Après la mort ?

Publié le 6 Novembre 2005

Prédication de ce dimanche
Esaïe XXXVIII, 15 à 20
I Thessaloniciens IV 13 à 18
Luc XVI 19 à 31
 
Qu’y a-t-il après la mort ? Il paraît que c’est avec cette question que commence la religion… Qu’y a-t-il après la mort ? Quelle que soit votre approche de la question, la Bible vous décevra. En effet, si vous cherchez des réponses précises, vous ne les trouverez pas : la Bible ne dépeint pas l’au-delà, en tout cas, pas avec la précision qu’on pourrait attendre. On est très loin du livre des morts égyptiens, ça frise l’escroquerie, non ? La Bible ne nous dit pas ce qu’est l’au-delà. Alors que c’est quand même précisément ça qu’on attend d’un livre religieux, non ?
Les plus matérialistes parmi nous se réjouiront. Eh oui, le christianisme c’est du concret, pas de spéculation sur un quelconque au-delà… Si vous êtes dans ce cas, alors la Bible est trop bavarde sur ce sujet. En effet, il y a un bien un après la mort dans la Bible. Seulement, cet « après » n’est pas décrit d’une seule manière. Les textes que nous avons entendus, nous donnent trois exemples différents des manières dont la Bible répond à la question : après la mort qu’y a-t-il ?
 
