28 Juin 2008
Ce soir, loin des tumultes de la Gay Pride (j'étais un peu coincé dans Paris aujourd'hui), des chrétiens se mettront en prière (peut-être certains auront-ils
défilés à Paris sous l'étendard multicolores). De 20h à 8h, un long relais de prière pour les victimes de la torture, toutes les victimes : ceux qui la subissent, ceux qui la commettent, ceux qui
l'ordonne. Il est inutile que je vous présente l'ACAT et la nuit des veilleurs : vous n'avez qu'à aller voir sur leur site et, si vous êtes chrétiens, vous
pouvez même vous inscrire pour un temps de prière (si vous n'êtes pas chrétiens, eh bien, c'est à vous de voir : loin de moi l'idée de vous exclure de cette action).
En revanche, à l'orée de cette nuit des veilleurs, j'aimerai partager avec vous une petite réflexion sur la prière et la veille.
A quoi bon prier pour les victimes de la torture ? Qu'est ce que cela leur apporte ? Et dans le strict domaine de la foi, Dieu aidera-t-il plus les victimes de la torture si je prie pour elles ? Les aiera-t-il moins si je me tais ? Et comment seraient-ils soulagés par cette prière qu'ils ignorent. Des pétitions, des lettres ne seraient-elles pas plus utiles ? Sans aucun doute.
En fait, je ne suis pas du tout persuadé de l'utilité de la prière. Qu'on me comprenne bien, il ne s'agit pas ici de contester l'idée que Dieu agit dans le monde. En fait, c'est le contraire, je suis convaincu que Dieu n'attend pas nos prières pour agir en faveur de ses enfants. Je ne défendrai donc pas ici l'utilité de la prière. En revanche, parce que je suis chrétien, je reconnais que la prière m'est nécessaire. Aussi étrange que cela puisse paraître dans notre logique, j'affirme la nécessité absolue de cette prière complètement inutile.
Je vais même aller plus loin, je crois que l'efficacité de la prière réside dans son inutilité. Je suis en désaccord avec Alain Houziaux quand il affirme que l'homme doit faire les choses pour rien. Je pense que la gratuité est l'apanage de Dieu, l'homme lui agit pour quelque chose et ce même quand il fait le bien : il y a une utilité immédiate aux exigences de l'Evangile. Y répondre ne provoque pas notre salut mais améliore notre monde. Mais la prière est l'exception : elle est inutile, elle n'améliore pas notre monde, elle est "pour rien". Et parce qu'elle est "pour rien", elle nous rapproche de Dieu en nous faisant participer à sa gratuité.
Mais l'ACAT ne fait pas que prier, ils font aussi dans l'utile, nous rappelant que la prière n'empêche pas l'action bien au contraire. L'utile ce sont les pétitions et les lettres. L'utile c'est aussi cette nuit de veille. Parce que veiller, c'est avoir les yeux ouverts. C'est dire à ceux que l'on torture : "vous êtes toujours des hommes et des femmes, nos frères et nos soeurs, ceux qui vous écrasent ne réussiront pas à vous enlever cela". C'est dire aussi à ceux qui torturent, aux gouvernement qui utilisent la torture : "Nous savons ce que nous faisons". Et cette vigilance sert à quelque chose. Même le plus tyrannique des gouvernements se soucie au moins un peu de son image...
La prière et la veille, le nécessaire et l'utile, cette nuit pendant un quart d'heure ou une heure, ayons les yeux ouverts et notre
espérance en Dieu seul...
Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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