Sortie de prison

Publié le 4 Novembre 2007

portes-ouvertes-barreaux07.gifPrédication du dimanche  4 novembre 2007
Dimanche de l’Église persécutée
Actes XII 1 à 19
I corinthiens XII 12 à 26

La Chine se prépare activement aux Jeux Olympiques. Alors que l’on ne peut que se réjouir du progrès de la liberté dans ce pays, c’est précisément là que l’association « Portes ouvertes » (dont le but est de veiller à ce que les chrétiens persécutés ne soient pas oubliés mais soutenus par les prières de toute l’Église) a décidé de porter ces regards…
La délivrance de Pierre nous permet ce matin d’évoquer la persécution des chrétiens, le devoir de l’Église toute entière face à ses persécutions et les difficulté inhérentes à ce devoir.

Dans le livre des Actes, Luc emprunte assez largement à un genre littéraire bien connu depuis l’antiquité, les évasions miraculeuses. Ces emprunts s'explique assez facilement. Tout  en racontant les commencements de l'Église, Luc  est confronté à une  réalité douloureuse et choquante : la persécution des chrétiens. Nous, nous  connaissons l'histoire, et les persécutions font partie du tableau des premiers pas du christianisme. C'est même bien souvent un des aspects que nous connaissons le mieux.  Mais pour les premiers chrétiens ces persécutions sont surprenantes ! Comment se peut-il que les disciples de celui qui a vaincu la mort soient mis à mort ? Comment se peut-il qu’ils soient arrêtés, emprisonnés, persécutés alors que le Messie leur a promis d’être toujours avec eux ? Luc n’explique pas vraiment les persécutions mais avec les récits d’évasions du livre des Actes, il réaffirme aux chrétiens persécutés la présence de Dieu à leur côté. C’est d’ailleurs flagrant dans le récit que nous avons lu ce matin : à bien des égards, l’évasion de Pierre rappelle la Passion du Christ. Tout se passe de nuit, pendant la fête des pains sans levain, le « méchant » porte le même nom qu’un autre méchant bien connu: Hérode que Luc associe d’ailleurs à la mort de Jésus. Bref, le lecteur ne peut pas ne pas associer l’arrestation et la délivrance de Pierre à la mort et à la résurrection de Jésus. Et comme il ne peut pas ne pas associer cette arrestation de Pierre aux persécutions dont il est témoins, face aux persécutions, ce récit lui rappelle la passion. Pourtant, Luc a l’intelligence de conserver des différences importantes entre l’arrestation de Pierre et la mort de Jésus. En effet, il n’est pas question de faire de l’arrestation et de la libération de Pierre une nouvelle pâque chrétienne. Luc est très clair avec ses lecteurs : Pierre n’est pas Jésus et son arrestation et sa délivrance n’ont pas la valeur salvatrice de la mort et de la résurrection du Christ. Et contrairement à Jésus, Pierre ne va pas au bout de sa passion. Ainsi, tout en rappelant aux chrétiens persécutés que Jésus, le Christ, ne les abandonne pas dans ces épreuves, qu’il est lui-même passé par là, il précise également que la persécution ne vient pas reproduire ce qui a été accompli par la crucifixion. En effet, tout en réaffirmant aux chrétiens que les persécutions dont ils souffrent ne sont pas la preuve que Dieu les a abandonné, Luc ne va pas jusqu’à dire que la douleur est rédemptrice ou que le vrai croyant est celui que l’on persécute. Les persécutions existent, elles sont une catastrophes mais elles ne doivent pas décourager les croyants.