La première réponse est sans doute la réponse principale de l’Ancien Testament. Après la mort il n’y a rien. On passe du côté des ombres, des affaiblis, dans un lieu dont Dieu est absent. Vous allez me dire : le séjour des ombres, ce n’est pas rien. En fait, si, c’est la façon dont les hébreux décrivent le néant. Le terme même d’ombre ou d’affaibli est une litote, un euphémisme pour désigner le non-être. Je vous rappelle que le néant, le zéro sont des concepts assez modernes dans la pensée… Mais pour les hébreux, il n’y a pas d’immortalité de l’âme, pas de réincarnation, pas même de résurrection des morts. Après sa mort tout ce qu’un homme laisse derrière lui, c’est sa postérité, sa descendance et son souvenir.
Ce n’est que très tardivement qu’on voit émerger dans la pensée juive l’idée d’une résurrection des morts et cette idée, cette foi, vient d’un constat : le juste peut mourir malheureux, sans postérité, sans descendance alors que l’injuste peut mourir dans l’abondance, laissant une postérité nombreuse. C’est de ce constat d’injustice flagrante que naît l’idée que Dieu ne se limite peut-être pas aux vivants. Je suis bien conscient que présenter les choses sous cet angle, c’est prendre le risque de dire que la résurrection n’est qu’une invention humaine. Pourtant, c’est exactement le contraire. Très souvent les gens intelligents et raisonnables qui ne croient pas à toutes ces sornettes nous rappellent que la religion et l’idée même de « dieu » ont été inventées par l’homme pour se rassurer face à la mort. Mais si vraiment Dieu ne sert qu’à rassurer les hommes face à leur mort comment se fait-il que les hébreux aient pu croire en Dieu pendant des siècles sans croire en une vie après la mort ? La Bible nous montre que la foi ne découle pas de la peur de la mort, mais que parce qu’il croit, parce qu’il a confiance dans la justice et l’amour de son Dieu, l’homme peut envisager la folie d’une vie après la mort…
Après la mort, qu’y a-t-il ? la deuxième réponse, celle qui est le plus connue, la plus facilement attribuée au christianisme, la plus présente dans notre imaginaire collectif, c’est celle de l’immortalité de l’âme. Après la mort, l’âme, notre être spirituel , quitte notre corps (notre être physique) pour aller dans un autre plan d’existence. Plan d’existence qui dépendra de notre comportement dans cette vie : les gentils vont au paradis et les méchants en enfer. Le purgatoire sera inventé bien plus tard… Tout d’abord cette notion, que tout le monde croit être la vision "officielle" de l’au-delà du christianisme, qui est omniprésente dans l’art chrétien n’est pas d’origine biblique, elle vient d’Egypte et on la retrouve chez les grecs et chez les romains. La séparation du corps et de l’esprit n’est pas une notion hébraïque : pour eux l’être humain est un tout qu’on ne peut pas diviser entre un être spirituel et un être matériel. Personnellement, j’avoue être très méfiant vis à vis de cette idée d’immortalité de l’âme car elle me semble très orgueilleuse, elle me semble reposer beaucoup sur l’idée qu’un être aussi merveilleux que moi ne peut pas disparaître totalement, ce serait une trop grosse perte pour l’univers… Mais, même si je m’en méfie, même si elle c’est une notion importée d’ailleurs, l’immortalité de l’âme, les représentations de l’enfer et du paradis sont bien présentes dans la bible. Jésus utilise ce langage lors de la parabole du pauvre Lazare ainsi que dans sa promesse au crucifié : « Ce matin tu seras avec moi au paradis ». L’utilisation de ces images nous interdit de faire simplement l’impasse sur ce discours, nous pouvons certes en pointer les faiblesses et les limites mais pas le repousser de la main comme une invention païenne. En revanche, il est important de noter que dans la parabole, il n'est pas question de récompense ni même de punition. Lazarre n'est pas reçu dans le sein d'Abraham en récompense de ce qu'il a fait, il est reçu en consolation... Ce qui est assez différent de l'imagerie classique : l'immortalité de l'âme n'est pas un salaire, mais une consolation...
Après la mort, qu’y a-t-il ? La dernière réponse biblique est la résurrection. Ou plutôt non. La résurrection n’est pas une réponse biblique, parce que le terme « résurrection » n’existe pas dans la Bible. Après la mort, il y a le réveil, le relèvement et la vie. Voilà quels sont les mots que nous traduisons aujourd’hui par résurrection. Ces trois notions, de réveil, de relèvement et de vie sont inséparables et on les trouve toutes les trois dans le texte de Paul : En effet, si nous croyons que Jésus est mort et qu'il est relevé, nous croyons aussi que Dieu ramènera aussi par Jésus, et avec lui, ceux qui se sont endormis (qui seront donc réveillés). Tout d’abord, ces notions n’ont rien à voir avec l’immortalité de l’âme. La résurrection ne nie pas la mort, elle en affirme la réalité la plus absolue. Nous mourrons complètement, tout à fait. Et complètement nous serons ressuscités. Ou plutôt réveillés et relevés. Réveillés, c’est à dire qu’il y a une continuité, lorsque je me réveille le matin, je suis le même que lorsque je me couche le soir. La résurrection n’est pas une sorte de fusion dans un tout. Nous n’y perdons pas notre identité. Mais nous sommes aussi relevé, ce qui indique une rupture, un changement. La résurrection ce n’est pas un petit bonus de vie qui nous serait accordé, ce n’est pas non plus la nuit des morts vivants. Il est évident que nous ressusciterons libres de nos entraves, de nos chaînes qu’elles soient physiques, mentales ou spirituelles. Nous serons relevés c’est à dire libérés de ce qui nous fait souffrir.
 
