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Parlez moi d'amour

Prédication du 26 février 2006

Osée I, 1 à 9 et II, 16 à 22

Matthieu XIX, 3 à 12

Car il y a des eunuques qui le sont depuis le ventre de leur mère, il y en a qui le sont devenus par le fait des gens, et il y en a qui se sont rendus eux–mêmes eunuques à cause du règne des cieux. Que celui qui peut comprendre comprenne !

Facile à dire mais pas si facile à faire… Parce que cette phrase justement est particulièrement difficile à comprendre. A première vue, on pourrait penser que Jésus célèbre ici ceux qui font vœu de célibat. Mais c’est peu probable, l’enseignement qui précède montre à quel point Jésus était en phase avec la pratique de son époque qui célébrait le mariage, en faisant presque une obligation religieuse. Alors pourquoi d’un seul coup se ferait-il, de façon aussi lapidaire, le défenseur du célibat ? D’autant que sa prise de position serait particulièrement maladroite. Imaginez vous l’Église catholique romaine en train de défendre le célibat des prêtres avec l’argument « Comme ça, au moins, ils ne sont pas encombrés par une bonne femme… » Ce serait risible, voire grotesque. Eh bien si on considère l’enseignement de Jésus comme une invitation au célibat, c’est précisément l’argument qu’on retrouve. Jésus s’oppose à la répudiation permise par la loi de Moïse, ses disciples s’interroge « alors il n’est pas avantageux de se marier » et Jésus de conclure « alors, mieux vaut vivre comme un eunuque ». Décidément cette interprétation ne tient pas…

Alors, restent deux solutions : soit cette phrase est purement et simplement un ajout de Matthieu. Après tout, on ne la retrouve pas dans les autres témoignages de l’enseignement sur la répudiation, il n’est donc pas impossible que Matthieu l’ait construite de toute pièce ou qu’il ait collé à la suite d’un discours sur le mariage un autre enseignement de Jésus sur les eunuques, enseignement dont on aura perdu toute autre trace… Soit cette phrase est effectivement une réponse aux disciples, mais elle n’est pas une invitation au célibat, simplement un façon de leur dire que certains acceptent des règles bien plus dures que celle que celle de non répudiation posée ici…

En parlant de cette règle de non répudiation, comment on s’en sort avec ce texte dans une Église qui permet le divorce ? On pourrait préciser en premier lieu que divorce et répudiation ne sont pas vraiment la même chose. C’est vrai, mais un peu facile comme réponse… Alors, approfondissons un peu… Est-il permis à l’homme de répudier son épouse ? Réponse de Jésus : Non ! Pas parce que c’est mal ou immoral mais tout simplement parce que c’est contraire au projet de Dieu, contraire à l’amour qui unit l’homme et la femme. Ici, il n’est pas question de loi, simplement de rappeler la volonté de Dieu. Or la répudiation ou le divorce bref, l’échec n’entre pas dans cette volonté. Dieu ne veut pas que le couple échoue, que l’homme et la femme se sépare. Dieu ne veut pas de la souffrance qui accompagne toujours cet échec. Mais, pourquoi avoir permis la répudiation ? A cause de votre obstination. A cause de l’endurcissement de votre cœur. A cause de votre incapacité à vivre la volonté de Dieu pour vous. Alors ce texte est-il un texte de loi ou le rappel qu’au delà même de la loi, il y a la volonté de Dieu ? Comment recevoir ce texte ?Eh bien tout dépend de la manière dont nous nous considérons, dont nous considérons l’humain... Soit dans un humanisme catholique romain, nous le considérons comme capable de s’arracher au péché et le divorce devient irrecevable en Église : Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. Soit, dans le pessimisme anthropologique cher à Calvin, nous considérons l’homme comme incapable de s’extraire de la tourbe du péché, et tout comme la répudiation était accordée par Moïse, le divorce nous est permis, non pas comme une bonne chose mais comme un constat d’échec et comme la possibilité de reconstruire malgré cette échec. Sommes-nous aussi endurcis de cœur que ne l’étaient les contemporains de Moïse ? Ou bien sommes-nous meilleurs ?