Mais ce long préambule laisse le texte bien loin de nous en ce paisible dimanche matin… Pour nous qui vivons si loin des persécutions, ce texte peut-il être autre chose qu'une de ces belles histoires de la Bible, ou encore  un indice sur la psychologie des premiers chrétiens ? Peut-être, tout au plus, le témoignage d'espérance venu de temps troublés…
Pourtant, au-delà de cette délivrance miraculeuse, il y a un enseignement direct pour nous : c’est cette prière fervente de la communauté pour Pierre. Paul nous pousse a y voir moins l'anxiété d'un groupe privé de son chef qu’une réelle solidarité : « quand un membre souffre, tous les membres souffrent ». Or, même si ici, nous ne sommes plus persécutés, nous avons encore bien des Pierre qui sont en prison à cause de leur foi : Pierre, c’est le pasteur Cai Zhuohua qui préparait les Jeux Olympique en cousant des ballons à la main à longueur de journée. Il avait été condamné à 3 ans de rééducation par le travail pour avoir imprimé des bibles sans autorisation. Il a été libéré le 10 septembre 2007 mais toute participation à une activité religieuse lui est interdite. Pierre, c’est Zhong Rangliang, pasteur, condamné à 7 ans et demi d’emprisonnement, Pierre, c’est Zan Aizong qui a perdu son emplois de journaliste parce qu’il avait dénoncé les violences policières contre les chrétiens en Chine…  En Chine comme ailleurs,c’est tant d’autres dont nous ignorons les noms. Et pourtant, ils sont nos Pierre, nos frères, nos sœurs, nos amis… Nous avons besoin de leurs témoignages, nous avons besoin de les savoir libres, parce que tant qu’ils sont dans les chaînes, nous sommes emprisonnés avec eux nous formons un corps et nous ne sommes pas des loups pour ronger la patte prise au piège… Il y a une ironie symptomatique dans ce texte : Pierre n’a pas été arrêté par les portes de sa cellule, mais la porte de sa communauté lui reste fermée… Bien sûr c’est un aspect presque burlesque du récit que ce malheureux Pierre, oublié dehors en attendant qu’on veuille bien lui ouvrir… Mais c’est aussi un rappel :Dieu peut ouvrir les portes des cellules, mais les portes de nos communautés restent parfois désespérément closes. Nos frères et nos sœurs sont arrêtés à cause de cette foi qui nous rassemble, veillons à ne pas ajouter aux murs de leur prisons, le mur de notre oubli, de notre silence, de notre résignation. Dieu peut ouvrir les portes de nos cellules, c’est à nous d’ouvrir les portes de nos communautés. Nos frères et nos sœurs ont besoin de nous.
Parce que nous sommes libres de parler, ils ont besoin de notre parole, besoin de notre prière : la prière ardente de l’Église monte sans relâche vers Dieu à l’intention de tous les chrétiens qui sont emprisonnés à cause de leur foi…

Or, bien plus que l’ignorance ou la paresse, en tant que protestants réformés, le principal obstacle à notre prière fervente c’est le découragement. En effet, cette prière nous semble bien peu et nous avons de la peine à imaginer que cela puisse réellement changer les choses. Du coup, persuadé de cette inefficacité, nous cessons de prier, laissant à d’autres assemblées, plus convaincues de l’efficacité immédiates de la prières, peut-être plus naïves, le soin de cette prière fervente… Après tout, peut-être est-ce plus facile pour eux… Peut-être sont-ils en cela plus proche des premières communautés chrétiennes pour qui signes et miracles étaient monnaie courante à en croire le livre des Actes… Pourtant, le récit que nous avons entendu ce matin montre le contraire. Personne ne semble croire réellement à cette délivrance. Quand Pierre arrive dans la maison de Marc, on le laisse dehors et l’on croit plus facilement à son fantôme ou à une apparition qu’à son évasion… Si la communauté priait avec ferveur pour pierre, elle n’était pas moins réaliste que nous ne le sommes et ne croyait pas, une seconde, à la possibilité de cette libération... D’ailleurs, Pierre lui-même vit sa sortie de prison comme un songe. Il semble être le premier surpris de se retrouver dehors… Cela devrait nous conduire à prier plus facilement. En effet, on ne prie pas comme on prononce une formule magique, nul besoin d’être certain d’être exaucé pour prier. Mais Paul nous le rappelle nous sommes un corps et quand un des membres est blessé, tous souffrent. Que fait un corps blessé ? Il prie…

Eh bien, frères et sœurs, que notre prière soit le cri de l’Église quand les notres sont blessés, emprisonnés, maltraités… Et puisse-t-elle devenir le rire et la danse de l’Église quand les nôtres seront libérés…

Amen

Rédigé par Eric George

Publié dans #Bible

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