rencontre avec le Christ vivant est toujours une expérience personnelle, individuelle.
Mais que signifie recevoir l’Esprit, quel changement cela provoque-t-il.
Si l’on s’en réfère au récit de la Pentecôte dans les actes des apôtres, nous avons deux indices. Les apôtres sont soudainement libérés de leur peur : jusqu’alors, enfermés, terrés, ils se ruent maintenant à l’extérieur. Et puis alors qu’ils parlent, qu’ils annoncent le Christ ressuscité, chacun les entends dans sa langue maternelle.
Seulement, cela ne me paraît pas suffisant pour exprimer ce que c’est que ce don de l’Esprit. En effet, je ne peux pas voir dans chaque moment d’exaltation et d’audace, le signe de l’Esprit. Je ne peux pas voir dans chaque moment d’empathie, le signe de l’Esprit. Cela serait à la fois terriblement réducteur et terriblement dangereux. Terriblement dangereux parce qu’au talent d’un orateur s’ajouterait le diagnostic « il est habité par l’Esprit ». terriblement réducteur parce que le don de l’Esprit est un bouleversement bien plus grand qu’une reprise de courage ou qu’une rencontre de l’autre.
Le texte de Paul que nous avons entendu ce matin nous dit clairement ce qu’est le don de l’Esprit. Il nous parle de la mort de la chair et  d’un changement de propriétaire

Pour Paul, l’Esprit c’est ce qui s’oppose à la chair. Classique me direz-vous. Mais justement, il faut ici se méfier de la compréhension classique que nous avons de la chair et de l’esprit. Tout d’abord, l’esprit dont parle Paul n’est pas notre esprit. Ce n’est pas notre intelligence, notre volonté, notre imagination, notre personnalité. Cet esprit n’est pas nous mais est extérieur à nous. Il ne nous appartient pas, il est l’esprit de Dieu ou l’esprit du Christ. Paul utilise ici indifféremment les deux expressions. L’esprit, ici, ce n’est pas nous, mais Dieu qui agit sur nous. Jusque là, pas de problème.
Mais les choses se compliquent parce que la chair dont parle Paul n’est pas non plus la chair que nous entendons. Ici ce qui est charnel, ce n’est pas la viande. Paul ne nous replace pas devant l’opposition entre ce qui est matériel et ce qui est spirituel. On sait bien que Paul compte comme charnelle, l’ambition, l’hostilité, la jalousie. Bref des choses qui relèvent non pas du corps mais de l’esprit dans notre langage. La chair dont parle Paul ici, c’est notre hostilité naturelle à Dieu. Quand Paul parle des œuvres de la chair, ou de ce qui est charnel, il ne parle pas de la sexualité ou de la gourmandise. Il va bien plus en profondeur . Ce qui est de la chair, c’est tout ce qui va à l’encontre de Dieu pour nous. Pas seulement nos actions, mais aussi nos pensées. Et c’est bien pour cela que Paul, pharisien irréprochable quant à la loi, affirme l’échec de la loi. S’il est irréprochable dans ses actes, il sait très bien qu’il ne l’est pas dans ses pensées, dans ses pulsions. Nous retrouvons aussi ces phrases sans appel de Jésus le Christ : Quiconque se met en colère contre son frère sera passible du jugement. Celui qui traitera son frère de raka sera passible du sanhédrin. Celui qui le traitera de fou sera passible de la géhenne de feu. (Mt V, 22) et Quiconque regarde une femme de façon à la désirer a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur. (Mt V, 28). Quand l’idée même est dénoncée au même titre que l’action qui peut se déclarer juste ?
Et non seulement la loi nous fait perdre de vue notre situation de pécheurs en nous faisant croire à notre propre justice mais pire encore, elle nous pose en situation d’idolâtre. Je m’explique : « je pratique la loi, je fais ce qu’elle me demande de faire. Donc, je suis en règle, je suis juste devant Dieu et je suis l’artisan de ma propre justice. C’est moi qui fait et non pas Dieu » En parlant ainsi, je m’attribue ce qui revient à Dieu seul. Or, Dieu seul est l’artisan de ma justice et attribuer à un autre ce qui est la prérogative de Dieu, c’est de l’idolâtrie. Parce qu’il est ce qu’il est, l’homme s’enorgueillit d’obéir à la loi qui devrait le conduire à s’abaisser pour dépendre de Dieu seul. Vous voyez ? Même l’obéissance à la loi devient œuvre charnelle. Même en prétendant nous soumettre, nous faisons acte de résistance. C’est ce que Paul dit : « la chair ne peut même pas se soumettre à Dieu ».
Nous sommes donc captif de notre résistance à Dieu… Or le salaire de la désobéissance c’est la mort… Conclusion désespérante…