Quelle que soit votre lecture, je voudrais attirer votre attention sur la réponse des disciples, que je trouve très drôle et merveilleuse de naïveté machiste : Si telle est la condition de l’homme par rapport à la femme, il n’est pas avantageux de se marier. C’est vrai quoi, si on doit s’engager toute la vie avec une même femme, autant ne pas se marier… C’est cette réponse qui m’a donné envie de mettre ce passage de Matthieu en parallèle avec celui d’Osée. En effet, « Il n’est pas avantageux de se marier », cela aurait pu être la réponse d’Osée à Dieu qui lui demandait d’épouser une prostituée… Or, ce mariage du prophète avec une prostituée se veut précisément une image du mariage de Dieu avec Israël. En effet Dieu est marié, engagé avec un peuple qui sans cesse lui est infidèle, sans cesse se détourne de lui. Et pourtant, Dieu n’abandonne pas ce peuple, il ne se lasse pas de lui. Si Dieu respecte à ce point son engagement, ce n’est pas par soumission à une règle, à une loi qui lui interdirait le divorce ou la répudiation. Qui pourrait soumettre Dieu à quelque règle que ce soit ? Si Dieu reste malgré tout fidèle et lié à son peuple, c’est par amour. Un amour qui Le pousse à reprendre ce peuple que la raison et la justice devraient Le conduire à abandonner au désert et à la main de ses ennemis. Un amour qui le pousse à avoir compassion de Lo-Rouhama, celle dont on n’a pas compassion. Un amour qui Le pousse à considérer comme son peuple Lo-ammi, celui qui n’est pas son peuple. La Bible parle peu de mariage, elle donne peu de règles sur la vie de couple, en revanche pour parler de la relation de Dieu à son peuple, elle utilise très souvent l’image du mariage parce que, que la relation soit dans une bonne ou une mauvaise passe, c’est toujours d’une relation d’amour qu’il s’agit. Et la Bible sait bien qu’à la base du couple, il n’y a pas la loi religieuse ou la règle civile, à la base du couple, il y a l’amour. Sans cet amour, le mariage, la vie de couple n’est que contrainte. Sans cet amour, les défauts de l’autre deviennent invivable. Sans cet amour le couple, qu’il se vive ou non dans le mariage, devient le pire des carcans et les disciples ont bien raison de penser qu’il est plus avantageux de ne pas se marier, de vivre seul. Mais, étrangement, l’amour permet de vivre librement et joyeusement ce qui, sans lui, serait considéré comme la pire des servitudes.

On regrette souvent qu’en français, il n’existe pas plusieurs mots pour dire cet amour. Mais en fait, si l’amour que l’on porte à son époux, à son épouse ne s’exprime pas de la même manière que celui qu’on porte à ses amis, ou à Dieu ou encore au prochain, n’est-ce pas finalement le même sentiment ? Un sentiment qui nous pousse à faire avec joie ce que nous ne supporterions pas de faire sous la contrainte…  Or, non seulement Osée nous redit à quel point Dieu nous sommes aime, au-delà de ce que nous méritons, mais il va plus loin. Tu ne m’appelleras plus mon Baal, c’est à dire « mon maître » mais « mon époux. Dieu nous invite à remplacer la crainte respectueuse pour la divinité par de l’amour. Dieu veut être aimé, Dieu veut nous plaire. Dieu veut nous séduire. Et par cette volonté, Il se met à notre merci. Dieu ne veut pas nous asservir, Il veut que, librement, nous l’aimions et pour cela, Il se met à notre service.

Frères et sœurs, Dieu mendie notre amour. Un amour par lequel librement nous nous engagerons sur le chemin de vie qu’il nous a ouvert.

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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