Le coeur de l'homme

Publié le 14 Septembre 2007

Prédication du dimanche 09 septembre 07
Exode XX
Philémon IX à 17
Matthieu XV 1 à 20

Au delà des conseils d’hygiène que j’espère que les enfants n’ont pas écouté… Au delà même du débat entre tradition des pères et commandement de Dieu, ce texte nous offre une vision de l’homme d’une violence inouïe…

Nous sommes ici témoins d'un débat entre théologiens se mettant mutuellement en accusation. D'un côté, les pharisiens qui enseignent, à côté de la loi écrite (ce que nous appelons le Pentateuque, les 5 premiers livres de la Bible), une loi orale basée sur la tradition de leurs pères. Et c'est cette tradition qu'ils reprochent à Jésus de ne pas respecter. .Face à eux, Jésus qui, à la tradition des anciens, oppose un retour au source. En effet, sa contre-attaque est cinglante : "au nom de votre tradition vous transgressez le commandement de Dieu". Pourtant, je ne crois pas qu'il faille voir ici Jésus comme un fondamentaliste. On connaît trop bien les libertés qu'il prenait vis à vis de Torah écrite : non respect du Sabbat, accueil des marginaux, polémique avec le Temple...
En fait, si Jésus préconise un retour aux  sources, c'est moins vers la lettre de la loi que vers l'esprit de la loi. C'est une constante lorsque Jésus parle de la loi, il ne s'intéresse pas aux subtilités juridiques, à la casuistique, à la jurisprudence, il ne se pose qu'une seule question : Quelle est la volonté de Dieu derrière cette loi ? Et pour répondre à cette question, sa grille de lecture est on ne peut plus simple. Le commandement de Dieu nous pousse toujours à nous tourner vers l’autre. Et pas de manière désincarnée. Bien au contraire, pour Jésus, aller vers l’autre ce n’est pas seulement en parole mais aussi en acte, de manière concrète. Sa polémique avec les pharisiens autour de Honore ton père et ta mère est très explicite sur la question. « Honore ton père et ta mère » doit se traduire pour lui par une relation d’aide qui est plus importante, plus impérative que n’importe quel sacrifice… Une affirmation d’autant plus forte qu’on voit dans les évangiles Jésus remettre en question la famille et ce, de façon très forte, très virulente :  « Qui sont ma mère, mes frères et mes sœurs » « Celui qui aime son père, sa mère, sa sœur, son frère, plus que moi n’est pas digne de moi ». Ainsi,  même si Jésus s’attaque à une certaine idolâtrie de la famille, il n’en affirme pas moins que père et mère sont à aimer, non pas seulement en parole mais aussi en actes…

Mais si le ton de la polémique avec les pharisiens peut paraître violent, ce n’est rien au regard de la conclusion de ce passage. En effet, du cœur de l’homme sortent raisonnements mauvais, meurtres, adultères, inconduite sexuelle, vols, faux témoignages, blasphèmes… C’est une affirmation terriblement dure. Jésus ne dit pas « Du cœur de l’homme peut sortir le mal autant que le bien », le portrait de l’humanité est strictement négatif… Bien sûr il serait exagéré de généraliser ce passage et d’en tirer des conclusions trop hâtives sur la manière dont Jésus conçoit l’humanité… Mais il me paraît discutable d’amoindrir la portée de cette affirmation. Nous sommes ici face à un renversement complet de la façon dont les pharisiens concevait le monde. Un homme pur au milieu d'un monde impur qui ne demande qu'à le souiller et contre lequel il faut absolument se protéger. Pour les pharisiens, la protection consiste en rituels... Mais cette vision de l'homme comme une forteresse assiégée n'est pas propre aux pharisiens. Si l'on sort du registre "pur/impur" du judaïsme pour passer au registre "bon/mauvais" qui nous est plus familier, il me semble qu'on retrouve toujours cette idée que ce qui nous agresse est à l'extérieur. "L'homme est bon, c'est la société qui le corrompt", "L'enfer c'est les autres". Et je crois que si nous ouvrons nos yeux et nos oreilles, nous pourrons encore trouver bien des exemples...
Et voila que d'une phrase, Jésus rejette cette idée que nous sommes une oasis de pureté à préserver contre la corruption extérieure.  Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme; mais ce qui sort de la bouche, c'est ce qui souille l'homme. 
Avant de voir les conséquences d'un tel renversement de perspective, une petite mise au point. Si Jésus rejette l'idée d'un homme perverti par ce qui l'entoure, il ne fait pas non plus partie de ceux qui voient l'homme comme source de tous les maux. C'est aussi un discours que l'on entend parfois : d'une lecture fondamentaliste de la Genèse qui voit dans la faute d'Adam et Ève la cause de tous ce qui ne va pas dans la création à un certain discours éco-intégriste : l'homme, seul animal destructeur, cancer de la planète qui abîme tout ce qu'il touche. Jésus ne dit rien de cela. Il ne dit pas "ce n'est pas le monde qui souille l'homme, mais l'homme qui souille le monde", il dit  "l'homme se souille lui-même".
Discours culpabilisant ? Je ne crois pas. En tout cas, moins que celui qui consiste à affirmer que c'est à nous de résister au mal qui nous entoure. En effet, dans ce cas-là, nous ne pouvons que nous en prendre à nous  même de notre échec.
Discours dévalorisant ? Sans aucun doute. En tout cas, profonde remise en cause de nos valeurs.
Discours démotivant ? En fait, je ne crois pas. En effet, si je cesse de me considérer comme une forteresse à défendre, je peux abattre les murs que j'ai dressé entre moi et les autres. Je peux rencontrer à corps perdu ce monde qui m'entoure, sans craindre qu'il me souille ou m'abîme. Je peux l'aimer à fond et m'engager sans réserve sur cette voie d'amour que Dieu veut pour moi. Un amour qui ne se paie pas de grandes déclarations mais qui conduit chacun de nos actes.
Mais, me direz-vous, comment ce coeur d'où  sortent raisonnements mauvais, meurtres, adultères, inconduite sexuelle, vols, faux témoignages, blasphèmes pourrait-il aimer ? Eh bien, si c'est en l'homme qu'est la souillure de l'homme, nous ne pouvons ni nous protéger, ni nous guérir nous-même. C'est donc vers un médecin extérieur qu'il nous faut nous tourner. Tout orgueil s'effondre : je ne peux compter sur moi-même.
Et puis, rappelons nous que pour cet humain qui se souille lui-même, Jésus Christ à tout donné, s'est donné lui-même. Toute peur s'efface : tel que je suis Dieu m'aime, inconditionnellement.

Frères et sœurs, vous pouvez, bien sûr, vous laver les mains avant de passer à table mais, soyez en certain, rien de ce qui est dans ce monde ne peut vous corrompre. Notre souillure est en nous, et elle n'a pu nous faire perdre l'amour de notre Père. Que cet amour nous inonde et qu'il transforme notre cœur .
Amen

Rédigé par Eric George

Publié dans #Bible

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D
Bonjour ÉricJe viens de voir le titre du débat à votre café biblique le 24 sept. prochain.  Je viens de publier sur mon blog un article sur le sujet écrit par le théologien catholique et sociologie Jacques Grand Maison. Je crois que ça pourrait vous intéresser. Au Québec, la question de la laïcité est un sujet très chaud de ce temps-ci.http://leblogdunparpaillot.blogspot.com/2007/09/lacit-dsirereligions-au-placard.html
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