Les mercredis de Calvin (8) Vivre la providence
Publié le 25 Février 2009
Au cours de cette année Calvin, un passage hebdomadaire du Réformateur de Genève commenté, ou pas, par votre serviteur…
Je ne suis absolument pas un spécialiste de la pensée de Calvin, il est possible que je dise des bêtises, mais c’est un auteur que j’aime bien lire
S’il nous advient quelque adversité, nous élèverons incontinent notre cœur à Dieu, lequel seul le pourra former à patience et tranquillité. Si Joseph se fût arrêté à méditer la déloyauté de ses frères et le lâche tour qu’ils lui avaient fait, jamais il n’eût eu le courage fraternel envers eux. Mais parce qu’il convertit sa pensée à Dieu, oubliant leur injure, il fut fléchi à mansuétude et douceur, allant jusqu’à les consoler lui-même, en disant : Ce n’est point vous qui m’avez vendu pour être amené en Egypte ; mais par la volonté du Seigneur, j’ai été envoyé devant vous, pour votre profit. Vous aviez fait une mauvaise machination contre moi : mais le Seigneur l’a convertie en bien (Genèse XLV ; 8-L, 20) (…) David aussi bien, s’il se fut amusé à considérer la malice de Siméi, lequel le persécutait d’injures et à coup de pierres, eût incité les seins à le venger ; mais parce qu’il entend qu’il ne fait pas cela sans le mouvement de Dieu, il les apaise au lieu de les irriter : Laissez-le, dit-il, car Dieu peut-être lui a commandé de médire de moi (II Samuel XVI : 10-11) (…) S’il n’y a nul meilleur remède contre ire et impatience, ce ne sera pas mal profité à nous, quand nous aurons tellement appris de méditer la providence de Dieu en cet endroit, que nous puissions toujours réduire notre cogitation à ce point : le Seigneur l’a voulu, il faut donc prendre patience ; non pas seulement parce qu’il n’est pas loisible de résister, mais parce qu’il ne veut rien qui ne soit juste et expédient. La somme revient là, qu’étant injustement grevés par les hommes, nous laissions là leur malice, laquelle ne ferait qu’aigrir notre courroux et aiguiser nos affections à vengeance ; et qu’il nous souvienne de nous élever à Dieu, et nous tenir certains que c’est par son juste décret et prévoyance, que tout ce que nos ennemis attentent contre nous et permis, voire ordonné.
Institution Chrétienne Livre I §17. 8
Or, en cet endroit on peut voir une singulière félicité des fidèles. La vie humaine est environnée, et quasi assiégée de misères infinies. Sans aller plus loin, puisque notre corps est un réceptacle de mille maladies, et même en nourrit en soi les causes, quelque part où aille l’homme il porte plusieurs espèces de mort avec soi, tellement qu’il traîne sa vie quasi enveloppée avec la mort. Car que dirons nous autre chose, quand on ne peut avoir ni froid ni suer sans danger ? Davantage, de quelque côté que nous nous tournions, tout ce qui est à l’entour de nous non seulement est suspect, mais nous menace quasi ouvertement, comme s’il nous voulait intenter la mort. Montons en un bateau : il n’y a qu’un pied à dire entre la mort et nous. Que nous soyons sur un cheval : il ne faut sinon qu’il choppe d’un pied pour nous faire rompre le col. Allons par les rues : autant qu’il y a de tuiles sur les toits, autant sont-ce de dangers sur nous. Tenons une épée, ou que quelqu’un auprès de nous, en tienne : il ne faut qu’un rien pour nous en blesser. Autant que nous voyons de bêtes, ou sauvages, ou rebelles, ou difficiles à gouverner, elles sont toutes armées contre nous. Enfermons-nous en un beau jardin, où qu’il n’y ait que tout plaisir : un serpent y sera quelquefois caché. Les maisons où nous habitons, comme elles sont assiduellement sujettes à brûler, de jour nous menacent de nous appauvrir, de nuit de nous accabler. Quelques possessions que nous ayons, en tant qu’elles sont sujettes à grêles, gelées, sécheresse, et autres tempêtes, elles nous dénoncent stérilité, et par conséquent famine. Je laisse là les empoisonnements les embûches, les violences desquelles la vie de l’homme est partie menace en la maison, partie accompagnée aux champs. Entre telles perplexités, ne faudrait-il pas qu’un homme fût plus que misérable ? à savoir d’autant qu’en vivant il n’est qu’à demi en vie, s’entretenant à grand’peine en langueur et détresse, tout comme s’il se voyait le couteau sous la gorge à chaque heure.
