Pardon
Publié le 25 Janvier 2006
Semaine de l'unité
Méditation à Bernay
Le pardon n'est pas vraiment un thème à la mode dans nos sociétés : on parle volontier de tolérance, de respect, on trouve des explications, voire des excuses. Mais le pardon est rarement évoqué. C'est un peu comme si cette idée restait l'apanage des religions.
Mais même dans nos Églises, le pardon n'est pas toujour un sujet facile à aborder. Nous parlons volontier du pardon qui nous vient de Dieu mais sur le pardon entre frères, nous sommes plus mal à l'aise. Et ce, pour deux raisons. Par modestie tout d'abord "qui suis-je pour pardonner ?". Et puis aussi, reconnaissons le, parce que pardonner, c'est difficile. Pardonner, tout comme aimer, est un verbe qui supporte mal l'impératif... Ces deux réticence vis à vis de l'exigence du pardon sont tout à fait valables : nous ne sommes pas Dieu pour pardonner les péchés et nous ne pouvons pas pardonner sur commande...
Alors, voyons d'un peu plus près cet enseignement sur le pardon...
Premier constat : il n'est question nulle part dans ce texte d'exigence. "Combien de fois pardonnerai-je" demande Pierre. Nous avons pris l'habitude de comprendre "Combien de fois dois-je pardonner" mais on peut lire également "Combien de fois puis-je pardonner" Dès lors la réponse de Jésus : "Non pas 7 fois mais 70 fois cette fois" (c'est à dire à chaque fois) prend un tout autre éclairage. Nous passons d'une exigence insurmontable (il faut que tu pardonnes) à une promesse (Tu pourras pardonner.) Et cette promesse est une promesse de guérison. En effet, lorsque je pardonne, je me libère du mal qui m'a été infligé. Tant que je ne pardonne pas, je ressasse ma blessure, comme une croûte qu'on arracherait sans cesse sans jamais la laisser sécher. Jésus nous le promet, nous pouvons dorénavant laisser cicatriser nos blessures. Le pardon ne nous est pas ordonné, il nous est donné comme un moyen de guérison.
Ce pardon qui nous guérit m'amène à un deuxième constat : nous ne pouvons pardonner que les blessures que nous avons subies. « Quand mon frère aura péché contre moi » dit Pierre… Bref, notre pardon ne se confond pas avec celui de Dieu, il ne nous appartient pas de pardonner tous les péchés. C’est bien les blessures qui m’ont été faites personnellement que je peux pardonner. Certes, cela n’empêche pas la compassion, le fait de souffrir de la souffrance de l’autre mais en n’aucun cas je ne peux pardonner à la place de la victime. C’est important à rappeler dans notre semaine de l’unité. Il ne m’appartient pas de pardonner à l’Église catholique romaine les exactions de la Saint Barthélemy. Il n’appartient pas à l’Église catholique romaine de pardonner ou de ne pas pardonner certaines décisions prises par les Églises protestantes. Ne volons pas aux victimes le droit de pardonner, d’être libérées du mal qu’elles sont subit. Et surtout ne leur présentons pas ce pardon comme une exigence qui les culpabiliserait. Le pardon, notre pardon est un acte de libération, de guérison.
Enfin, un dernier constat : le pardon ici n’implique pas le repentir. Pierre ne pose pas de condition quant à l’attitude du frère. C’est doublement normal. D’abord puisque le pardon est ici une question de guérison, heureusement que je puis pardonner à celui ou celle qui m’a fait du mal sans être pour autant à la merci de son éventuelle repentance… Et puis la plus célèbre phrase de pardon chrétien n’est-elle pas : « Père, pardonne-leur ils ne savent pas ce qu’ils font ». En pardonnant à celui qui ne se repent pas, je montre mon absolue liberté vis à vis de lui. Cette liberté, cette guérison c’est le cadeau que Christ nous fait en nous donnant la force de pardonner non pas seulement 7 fois mais 70 fois 7 fois. C’est à dire systématiquement…