Dans la fournaise

Publié le 13 Janvier 2008

fournaise.jpgPrédication du 13 janvier 2008
Daniel III ; 1 à 30
Marc XIII 9 à 11
II Corinthiens I 2 à 4

 Il y a trois éléments de ce récit que nous venons d’entendre sur lesquels je voudrais que nous nous arrêtions ce matin. En premier lieu nous devrions nous pencher un peu sur les «méchants » de ce récit, puis nous interroger sur l’absence de Daniel, enfin, nous pourrons voir le message principal de cet épisode.

    Nabuchodonosor devint furieux et il perdit toute patience à l’égard de Chadrac, Méchak et Abed Nego. Il ordonna qu’on chauffe la fournaise sept fois plus que d’habitude et qu’on les jette dedans (Daniel III ; 19). Ici, la fureur de Nabuchodonosor est destructrice, à tel point qu’elle se retourne contre ses propres serviteurs : les gardes qui jettent les trois jeunes gens dans la fournaise sont tués par les flammes.
    Cette sauvagerie ne peut pas être prise comme un simple élément du récit et de son déroulement dramatique. Bien sûr que la cruauté de Nabuchodonosor  va permettre l’intervention de Dieu et provoquer le message du récit. Cependant cet épisode du roi cruel ordonnant que des juifs soient jetés au four ne peut pas ne pas nous rappeler ce qui fut sans doute l’un des épisodes les plus atroces de notre histoire. Surtout que dans son horreur, l’Histoire a bégayé, l’extermination qui eut lieu sous Hitler se répéta sous Staline.
    Mais je ne veux pas ce matin m’étendre sur l’histoire ou l’actualité de l’antisémitisme et de la barbarie qui l’accompagne toujours. Ce matin, je veux avoir le courage de me reconnaître en Nabuchodonosor, en ce roi qui décide dans sa fureur de brûler ceux qui sont différents, ceux qui refusent de se plier à sa loi. Ce matin je veux prendre conscience que ce visage de l’intolérance, de la colère, de la barbarie et de la destruction d’autrui est trop souvent le mien. Je sais bien, je ne suis ni Hitler, ni Staline, je ne suis pas un monstre mais je sais bien aussi combien je suis prompt à condamner et rejeter ce qui est différent, ce qui ne s’incline pas devant mon idée, devant ma compréhension. Ce matin, je veux me reconnaître en Nabuchodonosor, être épouvanté par ce masque de fureur et de sauvagerie que je porte parfois et, avec l’aide de Dieu, rejeter ce masque à tout jamais. Ce matin je veux me reconnaître en Nabuchodonosor et me rendre compte que la conversion, le retournement de soi est toujours possible. En effet, dans l’action de grâce de Nabuchodonosor, je veux entendre la promesse que la conversion, le changement de cœur est toujours possible…

 Face à cette cruauté de Nabuchodonosor, trois hommes. Ils ne sont pas anonymes, ils ont des noms mais ils ne sont pas connus. Faites un essai, demander à quelqu’un qui connaît bien la Bible s’il a entendu parler de Chadrac, Méchak ou Abed Nego (si vous lui parlez des trois, cela risque de lui mettre la puce à l’oreille), il y a de fortes chances pour qu’il ne voie pas de qui il s’agit. Si vous lui dites : les compagnons de Daniel, il s’écriera : « Mais, bien sûr ! ».
Et pourtant, dans ce récit de la fournaise, Daniel n’apparaît pas. Seuls ses trois compagnons, ses trois « faire-valoir », subissent cet épisode.
    Eh bien ! je trouve cette absence de Daniel éloquente. En effet, le risque des midrashim (légendes juive dont le livre de Daniel est un bon exemple) c’est qu’on perde de vue que le héros est un représentant du peuple tout entier. En effet, les qualités dont Daniel fait preuve sont tellement grandes que l’on a du mal à s’identifier à lui. Daniel, c’est le héros et nous ne pouvons que soupirer : « Il nous en faudrait plus comme lui ». Et le récit produit le contraire de ce pour quoi il est fait. Le but, n’est pas que nous nous tournions vers Daniel en acclamant ses exploits mais bien vers Dieu en reconnaissant son œuvre.
    C’est justement pour cela que dans cet épisode, Daniel n’intervient pas. Dieu n’est pas réservé à quelques-uns, aux héros ou aux saints, il est également auprès des seconds rôles, ceux sur lesquels la postérité ne parviendra jamais à mettre un nom.
    Ce texte nous affirme donc que même si nous nous sentons dans l’obscurité, bien loin des feux de la rampe, même si nous ne faisons pas partie des « stars » du peuple chrétien, ni même de notre communauté locale, nous n’en sommes pas moins aimés de Dieu. Dieu est auprès de tous, des héros, des personnalités comme des obscurs… C’est ce que l’absence de Daniel dans ce récit nous rappelle…

    Dieu est auprès de tous… Voici donc le message principal de ce texte. Livrés à la colère de Nabuchodonosor, jetés dans la fournaise, Chadrac, Méchak et Abed Nego ne sont pas seul mais Dieu les accompagne…
    Ici, bien sûr, nous sommes dans le récit légendaire… N’allez pas vous jeter dans le feu dans l’espoir d’en ressortir indemne parce que Dieu est avec vous. Plus sérieusement, ne vous étonnez pas que ce récit ne corresponde pas trait pour trait à notre réalité. Chadrac et ses compagnons sortent de la fournaise sans aucune marque. Ce n’est pas notre cas, nous ne sortons jamais sans traces, sans brûlures, des fournaises dans lesquels nous tombons. Nous souffrons et nous luttons dans ces fournaises et bien souvent, nous n’y voyons pas de traces d’une quelconque présence divine. Cela ne signifie pas que, contrairement à Chadrac, Méchak et Abed Nego, nous soyons abandonnés de Dieu.
    Simplement, je crois qu’il y a deux aspects de ce récit que nous devons garder. Dieu est auprès de ceux qui sont dans la fournaise et eux ne le voient pas forcément.
    En effet, dans ce texte, rien ne dit que les trois jeunes gens voient le quatrième, c’est Nabuchodonosor qui, de l’extérieur, voit ce quatrième à l’aspect divin. Dieu est donc avec nous dans la fournaise sans que nous en prenions forcément conscience. Mais il n’est pas le Dieu talisman, le Dieu qui nous préserve de tout mal. Il est le Dieu de Jésus Christ, le Dieu crucifié qui lutte et souffre avec nous. Le Dieu qui ne peut nous épargner la souffrance mais qui nous promet l’avenir, qui, malgré le mal donne un sens à notre vie. Le Dieu qui nous promet que le jour vient ou le mal et la mort seront vaincus.

    Aussi, frères et sœurs, qu’aucune fournaise ne nous fasse désespérer. Ni celles que nous allumons, Nabuchodonosor lui-même finit par rendre grâce à Dieu, ni celles dans lesquels nous tombons. Car Dieu est à nos côtés, et s’il n’est pas le Dieu tout puissant qui nous empêche de souffrir, il est le Dieu de la vie qui nous promet un avenir, il est le Dieu d’amour qui nous annonce son royaume.

            Amen

Rédigé par Eric George

Publié dans #Bible

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
  Dans le livre de Daniel quand le roi Nabuchodonosor reconnaît la toute puissance de Dieu dans Daniel 4 v 34 peut-on parler d'un salut pour le roi Nabuchodonosor ou d'une conversIon ?
Répondre
E
<br /> Il me semble qu'ici il s'agit seuement d'une reconnaissance : la converison implique un changement radical de perspective...<br /> <br /> <br />