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Je ne crois pas en l'homme

-         Comment peux tu croire en Dieu, malgré tout ce que tu vois ? Moi je crois en l’homme !

-         Ah bon ? Malgré ce que tu vois ?

 

Je suis toujours un peu surpris que ceux qui démontrent l’inexistence de Dieu par les guerres, les massacres, les épidémies et les catastrophes, affirment souvent juste après leur foi en l’homme.

Je reconnais humblement que je crois en Dieu bien souvent malgré ce que je ne vois pas mais croire en l’homme malgré ce que j’en vois, cela me semble bien au dessus de ma capacité à croire et à espérer.

Je ne dis pas comme tant de chrétiens l’affirment encore parfois que c’est l’homme qui est responsable du mal qui se fait sur la terre. Il y a bien des souffrances qui échappent à nos compétences et qui nous interdisent de répondre aussi simplement au problème du mal. Mais de la même façon qu’on me demande « Si Dieu existe pourquoi le mal ? » J’avoue avoir souvent tendance à me demander « Comment peut-on croire en l’homme malgré les guerres, les génocides, la pollution et même tout simplement notre égoïsme, notre incivilité quotidienne ? » J’admire réellement ceux qui croient que l’homme est seul et ne sombrent pas dans un cynisme désespéré.

Mais c’est ici un dialogue de sourd : le chrétien et l’humaniste se renvoyant indéfiniment la balle « Comment peux tu espérer malgré ce que tu vois ? »

 

J’ai une autre réticence, plus forte, plus fondamentale à la foi en l’homme. Si je crois en l’homme, si je crois que c’est l’homme qui construira lui-même une société meilleure, alors je ne peux que constater qu’il y a des hommes (et des femmes, bien sûr, je ne suis pas un grand fan du langage inclusif mais cela me semble aller de soi…) qui participent plus que d’autres à cette construction. Je dois reconnaître également que certains participeraient plutôt à une régression de l’humanité. Bref l’humanisme me conduit me semble-t-il, fatalement à établir une échelle de valeur entre les hommes et donc un jugement avec tout ce que cela comporte de danger et de prétention. Bien sûr les religions en général et le christianisme en particulier ne sont pas exempts de cette tendance au jugement mais le message premier de Jésus Christ est très clair : ne jugez pas afin de n’être pas jugé.

 En affirmant que, par lui-même, l’homme ne vaut rien, je m’interdis tout jugement sur mon prochain, je m’interdis de me croire de quelque manière supérieur à lui. Ainsi, contrairement à ce qu’il pourrait sembler, à ce que j’entend trop souvent le pessimisme anthropologique n’est pas une vaste entreprise de culpabilisation de l’humanité mais au contraire une interdiction formelle à tout homme de poser un jugement sur son frère.

 

Et puis à l’anthropologie pessimiste qui est la mienne, il faut ajouter immédiatement l’idée de la grâce de Dieu (rappelez-vous, c’est ici ).L’homme n’est pas digne d’être aimé et pourtant Dieu l’aime au point de tout donner pour lui. Cette Bonne Nouvelle ne concerne pas une poignée d’élus qui en recevraient le droit de se placer au dessus de leurs frères, mais elle concerne et appelle chacun.

Le pessimisme anthropologique et la grâce sont dans un même élan vers l'autre : le premier m'empêche de me considérer comme meilleur que mon frère, la deuxième me dit que mon frère bénéficie comme moi de l'amour de Dieu

 

« Or que notre iniquité et condamnation soit convaincue et signée par le témoignage de la loi, cela ne se fait pas afin que nous tombions en désespoir et, qu’ayant perdu tout courage, nous nous abandonnions en ruine (…) mais il faut entendre ce que dit Saint Paul qui confesse bien que nous sommes tous condamnés par la loi afin que toute bouche soit fermée et le monde entier soit rendu redevable à Dieu (Romains III ; 19) mais cependant, en un autre lieu il enseigne que Dieu a tout enclos sous l’incrédulité non pas pour tout perdre, ou même pour laisser périr mais afin de faire miséricorde à tous. (Romains XI, 32) »

Jean CALVIN L’institution chrétienne Livre II Chapitre VII

 

 « La première affirmation sur laquelle l’éthique protestante repose, c’est que l’existence humaine abandonnée à elle-même échoue à trouver une juste réponse à la question du sens de la vie. L’homme laissé à ses propres forces est incapable de satisfaire aux exigences de la loi morale, égaré qu’il est, perdu par ses illusions, ses peurs ou la stratégie mortelle de ses désirs.