Quelqu’un dira que ces choses adviennent peut souvent, ou pour le moins qu’elles n’adviennent pas toujours, ni tout le monde ; d’autre part qu’elles ne peuvent advenir jamais toute en un coup. Je le confesse mais parce que par l’exemple des autres nous sommes avertis qu’elles nous peuvent advenir, et que notre vie ne doit pas être exemptée de nulle d’entre elles, il ne se peut faire que nous ne les craignions comme si elles nous devaient advenir. Quelle misère pourrait-on imaginer plus grande, que d’être toujours en tel tremblement et angoisse ? Davantage, cela ne serait point sans l’opprobre de Dieu, de dire qu’il eût abandonné l’homme, la plus noble de ses créatures, à la témérité de fortune. Mais mon intention n’est ici que de parler de la misère de l’homme, en laquelle il serait s’il vivait comme à l’aventure.
Au contraire, si la providence de Dieu reluit au cœur fidèle, non seulement il sera délivré de la crainte et détresse de laquelle il était pressé auparavant, mais sera relevé de tout doute. Car comme à bon droit nous craignons la fortune, aussi nous avons bonne raison de nous oser hardiment abandonner à Dieu. Ce nous est donc un soulagement merveilleux d’entendre que le Seigneur tient tellement toutes choses en sa puissance, gouverne par son vouloir, et modère par sa sagesse, que rien ne vient sinon comme il l’a destiné. Davantage, qu’il nous a reçus en sa sauvegarde, et nous a commis en la charge de ses anges, à ce qu’il n’y ait ni eau, ni feu, ni glaive, ni rien qui nous puisse nuire, sinon d’autant que son bon plaisir le portera. Car il est ainsi dit au Psaume : Il te délivrera des pièges du chasseur et de peste nuisante. Il te gardera sous son aile, et tu seras en sûreté sous ses plumes. Sa vérité te sera pour bouclier, tu ne craindras point les tumultes de nuit, ni la flèche quand elle sera tirée en plein jour, ni nuisances qui passent en ténèbres, ni le mal qu’on te voudra faire en la clarté du jour, etc. (Ps 91 : 3-6). De là, vient la fiance qu’ont les saints de se glorifier : Le Seigneur est mon protecteur, qu’est ce que je craindrais ? Si un camp est dressé contre moi, si je chemine en l’obscurité de mort, je ne laisserai point de bien espérer (Ps 27 : 3 ; 56 : 5 et ailleurs)
D’où est ce qu’aurait l’homme fidèle une telle assurance, laquelle ne peut être jamais ôtée, sinon que là où il semble que le monde soit témérairement tourné dessus et dessous, il répute que Dieu y besogne à le conduire, duquel il espère que toutes les œuvres lui sont salutaires ? S’il se voit assailli ou molesté du diable ou des méchants, n’a-t-il pas bon métier de se fortifier, en réduisant en mémoire la providence de Dieu sans le souvenir de laquelle il ne pourrait que désespérer ? Au contraire, quand il reconnaît que le diable et toute la compagnie des méchants sont tenus serrés de la main de Dieu comme d’une bride, tellement qu’il ne peuvent concevoir mal aucun ; ni quand il l’auront conçu, machiner à le faire ; ni quand ils machineront, l’exécute, ni même lever le petit doigt, sinon d’autant que Dieu le leur commande ; même que non seulement ils sont tenus en ses pièges ou manettes, mais qu’ils seront contraints par le frein de sa bride à lui obéir : en cela il a suffisamment à se consoler. Car comme il est en Dieu seul d’armer leur fureur, la tourner et convertir où bon lui semble, aussi est-il en son pouvoir de les restreindre à ce qu’ils ne fassent pas tout selon leur intempérance.
