Y a-t-il un salut pour les salauds ?

Publié le 14 Janvier 2008

salutsalaud.jpgÉtrange compilation que celle de ce livre : on aura du mal à trouver un fil conducteur réunissant les questions traitées. En fait, c'est un peu comme si Houziaux avait rassemblé ses copains et leur avait demandé à chacun d'écrire un papier sur quelques  sujets de leur choix. Le tout donne une certaine impression de capharnaüm qui n'est pas pour me déplaire. Mais qu'y a-t-il dans ce capharnaüm ?

Y a-t-il un salut pour les salauds ? (L. Pernot)
Peut-être la question la plus essentielle de l'ouvrage, peut-être la conclusion avec laquelle je suis le plus d'accord, et pourtant, c'est sans doute l'article qui m'a le moins convaincu. En effet, si je pense volontiers que "tout le monde est sauvé mais pas de la même manière" et que "si Dieu sauve l'infâme ne sauve pas son infamie" et s'il n'est  pas inintéressant de recenser les différentes approches du salut par grâce, "ce n'est pas admissible aujourd'hui" ne me paraît pas être l'argument le plus percutant pour réfuter une compréhension. Beaucoup d'aspects de l'Evangile ne sont pas admissibles aujourd'hui comme hier, le salut gratuit en fait d'ailleurs partie...
La Bible est-elle parole de Dieu ? (A. Houziaux)
Une bonne présentation de ce qu'est la Bible et des approches catholique et protestante de celle-ci.
Adam et Eve ont-ils eu raison de croquer la pomme ? (A. Houziaux)
Le chapitre III de la Genèse lu comme un récit d'heureuse émancipation. Pourquoi pas ? Sauf que du coup, le texte s'en trouve réduit à sa dimension de récit des origines et que je ne vois plus très bien en quoi il nous parle aujourd'hui. Heureusement qu'il y a la conclusion sur le péché originel.
Si Dieu est bon, pourquoi le mal ? (A. Houziaux)
Une explication du mal qui repose très largement sur la théologie du Process et la notion d'un tohu-bohu originel.
Peut-on être chrétien sans avoir la foi ? (L. Gagnebin)
D'ordinaire, je me retrouve assez dans la pensée de L. Gagnebin, mais là j'ai un peu de mal. Tout d'abord, je regrette que le constat de départ (ceux dont Jésus admirait la foi étaient loin de souscrire à un catéchisme orthodoxe) soit si peu exploité et même, me semble-t-il, contredit par la deuxième partie du texte. En effet pour Gagnebin, le christianisme s'inscrit dans un faire plus que dans un croire. Or, je ne vois pas de quel faire peuvent se revendiquer Bartimée, l'hémorroïsse ou l'officier romain. Et puis, l'amour du prochain n'est pas plus propre au christianisme que les miracles, le christianisme social me parait soluble dans l'humanisme... Bref si j'affirme volontiers avec Gagnebin que la foi chrétienne n'est pas l'adhésion à un ensemble de dogme, je n'en reste pas moins convaincu que l'essence du christianisme est dans la confiance en une personne plus que dans une pratique.
Jésus était-il un simple prophète ? (L. Gagnebin)
Une belle revalorisation du terme "prophète" mais le titre est un peu abusif : Gagnebin affirme au détour d'une phrase que Jésus est plus qu'un simple prophète mais sans vraiment développer.
Y a-t-il une vérité ? (A. Gounelle)
A partir de aletheia, le savoir grec et emet, la conviction hébraïque, une très belle réflexion sur Jean XIV, 6. Jésus Christ comme vérité qui met en mouvement et donne la vie.
Faut-il encore parler de "résurrection" ? (L. Gagnebin).
Tout en reconnaissant que l'idée d'immortalité de l'âme est présente dans la bible au côté de celle de résurrection, Gagnebin défend l'hérésie (au sens de choix) contre le concordisme littéraliste et revendique la résurrection comme témoignage des limites humaines. C'est avec joie que je reprends mes vieilles habitudes : être d'accord avec mon professeur...
Faut-il croire en la réincarnation ?  (A. Gounelle)
Derrière cette assez mauvaise question se cache une présentation brève du bouddhisme. Ici, Gounelle fait ce qu'il fait le mieux : présenter une pensée de manière claire, concise et riche. Un grand moment de pédagogie.
Perdre la foi, est-ce grave ? (A. Houziaux)
Aïe ! Celui-ci, je vais avoir du mal à le commenter. D'abord parce qu'il traite de la foi de manière un peu trop générale. Bien sûr, il fait la distinction entre la foi-croyance, la foi-moteur. Mais quand même, mettre sur le même plan la foi qui anime le médecin sans frontière et la foi du chrétien, ça me semble un peu étrange. En fait, je pense que la foi, encore moins que l'amour, ne peut se définir indépendamment de son objet). Ensuite à cause du parti pris délibéré de ne pas s'interroger sur la question "perdre sa foi" est-ce une offense à la vérité. Je ne prétends pas avoir de réponse mais je trouve que la question est pertinente en christianisme. Enfin, parce qu'Houziaux ne s'interroge pas non plus sur les causes possibles de cette perte de foi... Bref, l'article me semble parler ici d'une réalité qui n'est pas la mienne et qui est trop diffuse pour me permettre de réellement prendre position sur la question.
Ëtre chrétien sans être pratiquant ou sans Eglise est-ce possible ? (L. Pernot)
Ici la pratique religieuse est à prendre au sens commun et discutable d'être membre d'une communauté et d'aller au culte. La communauté comme lieu d'accueil, d'encouragement et de remise en question. D'accord; Forcément d'accord...
Que peut nous apprendre l'évangile apocryphe de Thomas ? (L. Pernot)
D'abord une présentation de l'évangile de Thomas, un apocryphe certainement ancien, présenté comme un recueil de paroles de Jésus fortement teinté de gnose. Alors bien sûr, il a un intérêt et certaines paroles comme la parabole des enfants dans le champs sont très belles. Néanmoins, je ne comprend pas très bien la conclusion de Pernot : "il serait dommage de s'en priver à cause d'une conception étroite du canon". Que l'on puisse trouver un intérêt théologique à des textes hors canon, ça se fait depuis toujours, y compris dans le protestantisme mais faut-il inclure l'évangile selon Thomas toiletté de ses résonances gnostique dans le canon. Il me semble que ce serait aller contre l'esprit du canon dont la grande force a été justement de garder des textes entiers et non pas des textes amputés de ce qui pouvait gêner l'Eglise de l'époque...
L'athéisme est-il une menace pour la foi ? (L. Gagnebin)
Une intéressante réflexion sur le dialogue des chrétiens avec un athéisme qui est passé de combat engagé contre la religion à une espèce d'atmosphère ambiante. D'accord avec Gagnebin pour dire qu'un athéisme "de combat" est bien plus stimulant pour le croyant (à condition que cet athéisme s'accompagne d'honnêteté intellectuelle, ce qui exclut l’athéologie) que l'athéisme résigné. D'accord aussi pour dire que la vraie menace pour la foi se situe bien plus chez les croyants que chez les athées...
Toutes les religions se valent-elles ? (A. Gounelle)
Une bonne présentation de trois manières de concevoir les religions dans le christianisme. Entre l'exclusivisme (seul l'Evangile de Jésus Christ, révélation et non pas religion, est vrai et les religions (y compris les religions chrétiennes) ne sont que constructions humaines et donc fausses)  l'inclusivisme ( le christianisme recèle la vérité que cherchent toutes les religions, il en est donc l'aboutissement) et le pluralisme (toutes les religions y compris la chrétienne témoigne d'une vérité partielle, il faut donc qu'elles s'écoutent mutuellement), Gounelle semble préférer la troisième voie, le pluralisme. Pour ma part, je pense que je reste plutôt dans l'exclusivisme (en distinguant clairement le message de Jésus Christ et nos christianismes)
A-t-on encore besoin d'une religion? (A. Gounelle)
Un dernier beau moment de pédagogie : en décomposant la question et en montrant ce qu'en implique chaque terme, Gounelle nous offre un beau plaidoyer pour des religions qui ne se vivent pas dans l'utilitaire mais dans l'existentiel et qui renoncent à exercer un pouvoir pour se mettre au service...

