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Quand tombent des barrières...

Prédication du dimanche 7 octobre 07
Joël II, 18 à 27
Philippiens IV, 6 à 20
Cantique 523
Jean IV, 31 à 42

Entre le repas, dont le pain est souvent un élément essentiel et la moisson, le texte de ce matin nous conduit dans la métaphore céréalière. Pour bien comprendre ces deux métaphores, il faut garder à l’esprit que ce discours aux disciples vient conclure la rencontre avec la samaritaine. Et cette conclusion vient affirmer tous les renversements qui s’opèrent lors de cette rencontre scandaleuse entre un homme et une femme à côté d’un puit… Renversement de notre image de Dieu, renversement des frontières qui séparent les hommes et renversement également des barrières du temps.

«Ma nourriture c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir ses œuvres ». Premier renversement est dans ce « Ma nourriture c’est de faire ». D’ordinaire, la nourriture c’est ce qu’on reçoit, ce qui vient en nous, ce qu’on absorbe. Et voici que pour Jésus, la nourriture, c’est faire. Le mouvement est donc inversé, « vers» devient « de ». Et en cela, Jésus peut dire que c’est une nourriture que « nous ne connaissons pas ». Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas donner mais, nous, nous avons aussi besoin de recevoir. L’homme ne vivra pas de pain seulement mais de toute parole qui sortira de la bouche de Dieu. Vivre de la parole c’est bien sûr la mettre en pratique, mais pour nous, le pain et la parole sont deux aliments complémentaires, tous les diététiciens vous le diront il faut manger équilibrer. Mais avant de voir comment nous pouvons vivre de cette parole mise en pratique, je crois important de souligner que, dans ce passage, pour Jésus, la volonté de Dieu mise en pratique se passe du pain. Le mouvement « de » remplace le mouvement « vers ». C’est important car cela nous dit quelque chose de celui que nous adorons, le Dieu qui se révèle en Jésus Christ est un Dieu qui se nourrit en donnant, c’est donc un Dieu qui se passe de nos sacrifices, de nos offrandes, c’est un Dieu qui n’a pas besoin que nous assouvissions sa faim mais c’est au contraire un Dieu qui se donne pour nous. Au contraire des dieux que se fabriquent les hommes, au contraire de ces dieux qui ont faim et soif et qui servent de prétexte à toutes les exploitations, notre Dieu ne reçoit pas, il donne…
« Ma nourriture c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir ses œuvres »  Et dans ce « faire la volonté  de Dieu », il y a aussi une sorte de renversement. Qu’est ce que  « faire la volonté de Dieu » ? Respecter sa loi et ses commandements, obéir à toutes sortes de prescriptions religieuses aurait sans doute répondu un contemporain de Jésus. Il aurait ajouté, c’est aussi nous porter au secours de notre prochain, lui venir en aide. Et je crois que cette réponse n’est pas si éloignée de ce que pourrait être la nôtre. Mais si je relis le texte de la samaritaine, il n’est pas question de prescription religieuse et Jésus n’a ici guéri personne, c’est d’ailleurs lui qui a commencé par demander de l’aide. Alors, dans cette rencontre, quelle est la volonté de Dieu qui a été accomplie par Jésus ? C’est le renversement de trois barrières. Première barrière qui tombe, dans la société de Jésus, un homme ne parle pas à une femme seule. Deuxième barrière qui tombe : un juif ne fricote pas avec les samaritains. Troisième barrière qui tombe, un homme de Dieu ne se commet pas avec une femme de mauvaise vie (la samaritaine a eu 5 maris et vit à présent avec un homme qui n’est pas son mari). Et ces trois barrières tombées permettent à une femme de retrouver toute sa dignité « Il m’a dit tout ce que j’avais fait », n’est pas l’angoisse du coupable percé à jour mais le signe que le messie attendu s’est manifesté à celle que la morale d’une époque condamnait… Faire la volonté de Dieu c’est donc aussi renverser les barrières et les tabous et rendre à chaque homme, à chaque femme sa dignité d’enfant de Dieu.
Osons-nous le faire suffisamment ? Osons-nous aller au-delà de nos propres barrières, de nos propres tabous ? Osons-nous prendre le risque d’être traités de libertins et de débauchés ? D’être accusé de ratisser large ? Osons-nous nous tourner vers nos contemporains, pouvoir leur parler d’eux sans jugement, sans condamnation, afin que sans plus rien avoir à cacher, ils sachent que le Dieu d’amour vient jusqu’à eux ?

Or faire cette volonté, briser des tabous produit du fruit : les samaritains reconnaissent : « Nous savons qu’il est le sauveur du monde. » Jésus peut donc dire « déjà les champs sont blancs pour la moisson ». Je sais bien que nous avons souvent de la peine de voir qu’elle arrive cette moisson du royaume. Si aux moins, comme les disciples, nous voyions se convertir en masse les samaritains, les exclus de notre temps, peut-être serait-ce plus facile. Mais décidément dont l’heure est venue depuis 2000 ans et qui n’arrive toujours pas a de quoi émousser notre espérance…
C’est un peu curieux, de passer ainsi de la nourriture à la moisson ? Le déroulement normal, c’est plutôt, du champs de blé jusqu’à notre assiette et non pas de l’assiette au champs de blé, il y a ici un renversement chronologique introduit par cette inversion mais prolongé par cette phrase mystérieuse : afin que celui qui sème et celui qui moissonne se réjouissent ensemble. Curieuse, cette réjouissance commune alors que Jésus a bien insisté sur la différence entre le semeur et le moissonneur. Il y a sans doute ici une allusion à Jean le Baptiste, le semeur, contemporain de Jésus, le moissonneur. Mais, je crois que cette explosion du temps, ce moment où se confondent le passé, le présent et le futur avec les retrouvailles du semeur et du moissonneur va bien plus loin. Elle nous dit aussi cette tension du Royaume dans laquelle nous vivons, ce « déjà accompli », « déjà là » et « pas encore » qu’il nous faut tenir tout ensemble. En effet nous croyons que Jésus Christ a sauvé l’humanité et nous croyons que son Royaume adviendra, pleinement manifeste et nous devons vivre cela aujourd’hui. Cette explosion du temps ne signifie pas une fuite hors du temps, c’est précisément le contraire. Nous vivons d’un événement passé, en vue d’un événement futur mais fermement ancrés dans notre présent. En fait, l’évocation de ce qui est accompli et de ce qui est à venir nous entraîne à ne pas laisser le présent nous désespérer ou nous engloutir. D’un autre côté, l’appel à vivre la présence de Dieu au quotidien, nous invite à ne pas nous enfermer dans un continuel regret de ce bon temps que nous n’avons pas connu où Jésus marchait sur les routes de Palestine et à ne pas non plus nous projeter sans cesse dans ce royaume à venir. Cette explosion du temps nous permet d’être réellement présent au temps présent, présent au monde qui nous entoure sans être esclave de ses lois et de ses règles ? Nous pouvons saisir le jour mais nous ne nous laisserons pas saisir par lui…

Frères et sœurs, en venant à nous, Jésus rend toute rencontre possible, il abat toute barrière et c’est maintenant que nous pouvons vivre cette liberté. Ce vieux monde est-il prêt pour dépasser le jugement et l’exclusion ? Sommes nous prêts pour bénéficier des fruits que nous n’avons pas planté ? Levez les yeux, et regardez les champs qui déjà blanchissent pour la moisson.

Amen

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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