Institution chrétienne Livre I, §13 10 et 11
Dernier volet de cette vision calviniste de la providence avec des applications pratiques : reconnaître que tout vient de Dieu c'est être libre toute rancoeur et de tout effroi.
S’il nous advient quelque adversité, nous élèverons incontinent notre cœur à Dieu, lequel seul le pourra former à patience et tranquillité. Si Joseph se fût arrêté à méditer la déloyauté de ses frères et le lâche tour qu’ils lui avaient fait, jamais il n’eût eu le courage fraternel envers eux. Mais parce qu’il convertit sa pensée à Dieu, oubliant leur injure, il fut fléchi à mansuétude et douceur, allant jusqu’à les consoler lui-même, en disant : Ce n’est point vous qui m’avez vendu pour être amené en Egypte ; mais par la volonté du Seigneur, j’ai été envoyé devant vous, pour votre profit. Vous aviez fait une mauvaise machination contre moi : mais le Seigneur l’a convertie en bien (Genèse XLV ; 8-L, 20) (…) David aussi bien, s’il se fut amusé à considérer la malice de Siméi, lequel le persécutait d’injures et à coup de pierres, eût incité les seins à le venger ; mais parce qu’il entend qu’il ne fait pas cela sans le mouvement de Dieu, il les apaise au lieu de les irriter : Laissez-le, dit-il, car Dieu peut-être lui a commandé de médire de moi (II Samuel XVI : 10-11) (…) S’il n’y a nul meilleur remède contre ire et impatience, ce ne sera pas mal profité à nous, quand nous aurons tellement appris de méditer la providence de Dieu en cet endroit, que nous puissions toujours réduire notre cogitation à ce point : le Seigneur l’a voulu, il faut donc prendre patience ; non pas seulement parce qu’il n’est pas loisible de résister, mais parce qu’il ne veut rien qui ne soit juste et expédient. La somme revient là, qu’étant injustement grevés par les hommes, nous laissions là leur malice, laquelle ne ferait qu’aigrir notre courroux et aiguiser nos affections à vengeance ; et qu’il nous souvienne de nous élever à Dieu, et nous tenir certains que c’est par son juste décret et prévoyance, que tout ce que nos ennemis attentent contre nous et permis, voire ordonné.
Institution Chrétienne Livre I §17. 8
Or, en cet endroit on peut voir une singulière félicité des fidèles. La vie humaine est environnée, et quasi assiégée de misères infinies. Sans aller plus loin, puisque notre corps est un réceptacle de mille maladies, et même en nourrit en soi les causes, quelque part où aille l’homme il porte plusieurs espèces de mort avec soi, tellement qu’il traîne sa vie quasi enveloppée avec la mort. Car que dirons nous autre chose, quand on ne peut avoir ni froid ni suer sans danger ? Davantage, de quelque côté que nous nous tournions, tout ce qui est à l’entour de nous non seulement est suspect, mais nous menace quasi ouvertement, comme s’il nous voulait intenter la mort. Montons en un bateau : il n’y a qu’un pied à dire entre la mort et nous. Que nous soyons sur un cheval : il ne faut sinon qu’il choppe d’un pied pour nous faire rompre le col. Allons par les rues : autant qu’il y a de tuiles sur les toits, autant sont-ce de dangers sur nous. Tenons une épée, ou que quelqu’un auprès de nous, en tienne : il ne faut qu’un rien pour nous en blesser. Autant que nous voyons de bêtes, ou sauvages, ou rebelles, ou difficiles à gouverner, elles sont toutes armées contre nous. Enfermons-nous en un beau jardin, où qu’il n’y ait que tout plaisir : un serpent y sera quelquefois caché. Les maisons où nous habitons, comme elles sont assiduellement sujettes à brûler, de jour nous menacent de nous appauvrir, de nuit de nous accabler. Quelques possessions que nous ayons, en tant qu’elles sont sujettes à grêles, gelées, sécheresse, et autres tempêtes, elles nous dénoncent stérilité, et par conséquent famine. Je laisse là les empoisonnements les embûches, les violences desquelles la vie de l’homme est partie menace en la maison, partie accompagnée aux champs. Entre telles perplexités, ne faudrait-il pas qu’un homme fût plus que misérable ? à savoir d’autant qu’en vivant il n’est qu’à demi en vie, s’entretenant à grand’peine en langueur et détresse, tout comme s’il se voyait le couteau sous la gorge à chaque heure.
