A l'occasion de la fête du Christ-Roi, interroger la souveraineté de Dieu telle qu'elle se révèle lorsque Jésus comparaît devant Pilate

Prédication du dimanche 25 novembre 2018

Daniel 7, 13-14

Jean 18, 33-37

Après la sortie d’Israël, après l’entrée en Canaan, le peuple d’Israël était conduit par des juges, sorte de guide, de chef de guerre, des héros que Dieu suscitait dans les périodes de crise pour sauver le peuple. Et quand Israël demande à Samuel d’avoir un roi pour faire comme les autres peuples, Samuel entre dans une colère noire. Pas parce qu’il est un ardent républicain ou un dangereux anarchiste mais tout simplement parce que le peuple a déjà un roi, et ce roi, c’est Dieu. Pourtant Dieu acceptera de répondre à cette demande du peuple qui deviendra une royauté.

Pour autant, les relations entre Dieu et les rois, que ce soient les rois d’Israël ou des autres peuples sont houleuses et cela s’explique facilement. Quand je demandais aux jeunes ce qu’était un roi, un des premiers mots qui soient venus, c’était « chef », le chef, c’est la tête, donc il n’y a rien au-dessus.

Alors, forcément, comme dit la chanson

Les rois du monde se battent entre eux
C'est qu'y a de la place, mais pour un pas pour deux

Quels sont les rois qui dans notre vie s’opposent à Dieu ?

Ce matin nous ne parlerons pas des messieurs Macron ou Trump, nous ne ferons pas d’éducation civique, nous n’opposerons pas la monarchie à la république… Il me semble plus fécond de nous interroger sur les règnes qui, dans notre vie, s’opposent au règne de Dieu. Quelles sont les limites que nous posons à la souveraineté de Dieu dont la vision de Daniel montre qu’elle est sensée s’étendre à tout ? Quand il s’agit de répondre à l’Evangile, qu’est ce qui vient parfois s’opposer, faire obstacle, qu’est ce qui nous pousse à choisir parfois entre le règne de Dieu et un autre règne.

En premier lieu, il y a les règnes que nous choisissons. Les conforts, les habitudes que nous opposons à l’écoute de la Parole de Dieu, à la vie de l’Eglise, et surtout à l’amour du prochain. Mais si nous les choisissons, pouvons-nous vraiment parler de règne ? Après tout, si je choisis, c’est que je décide. Eh oui, face à l’Evangile, je décide de prendre une autre voie, parce qu’après tout, c’est moi le chef, le roi, c’est moi.

Entendons bien que tous nos plaisirs, tout ce que nous aimons ne s’oppose pas à Dieu. L’Evangile, c’est-à-dire, la Bonne Nouvelle, n’est pas un masochisme, mais il convient de reconnaître que nous opposons assez régulièrement notre propre règne à celui de Dieu.

Ensuite, viennent les règnes qui nous sont imposés, les règnes du monde, ceux des études, du travail, du marché, de la nécessité économique ou politique. Je ne dis pas que ces règnes soient forcément mauvais, ni même forcément opposés au règne de Dieu, je me contente de pointer qu’ils sont souvent incompatibles avec la radicalité de l’Evangile, de l’amour, que parfois, il serait plus facile de nous retirer du monde pour vivre l’Evangile, mais Dieu nous demande précisément de vivre l’Evangile au cœur du monde.

Enfin, viennent les grands principes. Cela vous paraîtra un peu surprenant que je range les grands principes, tels que la justice, la bonté parmi les limites que nous posons au règne de Dieu alors j’explique. Quand je dis « Dieu est juste ». Est-ce que je dis, c’est Dieu qui définit ce qu’est la justice et donc, tout ce qu’il fait est nécessairement juste, c’est la souveraineté absolue dont parle Calvin. Et en protestantisme, nous aimons beaucoup ne pas être d’accord avec Calvin. Mais l’alternative n’est pas beaucoup plus simple : est-ce que je prends mon justiçomètre pour mesurer les actions de Dieu et lui donner une note ? Là, c’est bien, Dieu, en justice 10/10 ! Ah, attention, là, ce n’est pas très juste ce que tu fais, hmmm disons 6,5 sur 10 ! Bref, est-ce que nous nous faisons juges de Dieu – tout en reconnaissant bien sûr qu’il est bien au-dessus de nous. Mais quand même nous plaçons au-dessus de lui de grands principes qui vont nous permettre de le juger…

Vous voyez, quand on commence à y réfléchir, la souveraineté de Dieu pose de nombreuses questions et je ne prétendrais certainement pas ce matin qu’il soit simple d’y répondre… Regardons maintenant comment cela se passe quand la royauté de Dieu s’incarne, regardons ce qui se passe quand Jésus se retrouve face à Pilate, qui symbolise la souveraineté romaine.

Enfin, on va avoir ce fameux affrontement entre Dieu et les rois qui s’opposent à lui, enfin on voir Dieu réduire à néant les rois du monde et prendre sa totale souveraineté

Et Jésus est battu, humilié, moqué, on lui crache dessus, on le fouette, on le met à mort… Et Jésus réduit effectivement à néant les rois du monde… En niant leur notion même de la royauté, en niant leur compréhension même du pouvoir.

Quel roi est Jésus ?

Hier, quand on évoquait la royauté en groupe de jeunes, un autre mot que « chef » est tombé. Un des jeunes me rappelait qu’aujourd’hui, les rois représentent, incarne leur pays plus qu’ils ne le dirigent. Je trouve la clef de lecture intéressante pour comprendre le Christ-Roi.

Jésus est un roi-représentant. A la différence des autres rois, qui essayent souvent d’être parfait, forts, dominateurs, puisqu’ils représentent leurs pays et qu’ils doivent en montrer le meilleur, c’est dans sa passion que Jésus représente ceux dont il est le roi, il représente le peuple juif, trop souvent humilié, persécuté, injustement frappé. Il représente aussi notre humanité, fragile, souffrante, abimée, humiliée.

Face à qui la représente-t-il ? Eh bien, face à nous même. Allors que nous rêvons d’être droits dans nos bottes, il nous montre à nous même trébuchant, alors que nous voudrions être conquérants, il nous montre à nous-mêmes victimes et captifs de nous-mêmes. Voici l’homme, ecce homo disait Pilate. Eh bien oui, quand nous voyons Jésus supplicié, nous voyons ce qu’est vraiment l’humain, loin de tous nos masques et maquillages, loin du genre que nous nous donnons.

Mais Jésus est aussi un roi-transformant, après la croix, il y a la résurrection, il y a ce relèvement, non pas seulement de Jésus mais de toute l’humanité. Jésus ne nous relève pas pour que nous recommencions notre course folle vers la royauté, il nous relève pour que nous nous confions à celui qui seul est notre roi, un roi qui sert et non pas qui soumet, un roi qui donne et non pas qui prend, un roi qui vient et non pas qui surplombe, un roi qui aime et non pas qui écrase.

Alors, maintenant, mon frère, ma sœur

Toi tu t’étonnes

Tu ne comprends pas

Un roi qui pardonne

Ca n’existe pas

Un roi qui s’incline

Devant ses sujets

Couronné d’épines

A toi de juger.

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