7 Juin 2008
C'est une jeune fiancée
Qui, le front ceint du bandeau,
N'emporta qu'une pensée
De sa jeunesse au tombeau
Triste, hélas ! dans le ciel même,
Pour revoir celui qu'elle aime
Elle revient sur ses pas,
Et lui dit : Ma tombe est verte !
Sur cette terre déserte
Qu'attends-tu ? Je n'y suis pas !
Lamartine. Pensée des morts
Outre l'idée de maintenir notre Eglise comme lieu de débat ouvert sur le monde, l'un des intérêts que je trouve au café biblique est aussi de m'obliger à corriger ou affiner ma pensée. Sur ce point, notre dernier café biblique a rempli sa mission.
Alors que j'évoquais la classique distinction entre immortalité de l'âme et résurrection des morts et que j'affirmais ma préférence pour la résurrection (tout en reconnaissant que l'idée platonicienne de l'âme immortelle n'est pas complètement inconnue dans le texte biblique), une paroissienne me rappelle à l'ordre : non les morts ne disparaissent pas complètement. Il ne s'agit pas, pour cette femme qui a perdu 2 enfants, de nier la cruelle réalité de la mort, mais bien plutôt d'affirmer cette mystérieuse vérité du deuil : notre relation avec une personne décédée ne s'arrête pas avec sa mort. La mémoire, ce que la personne nous a apporté et laissé et notre deuil même, cette blessure qui ne cicatrise jamais complètement, montrent bien que la mort ne coupe pas complètement la relation. Ce rappel à l'ordre me conduit à revoir mon jugement sur les notions d'immortalité de l'âme et de résurrection.
Et j'aimerai réconcilier ces deux langages que la Bible utilise pour parler de l'indicible après-mort en une formule un peu rapide, un brin provocatrice : "pour les autres, l'immortalité et pour moi, la résurrection."
"Pour les autres, l'immortalité" parce que la mort de ceux que j'aime ne m'arrache pas tout, parce que dans ce qu'ils m'ont donné, dans l'amour que j'ai pour eux (cet amour qui me rend la séparation si douloureuse), ils restent bien présents. L'immortalité de l'âme me dit que la relation ne s'arrête pas.
"Pour moi, la résurrection". Poussière tu es, poussière tu retourneras. La Bible me renvoie à ma finitude : viendra le jour ou je disparaîtrai. Complètement. Je n'aimerai plus ni ne haïrai. Je ne souffrirai plus ni ne me réjouirai. En tant que sujet, en tant que "je", je n'existerai plus. Et pourtant, je crois que ce néant qui va m'engloutir n'aura pas le dernier mot. Je crois que Dieu me ressucitera, me fera ressurgir libéré de la mort. Comment ? Sous quelle forme? Vaines questions auxquelles l'apôtre a répondu déjà : "autre est l'éclat de la lune, autre est l'éclat du soleil". La promesse de la résurrection me dit la réalité de la mort : comment ressusciterai-je si je suis immortel ? Mais elle ouvre une espérance au-delà de cette mort.
Résurrection des morts, immortalité de l'âme : deux langages de l'indicible, deux images imparfaites d'une espérance qui dépasse la finitude humaine, deux discours pour une seule confession de foi : la mort ne sera pas victorieuse !
Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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