Seconde affirmation : ce pessimisme radical a pour sens de libérer l’être humain de toute prétention, de toute autoaffirmation orgueilleuse, de tout enfermement dans l’univers clos de l’autojustification. La liberté doit passer par une forme de deuil pour accéder à un nouveau possible. Il faut cesser de croire en soi, pour mieux recevoir de Dieu la force créatrice nouvelle qui libère la liberté et appelle le croyant à une nouvelle conscience de ses responsabilités. »

 

Eric FUCHS : Tout est donné, tout est à faire
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Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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M
Salut Eric,<br /> Je t'invite à lire mon nouvel article :<br /> Arguments par ignorance et hypothèses invérifiables<br /> Il fait la critique des arguments de ceux qui prétendent pouvoir inférer Dieu par l'usage de la seule raison raisonnante...<br /> Amicalement,<br /> Miky
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M
Salut Eric,<br /> Merci tout d'abord pour ton commentaire dans mon blog en réponse à Angelus Domini, ainsi que pour le lien élogieusement commenté que tu as placé dans ton blog vers mon blog.<br /> Je suis d'accord avec toi, la foi en l'homme ne se déduit pas logiquement. J'ajouterais qu'elle ne se prouve pas non plus dans l'expérience. C'est plutôt une règle d'action qui est efficace, ne serait-ce que psychologiquement.<br /> Concevoir la foi en Dieu comme une règle d'action, un principe d'action (action au sens large j'entend : expliquer ou comprendre ou connaître ou donner du sens sont aussi des choses que l'on fait, donc des actions), est une conception qui me convient. De même qu'en géométrie on a les axiomes d'Euclide, non démontrables mais utiles, de même, dans la vie courante, on peut avoir Dieu. A mon pasteur à qui j'avais demandé une fois s'il croyait en Dieu (j'en pose de ces questions, lol), il me répondit : "L'idée de Dieu m'accompagne". Je n'ai pas tout de suite compris ce qu'il voulait dire. Maintenant, je crois que je comprend. En somme, la différence entre une vérité scientifique et une vérité religieuse, c'est que la première agit sur nous, la deuxième nous fait agir.<br /> Tout cela rejoint, il me semble, une lecture que j'ai commencé : William James, La volonté de croire. On peut aussi faire des rapprochements, je crois, avec le 2nd Wittgenstein, notamment dans les Recherches Philosophiques et les Leçons sur la croyance religieuse. L'attitude religieuse est une forme de vie, parmi d'autres formes de vie. Les propositions sont vraies ou fausses en référence à un jeu de langage particulier qui s'incarne dans une forme de vie particulière, mais le choix du jeu de langage lui-même n'est pas justifiable.<br /> A propos de la théologie du Process, si tu as lu mon article sur le théisme classique réfuté par les faits, c'est également une des théologies dont je me sentirais le plus proche si j'étais croyant.<br /> Toi qui t'y connait sans doute mieux que moi, j'aurais une petite question à te poser sur la théologie du Process : j'ai tendance à penser que si Dieu existe, c'est plutôt la communauté des humains en interactions complexes (et notamment les liens d'amour et de haine) qui le créé comme phénomène émergeant, plutôt que lui qui nous créé ex nihilo. Ce serait un peu, par rapport à l'humanité (voire l'univers), comme notre conscience par rapport aux réseaux de neurones de notre cerveau. Le site Principia Cybernetica en lien sur mon blog défend quelque peu cette vision des choses : Dieu, si cela a a un sens de parler de Dieu, est une propriété émergeante de l'Humanité considéré comme un tout. Il me semble que ce courant de pensée est très proche de la théologie du Process, le point commun étant peut-être Teilhard de Chardin, sa noosphère et son point Oméga. Qu'en penses-tu ?<br /> Amicalement,<br /> Miky
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M
Eric,<br /> Tu dis :<br /> "Je suis toujours un peu surpris que ceux qui démontrent l’inexistence de Dieu par les guerres, les massacres, les épidémies et les catastrophes, affirment souvent juste après leur foi en l’homme.<br /> Je reconnais humblement que je crois en Dieu bien souvent malgré ce que je ne vois pas mais croire en l’homme malgré ce que j’en vois, cela me semble bien au dessus de ma capacité à croire et à espérer."<br />  <br /> Il faut distinguer deux problématiques :<br /> - Foi en Dieu / en l'homme dans le sens de croire que Dieu / l'homme existe : pour le premier, c'est hypothétique, pour le second, c'est certain. Croire en l'homme plutôt qu'en Dieu en ce sens de "croire" est donc un pari moins risqué puisque l'existence de l'homme est une évidence alors que l'existence de Dieu est une hypothèse métaphysique.