Voilà, la plupart des articles font réagir, pas toujours positivement. Mais c'est ce que j'attends en général d'un livre de théologie. Oh, j'oubliais, ça me semble assez libre de tout jargon théologique...

Collectif sous la direction d'Alain Houziaux. Y a-t-il un salut pour les salauds. Ed : Les empêcheurs de penser en rond.
 

Rédigé par Eric George

Publié dans #Théolivres

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T
Or, je ne vois pas de quel faire peuvent se revendiquer Bartimée, l'hémorroïsse ou l'officier romain....ah, si, enfin pour Bartimée il faut que je vérifie, mais sinon, oui : du faire confiance !(enfin, vu ce que vous en dites, apparemment ce n'est justement pas de ce faire à que parle le livre - mais je trouvais justement intéressants ces exemples qui nous montrent qu'il y a, à la base, le faire confiance - à Dieu.)(oui, bon, justement, ce n'est pas du "faire", oui...)Quant aux différentes façons de voir le liens entre les différentes religions, je dois dire que "l'inclusivisme", présenté comme ça, me parle assez... ...le christianisme aboutissement de toute religion, oui, pourquoi pas ? (mais alors, sans mettre de côté ce qui du coup est erreur dans ces mêmes autre systèmes de pensée...) ...Tolkien voyait dans la révélation, d'une certaine manière, l'accomplissement des mythes anciens, dans certaines de leurs intuitions vraies - ce qui implique "pas toutes". à creuser.
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E
Pour le faire confiance, je serais assez d'accord, mais justement ce n'est pas exactement de ce type de "faire" que parle l'article de Gagnebin qui est plus branché sur le christianisme social.