Après la mort, qu’y a-t-il ? Notre postérité, l’immortalité de l’âme, la résurrection ? Si ces trois réponses sont dans la Bible, laquelle est la bonne ? Aucune... Ou plutôt, toutes ! Ces trois réponses sont autant de manières humaines de parler de quelque chose qui nous est inconnu, incompréhensible. Après la mort, qu’y a-t-il ? la question nous dépasse et nous sommes incapable de lui donner une réponse complète. Alors la Bible nous donne des langages, différents certes mais qui comportent un certain nombre de données communes.
Premièrement, tous affirment que la mort n’est pas la fin. Dans les deux sens du terme : l’arrêt et le but. Même l’affirmation de la postérité indique qu’après la mort, « ça » continue. En effet, dans notre société ou l’unité de base est l’individu, l’importance du maintien de la postérité, nous paraît très relative mais le peuple hébreux a une société clanique. Le groupe y a plus d’importance que l’individu et chacun en est très conscient.
Deuxièmement, tous nous disent que nous pouvons, dans cette vie, faire l’expérience concrète de cette espérance qui nous est promise. Dans la parabole du pauvre Lazare, l’au-delà est une consolation, un bouleversement, un renversement. Mais des renversements de situations, des inversions des rôles, des moments où tout s’ouvre à nous quand nous croyions que tout était perdu, des consolations qui nous sont données sans que nous osions même les espérer, nous en vivons dans notre vie. Paul lui, nous parle de relèvement et c’est justement le même mot qui est utilisés dans bien des récits de guérison. De plus la trompette de la résurrection (image qui peut nous paraître un peu naïve, voire nous faire sourire) n’est pas à associer aux trompettes des hérauts du moyen-âge,  cette trompette qui donne aux morts le signal du réveil, il faut l’entendre comme le shofar, cette trompe en corne de bélier qui est sonnée lors de la fête de Roch Hachanah, le nouvel an juif en annonce de la libération de toute l’humanité ainsi qu’à la fête du Yom Kippour, l’année du Jubilé pour annoncer la délivrance des esclaves hébreux. Ainsi cette trompette, ce shofar de la résurrection nous invite à lire celle-ci comme une libération. Toute guérison, toute libération est donc une expérience concrète de la résurrection.
Troisièmement, tous ces langages nous renvoient au concret, au quotidien, à notre vie. La parabole du pauvre Lazare est plus une invitation à la générosité et au partage qu’un enseignement sur l’au-delà. Paul conclue sa description de la résurrection par une exhortation bien concrète : consolez-vous les uns les autres. C’est bien pour cela qu’il y a différents langages : si Dieu nous promet une espérance face à la mort, c’est pour que nous soyons libres vis à vis de celle-ci et certainement pas pour que l’au-delà devienne notre préoccupation première
 
Frères et sœurs, la Bible ne nous dit pas ce qu’il y a après la mort, elle nous promet juste que celle ci est vaincue. Forts de cette espérance, saisissons notre vie à bras le corps et découvrons que la vivre pleinement c’est nous tourner vers les autres.
 