<br /> - Foi en Dieu / en l'homme dans le sens de faire confiance en Dieu / en l'homme. Puisque l'existence de Dieu est hypothétique, et qu'il faut d'abord croire en son existence avant de pouvoir lui faire confiance, on peut comprendre aussi qu'il soit plus sage de placer sa confiance en l'homme dont on est sûr de l'existence. Ensuite, à supposer que l'on croit en l'existence de Dieu : Dieu est censé être beaucoup plus puissant que l'homme, donc devrait, s'il est Amour, manifester sa présence et son Amour de manière beaucoup plus évidente et tangible. L'homme n'est pas qu'Amour, mais surtout, il est très peu puissant, surtout pris individuellement. Il est donc normal que sa tâche soit beaucoup plus difficile pour apporter la joie et la paix dans le monde. Malgré cet handicap, on remarque quand même constamment que certains hommes font tout leur possible pour aider concrètement leurs frères. Il y a donc des signes qui peuvent faire légitimement croire en l'homme, sinon à sa puissance d'action, au moins à son sens du dépassement de soi pour l'autre. Et même si cela ne devait pas être l'homme en général, au moins une certaine fraction de l'humanité dont on peut espérer qu'elle fera de plus en plus d'émules.<br />  <br /> Bien à toi,<br /> Miky
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E
En fait, le but de cette argumentation n'est absolument pas d'affirmer que la foi chrétienne est plus logique que l'humanisme, simplement de pointer que dans l'humanisme ou la foi en l'homme agit aussi un sentiment qui dépasse la logique. Ce n'est pas une critique, je suis le premier à affirmer que ma foi n'est pas une démarche logique, juste une mise au point (un petit peu sarcastique c'est vrai quand l'interlocuteur se prétend animé par la logique pure)<br /> Sur la puissance de Dieu, je pense que tu t'es rendu compte que je ne défend pas vraiment l'image traditionnelle (et non biblique) d'un Dieu tout -puissant, mais que je serais plutôt plus proche de la théologie du Process. Pour moi c'est dans son amour et dans son pardon que Dieu est tout puissant et non pas comme un thaumaturge...<br /> Enfin tu dis "Il y a donc des signes qui peuvent faire légitimement croire en l'homme, sinon à sa puissance d'action, au moins à son sens du dépassement de soi pour l'autre. Et même si cela ne devait pas être l'homme en général, au moins une certaine fraction de l'humanité dont on peut espérer qu'elle fera de plus en plus d'émules" Ben les même signes peuvent tout aussi légitimement faire croire que l'homme est poussé par une force qui lui est extérieure (qu'on pourrait appeler, disons, l'Esprit), qu'il n'a donc pas à s'énorgueillir ni à établir de catégories entre différentes fractions de l'humanité. Ce sont deux lectures différentes qui découlent de présupposés improuvables et invérifiables différents.<br /> Je me permet juste de faire remarquer, et c'est pour moi un point essentiel, que dans le présupposé chrétien : il ne devrait (hélas c'est un conditionnel) pas y avoir de jugement de l'homme par l'homme alors que dans le présupposé humaniste, le jugement est implicite  : il y a une fraction de l'humanité qui devrait faire des émules... Qui décide de quelle est cette fraction ?
C
"En affirmant que, par lui-même, l’homme ne vaut rien, je m’interdis tout jugement sur mon prochain, je m’interdis de me croire de quelque manière supérieur à lui. Ainsi, contrairement à ce qu’il pourrait sembler, à ce que j’entend trop souvent le pessimisme anthropologique n’est pas une vaste entreprise de culpabilisation de l’humanité mais au contraire une interdiction formelle à tout homme de poser un jugement sur son frère."<br /> <br /> Il ne faut jamais oublier quand on dit "lŽhomme" que cela englobe aussi celui qui le dit, personne nŽest plus qu un autre cŽest certain, cŽest juste un probleme dŽéducation que certains le croient.<br /> De plus si tu rencontres quelquŽun qui ne croit pas en dieu à cause des guerres et des malheurs terrestres et que cŽest son seul argument il nŽa pas approfondi son atheisme, car les guerres sont seulement la démonstration que la religion et la croyance ne les évitent pas donc que lŽargument qui dit quŽune societe athée serait un chaos ne tiens pas debout car les societes nŽont jamais évité le chaos.<br /> Mais que veut dire croire en lŽhomme?, avoir foi en lŽhomme? cŽest un point a éclaircir...je tŽen parle dans une réponse sur mon blog<br /> <br /> Comme je te lŽai déja commenté je pense que la difference cŽest lŽeducation qui la fait, avec lŽeducation tu peux fabriquer des guerriers pres a tout, ou des gens simples et solidaire, une bonne étude de lŽattitude du peuple dans une societe te donnera une indication du sens dans lequel marche lŽéducation. Par education jŽentends tout ce que vois tous les jours les jeunes chez eux, a la telé, lŽexemple de nos dirigeants, la scolarité, les discour des parents, etc... tout ça accumulé ça fait une education.
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E
C'est vrai que c'est un risque... Mais je ne crois pas en Dieu pour remplacer ma foi en l'homme (Si je voulias être optimiste à tout prix, je me contenterai de croire en l'homme, ce serait plus simple...) En revanche, le fait de ne pas croire en l'homme, ne m'empêche pas de voir que l'homme accomplit parfois des choses magnifiques et c'est pour moi un signe de l'action de Dieu...<br /> Ceci dit, tu as raison, il y a un toujours un risque d'être mal compris par quelqu'un qui n'a pas la foi, mais c'est un des intérêt de l'exercice bloguesque, non ?
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