Quelqu’un dira que ces choses adviennent peut souvent, ou pour le moins qu’elles n’adviennent pas toujours, ni tout le monde ; d’autre part qu’elles ne peuvent advenir jamais toute en un coup. Je le confesse mais parce que par l’exemple des autres nous sommes avertis qu’elles nous peuvent advenir, et que notre vie ne doit pas être exemptée de nulle d’entre elles, il ne se peut faire que nous ne les craignions comme si elles nous devaient advenir. Quelle misère pourrait-on imaginer plus grande, que d’être toujours en tel tremblement et angoisse ? Davantage, cela ne serait point sans l’opprobre de Dieu, de dire qu’il eût abandonné l’homme, la plus noble de ses créatures, à la témérité de fortune. Mais mon intention n’est ici que de parler de la misère de l’homme, en laquelle il serait s’il vivait comme à l’aventure.
Au contraire, si la providence de Dieu reluit au cœur fidèle, non seulement il sera délivré de la crainte et détresse de laquelle il était pressé auparavant, mais sera relevé de tout doute. Car comme à bon droit nous craignons la fortune, aussi nous avons bonne raison de nous oser hardiment abandonner à Dieu. Ce nous est donc un soulagement merveilleux d’entendre que le Seigneur tient tellement toutes choses en sa puissance, gouverne par son vouloir, et modère par sa sagesse, que rien ne vient sinon comme il l’a destiné. Davantage, qu’il nous a reçus en sa sauvegarde, et nous a commis en la charge de ses anges, à ce qu’il n’y ait ni eau, ni feu, ni glaive, ni rien qui nous puisse nuire, sinon d’autant que son bon plaisir le portera. Car il est ainsi dit au Psaume : Il te délivrera des pièges du chasseur et de peste nuisante. Il te gardera sous son aile, et tu seras en sûreté sous ses plumes. Sa vérité te sera pour bouclier, tu ne craindras point les tumultes de nuit, ni la flèche quand elle sera tirée en plein jour, ni nuisances qui passent en ténèbres, ni le mal qu’on te voudra faire en la clarté du jour, etc. (Ps 91 : 3-6). De là, vient la fiance qu’ont les saints de se glorifier : Le Seigneur est mon protecteur, qu’est ce que je craindrais ? Si un camp est dressé contre moi, si je chemine en l’obscurité de mort, je ne laisserai point de bien espérer (Ps 27 : 3 ; 56 : 5 et ailleurs)
D’où est ce qu’aurait l’homme fidèle une telle assurance, laquelle ne peut être jamais ôtée, sinon que là où il semble que le monde soit témérairement tourné dessus et dessous, il répute que Dieu y besogne à le conduire, duquel il espère que toutes les œuvres lui sont salutaires ? S’il se voit assailli ou molesté du diable ou des méchants, n’a-t-il pas bon métier de se fortifier, en réduisant en mémoire la providence de Dieu sans le souvenir de laquelle il ne pourrait que désespérer ? Au contraire, quand il reconnaît que le diable et toute la compagnie des méchants sont tenus serrés de la main de Dieu comme d’une bride, tellement qu’il ne peuvent concevoir mal aucun ; ni quand il l’auront conçu, machiner à le faire ; ni quand ils machineront, l’exécute, ni même lever le petit doigt, sinon d’autant que Dieu le leur commande ; même que non seulement ils sont tenus en ses pièges ou manettes, mais qu’ils seront contraints par le frein de sa bride à lui obéir : en cela il a suffisamment à se consoler. Car comme il est en Dieu seul d’armer leur fureur, la tourner et convertir où bon lui semble, aussi est-il en son pouvoir de les restreindre à ce qu’ils ne fassent pas tout selon leur intempérance.
Institution chrétienne Livre I, §13 10 et 11
Dernier volet de cette vision calviniste de la providence avec des applications pratiques : reconnaître que tout vient de Dieu c'est être libre toute rancoeur et de tout effroi.