Amen
 

Rédigé par Eric George

Publié dans #Bible

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P
J'aime bien vos prédications monsieur george.
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E
Merci
M
Ma grand-mère est morte Samedi.Je suis allée à son enterrement Lundi au fin fond de la Haute-Loire, département de France, où la religion catholique est toujours présente et nombreux sont encore les pratiquants qui viennent écouter le curé raconter de bien belles histoires autour de Jesus. <br /> <br /> En tant qu'athée, je n'ai pas l'habitude de rentrer dans une église et encore moins d'assister à une messe. Mais là, il faut bien dire que cela m'a choqué. Les 5 premières minutes de la messe était consacrée à ma grand-mère, à sa vie et son implication dans les oeuvres de charité. Mais seulement 5 minutes parce qu'il ne fallait quand même pas abusé. Le curé passa très très vite sur le cas Grand-mère pour parler de Jesus pendant 45 minutes !!!! Mais, que se passe-t-il ici ? On est rassemblé pour célébrer Dieu ou pour rendre hommage à ma Grand-mère ? On est ici pour vénerer une église catholique forte et fière de son pape rétrograde ou pour dire un bel au revoir à ma Grand-mère ?<br /> <br /> Je ne comprends pas. Je ne comprends pas cette religion qui fait foie sur tous autres sentiments. Et le respect dans tout cela ? A-t-on été respectueux de son corps, de son âme en ne parlant bien plus de la vie de Jesus que de la sienne ? <br /> <br /> Je suis déçue....j'aurai aimé que l'on parle plus d'elle, au moment de ce triste départ.<br />
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E
A dire vrai, votre commentaire m'embarrasse. S'il y a des différences profondes entre un service d'inhumation catholique et un service d'inhumation réformé, j'ai bien peur que votre impression aie été encore plus mauvaise si l'enterrement de votre grand mère.<br /> En effet, chez nous lors d'un service funèbre, il n'y a pas du tout d'éloge du défunt. Celà tient à notre théologie : nous croyons que Dieu aime la personne indépendament de ses actes, de sa foi, de sa pratique religieuse c'est pourquoi nous ne ressentons pas le besoin de faire tout un panégyrique.<br /> De plus, nous sommes habituellement plus bavards que les catholiques dans notre commentaire de la Bible mais généralement, lors d'un service funèbre ce commentaire parle de Dieu et de Jésus Christ certes mais pour annoncer cette resurrection, cette victoire sur la mort qui est promise dans l'Evangile.<br /> Nous sommes bien conscient qu'au moment du deuil cette promesse est dure à recevoir, à entendre même, nous sommes bien conscients que nos mots sont bien fades. Mais c'est la raison d'être du service funèbre dans notre Eglise, accompagner ceux qui sont dans le deuil et annoncer l'espérance que Dieu nous donne...<br /> Pour ma part, je ne peux qu'espérer que dans votre athéisme, vous pourrez recevoir cette promesse : la mort ne vous enlève pas tout, elle n'a pas le dernier mot. <br /> Et vous remercier de votre commentaire qui me conforte dans ma décision de suivre l'exemple de certains de mes collègues, avoir un temps au cours d'un service funèbre pour rappeler les grandes étapes de la vie du défunt, sans faire d'éloge, sans idéaliser les traits, simplement pour que tous puissent se souvenir de la personne dont ils se séparent...
L
Gloire et longue vie aux buveurs de l'eau de Quézac !
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M
Deux petites choses:<br /> <br /> La première concerne une idée récurente à tes textes(si tu permet qu'on se tutoie) : je cite un passage de celui-ci: "L’utilisation de ces images nous interdit de faire simplement l’impasse sur ce discours, nous pouvons certes en pointer les faiblesses et les limites mais pas le repousser de la main comme une invention païenne."<br /> Je me permet d'insister sur l'intolérance de ce propos. Pourquoi réfuter systématiquement (à cette exeption près, puisque tu la présente comme une exeption) les concepts païens. Il me semble qu'ils ont aussi leurs interets et leur part de vérité que les hommes d'église ont souvent tendance à nier en bloc. Ne sont ils pas aussi parfois des messages d'espoir, des messages symboliques riches en reflexion? Se tourner vers les autres, c'est aussi, il me semble chercher à comprendre leurs philisophies et leurs croyances, qui toutes ont des racines enrichissantes.<br /> <br /> D'autre part on cherche souvent à savoir ce qu'il y a après la mort, mais on pourrait suivre le raisonnement inverse, qui est pourtant basé sur les mêmes interrogations: qu'y a t'il avant la vie sur terre. Pourquoi pas de réponse à cette question. est-ce parce qu'elle ne préoccupe pas car il n'y a pas de crainte à avoir à son sujet, comme ça peut être le cas pour la mort. et si on accèpte l'idée du néant anterieur, pourquoi refuser celle du néant posterieur à la vie?
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E
Si tu as compris ma phrase comme "les idées païennes sont risibles ou ridicules", je te prie d'accepter mes excuses.<br /> En revanche, le christianisme, comme le judaïsme et l'islam, pose une rupture radicale avec le paganisme. Bien sûr celà ne veut pas dire qu'il faille condamner les païens au bucher (les Eglises protestantes et catholiques ont à mon avis commis une véritable trahison de l'Evangile en agissant ainsi). Mais je crois que pour entrer dans un dialogue respectueux avec l'autre, il est nécessaire de savoir qui l'on est. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des idées tout à fait respectables dans le paganisme, ni que les paîens valent moins que les chrétiens. Simplement, au niveau de ma foi, au niveau de la théologie, je ne peux rien recevoir du paganisme, parce que nous ne parlons pas de la même chose.<br /> L'idée de la vie antérieure que tu donnes ensuite en est un très bon exemple. Il n'y a pas de place dans le christianisme, dans notre compréhension de Dieu, pour une telle notion. Dieu est éternel mais l'être que je suis a eu un commencement. <br /> Je suis bien conscient que cela peut paraître un point de vue très sectaire, mais je crois qu'il est important d'émettre des frontières. Mon ouverture (j'espère quand même être un peu ouvert) réside dans le fait que, pour moi, ces frontières ne sont pas des barrières mais des lieux de rencontre.<br /> Voilà, j'espère que c'est assez clair. J'aime le dialogue mais je me méfie beaucoup du consensus et du syncrétisme.