Mais tout en dressant ce constat terrible, Paul vient aussi nous affirmer : Il n’y a donc maintenant, plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus Christ. Voilà donc ce que signifie, pour Paul, recevoir l’Esprit : c’est un changement de propriétaire. En effet, en parallèle à l’opposition chair-esprit qui imprègne tout ce texte, Paul utilise aussi tout un vocabulaire que je qualifierai de notarié : appartenir, débiteur, héritier, co-héritier… Nous n’appartenons plus à notre chair, à notre résistance à Dieu mais nous appartenons à Christ. En fait, pour Paul, la pentecôte c’est moins recevoir l’Esprit saint qu’être saisi par lui.
Bien sûr, notre chair, notre résistance à Dieu, demeure. Mais nous ne lui appartenons plus. C’est à dire que ce n’est plus notre résistance à Dieu qui détermine ce que nous sommes et ce qu’est notre sort. Ce qui nous détermine désormais c’est que par sa venue dans notre chair, par sa venue en Jésus Christ, Dieu a accompli en nous la justice exigée par la loi. Autrement dit, puisque la loi ne parvenait pas à nous rendre juste devant Dieu, à nous faire parvenir à Lui, c’est lui qui est venu à nous afin que plus rien ne puisse nous séparer de lui.
Le risque maintenant pourrait-être que nous retransformions l’esprit en loi, que nous nous demandions si nous avons reçu suffisamment de cet esprit, si nous marchons assez dans l’Esprit. Mais ce serait retomber dans l’orgueil, dans la volonté de mériter cet amour de Dieu, de nous justifier par nous même. Il ne s’agit pas de vérifier à quel point nous avons mis le charnel à mort. L’Esprit que nous avons reçu ne nous rend pas esclave, il ne nous ramène pas à la peur  (v.15). Ce n’est pas nous qui faisons mourir notre chair, notre résistance, c’est l’esprit qui agit en nous.
Et cela ne s’arrête pas là. Il faut se rappeler que Paul parle dans une société basée sur l’esclavage et que dans son public il y a un certains nombre d’esclaves qui savent ce que signifie passer d’un mauvais maître à un bon maître, d’un oppresseur qui maltraite ses esclaves à un maître humain qui les traite avec respects. Ils savent quel mieux ce changement amène, mais ils savent aussi que changer de maître, c’est rester esclave. Or Paul ne parle pas ici, de passer d’un mauvais maître à un bon maître. Il nous parle de passer de statut d’esclave à celui de fils adoptif, d’héritier. Nous ne passons pas d’un mauvais maître qui nous conduit à la mort à un bon maître qui nous amène à la vie mais nous laisse esclave. L’Esprit est un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions « Abba, père ». Ce n’est donc pas un nouveau maître, un bon maître qui nous a acquis, c’est un père aimant qui nous a retrouvé. Être fils et fille de Dieu, c’est ne plus avoir à mériter un salaire, c’est tout recevoir de la générosité de notre Père…

Frères et sœurs, aujourd’hui, ce n’est pas une exigence de courage et d’ouverture qui nous imposée. Aujourd’hui, c’est une promesse que nous recevons. Nous n’appartenons plus à ce qui fait mourir mais à celui qui fait vivre. Nous sommes fils et filles de Dieu, nous recevons tout de lui, gratuitement. Cette promesse réveille notre courage et nous envoie vers nos frères et nos sœurs. Non pas pour les recevoir et les absorber, les modeler à notre image mais pour être accueillis par eux, dans ce qu’ils sont.

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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