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A coup de bâton

Prédication du dimanche 9 mai 2010

Luc X, 1 à 12

I Jean III ; 11 à 24

Exode XVIII ; 8 à 16

 

« Quand Moïse élevait la main, Israël était le plus fort. Quand il reposait la main, Amaleq était le plus fort. ».

Je suis très gêné que le calendrier m’entraîne en ce lendemain du 8 mai à prêcher sur un texte de bataille. Et qui plus est sur un texte de bataille qui nous montre la victoire comme un don de Dieu.

Pire encore, ce texte nous livre une vision magique de l’intervention de Dieu : sur un geste de Moïse, Dieu combat à côté des hébreux mais que Moïse interrompe son geste, et la victoire revient aux amalécites.

Pourtant, aussi archaïque que puisse nous sembler ce texte, je crois qu’il est riche pour nous encore aujourd’hui. En effet, si je rejette l’idée d’un Dieu qui prend la tête des armées humaines pour nous aider à tuer, si je rejette l’idée de gestes magiques qui nous attireraient la sympathie de Dieu, je crois en revanche que, le texte que nous venons d’entendre nous parle du véritable auteur de nos victoires, d’un témoignage qui ne passe pas que par les mots et d’une nécessaire collaboration.

 

Tout d’abord, il faut voir dans ce geste un rappel qu’une bataille n’est pas gagnée seulement à la force du poignet des combattants. Et c’est vrai de tout projet, de toute entreprise. Bien sûr, il y a tout ceux qui, à l’arrière soutiennent l’effort, tous ceux dont on ne voit pas forcément le travail et je ne les oublie pas. Mais ce n’est pas d’eux que ce texte parle. Ici, il est question d’affirmer que dans cette activité tellement humaine qu’est la guerre, dans cette activité où l’homme dépend peut-être le plus de sa force, de ses capacités, l’homme ne peut rien sans le soutien de son Dieu.

Oui, c’est bien Dieu qui est à l’œuvre dans ce combat contre les amalécites et Moïse ne s’y trompe pas puisqu’il définit cette bataille entre Amalec et Israël comme la première bataille d’une guerre entre Amalec et Dieu. Bien sûr, cela nous scandalise aujourd’hui puisque nous savons à présent que Dieu est le Dieu de tous les peuples, mais saurons-nous aujourd’hui entendre la promesse que cela peut représenter pour un peuple si petit, si fragile, un peuple dont l’histoire est celle de fuyard : « vous êtes mon peuple et qui vous attaque m’attaque. »

         Qui donc douterait que ce geste de Moïse soit à l’origine de la victoire ? C’est d’ailleurs sans doute le deuxième point qui nous gêne.

 

         L’être humain canalise-t-il la puissance de Dieu par les bons gestes, les bonnes paroles pour l’utiliser à ses propre fins. Moïse joue-t-il du bâton comme Harry Potter apprend à jouer de la baguette pendant ces cours de sorcellerie élémentaires à Poudlard ? Bien, sûr il m’est impossible de croire à une bénédiction plus ou moins grande selon l’angle des bras de Moïse par rapport au sol. Il m’est impossible de croire même que Dieu sourirait plus ou moins à son peuple en fonction de la capacité musculaire du prophète.

         En revanche, je trouve très intéressant l’idée d’un témoignage de Moïse dans laquelle le geste et donc le corps joue un rôle. Aujourd’hui encore, que faisons-nous quand nous bénissons quelqu’un ou une assemblée ? Lui accordons nous quelque chose au nom d’un pouvoir magique qui nous serait délégué par Dieu ? Je ne pense pas. En revanche, à ceux que nous bénissons, nous affirmons la bonté de Dieu et son amour. Notre bénédiction est donc un témoignage

Et je crois que le geste de Moïse n’est pas si différent de ce témoignage. Ce texte vient nous rappeler qu’un tel témoignage ne passe pas seulement par nos paroles, il implique également notre corps et donc notre être tout entier. Nous ne pouvons pas être témoins de l’amour de Dieu de manière purement intellectuelle. C’est tout notre être qui doit être investi dans notre témoignage et donc chacun de nos gestes doivent être porteur de bénédictions. N’aimons pas en paroles ni avec la langue, mais en action et en vérité nous dit la lettre de Jean et dans cette lettre l’amour est tellement étroitement associé à la lumière de  Dieu, que ce n’est pas trahir le texte que d’entendre, ne bénissons pas en paroles ni avec la langue mais en action et en vérité.

Du coup quand la paresse nous prend ou même quand la fatigue nous envahit, quand nous baissons les bras, le témoignage de l’amour de Dieu ne passe plus ou passe moins bien et c’est le peuple de Dieu tout entier qui recule.

 

Mais alors, quelle écrasante responsabilité que la nôtre.  Comment pourrions nous oser nous présenter comme témoin de Dieu ? Comment pourrions nous oser même répondre à l’appel de Dieu ? Mais ce serait oublier la dernière et principale leçon de ce texte. Moïse n’est pas tout seul, mains en l’air. Aaron et Hour se tiennent à ses côtés et le soutiennent. De même, c’est deux à deux que Jésus envoie ses disciples. Je ne peux pas, à moi seul, être témoin de l’amour de Dieu, de sa bénédiction. Et cela tombe bien car ça ne m‘est pas demandé, ce qui m’est demandé, c’est de collaborer avec des frères, des sœurs. Récemment, le cercle de silence a été perturbé par deux jeunes venus nous insulter. Une heure à se faire traiter de tous les noms… Aucun d’entre nous n’aurait supporté cela, seul, chacun serait parti. Mais nous étions plusieurs (pas très nombreux, cette fois) et chacun était un soutien pour son frère.

Bien sûr, me diront certains, mais quand même Aaron et Hour ne sont que des adjoints. QUE des adjoints ? D’accord ! Imaginons qu’Aaron soit absent, ou que Hour décide qu’il a mieux à faire. Les bras de Moïse lui en tombent et c’est la victoire pour Amalec. Imaginons que Josué décide d’aller à la pêche ou que le peuple, cette populace anonyme qui combat Amalec dépose les armes. Moïse peut rester bras en l’air si il veut, c’est la victoire pour Amalec. Dans la scène que nous dépeint ce texte, il y a un acteur principal, Moïse, un jeune premier, Josué, des seconds rôles Aaron et Hour (dont l’un est une première apparition à l’écran), il y a des figurants, le peuple, mais tous ont un rôle essentiel, tous sont indispensables.

De même dans cette bénédiction que nous avons à dire au monde, certains occupent peut-être des places plus visibles, par leur ministère ou par leurs charismes, ces dons qu’ils ont reçus de Dieu,  mais cela ne signifie pas qu’ils soient plus importants que ceux qui se tiennent à leur côtés ou que ceux qui se noient dans la foule. Je dis souvent qu’une des fonctions de l’Eglise  est de nous empêcher de construire un Dieu à notre image, chacun dans notre coin. Mais sa fonction première et de nous donner à chacun des collaborateurs, des associés, mieux, des frères et des sœurs (Aaron est le frère de Moïse, la tradition juive fait d’Hour son beau frère, quelle meilleure manière de dire la fraternité ?) qui nous soutiennent. Personne ne peut se dire « je ne compte pas », ce qui signifie que tous nous devons prendre notre responsabilité, porter cette bénédiction dont nous sommes les témoins pour le monde

 

Frères et sœurs, aucun d’entre nous n’est appelé à sauver le monde. Mais tous nous sommes appelés à témoigner d’une bénédiction : Dieu nous donne un sauveur.

 

Amen

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À propos
Eric George

Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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