C'est une de ces idées saugrenues qui me traversent parfois l'esprit, sans doute plus ludique qu'apologétique ou bibliste : illustrer un des versets des textes du jour avec une illustration de la Sf rétro .
Rien de bien sérieux mais ça ne veut pas dire que je ne réfléchis pas un minimum à quelle illustration pour quel verset, surtout que le décalage entre l'image et le texte sera fatalement immense. Scoop : la Bible n'est pas une œuvre de SF rétro !
Hier, je publiais donc cette image.

Et bien sûr, je me suis fait interpeler :"comment pouvais-je représenter les pauvres ainsi ?" Interpellation assortie de l'accusation de trahir le message d'espérance du psaume 10. L'interpellation sonne juste à mes oreilles, l'accusation beaucoup moins.

L'interpellation tombe juste puisque c'est précisément celle que je me suis adressée en choisissant l'image. "Est-ce que c'est ainsi que je veux représenter les pauvres ?" Non. Assurément.

Mais si je suis honnête avec moi-même, n'est-ce pas ainsi que j'ai tendance à les voir ? Comme une masse informe, pitoyable ? Sinon, comment expliquer qu'il faille qu'ils meurent par demi-millier dans une Méditerranée dont je sais depuis deux décennies qu'elle est un cimetière pour réveiller une trop brève
indignation ?

Et je pourrai étendre cette question à celles et ceux qui dorment dans nos rues, à celles qui meurent sous les coups de leurs conjoints, aux populations des pays qui brûlent, se désertifient on sont menacés d'engloutissement. Si ma vocation est de prêcher, pourquoi ma prédication n'est-elle pas qu'un cri de détresse et de colère pour cette humanité déshumanisée ? Oui, ce choix d'illustration est à dénoncer, mais c'est bien ma tendance à cette "mévision" que je dénonce.

Je regimbe en revanche face à l'accusation de trahir « le message d'espérance » du psaume. Tout d'abord, parce que je ne parviens plus à lire ces psaumes, ces affirmations de foi comme des messages d'espérance ! Je ne vois pas Dieu se lever et l’espérance finit par sonner comme un opium du peuple. Plus qu'une espérance j'entends dans le psaume 12, et dans d'autres une plainte qui perd patience . Mais aussi une dénonciation.

En effet, la Bible ne nous a pas attendus, la Sf vintage et moi . pour dépeindre le déshérité sous des traits inhumains "je suis un vers et non un homme" crié le psalmiste. Du reste les puissants et les malfaisants sont eux aussi dépeint comme des bêtes. Cela heurte moins ma sensibilité, mais est-ce moins problématique ?

Puisque j’ai lié cela à ma vocation, celle de prêcher et donc de proclamer une Bonne Nouvelle, je ne me sens pas le droit de rester sur cette désespérante culpabilité qui n'appartient qu'à moi, je vais donc réaffirmer que je crois que si Dieu se lève, c'est en s'abaissant vers les déshérités.

Mais si ce Dieu qui s’abaisse me rejoint moi aussi, s'il me relève en me guérissant de mes cécités et de mes myopies, s’il m’appelle à voir celles et ceux que je plains et celles et ceux que je vois comme des adversaires comme des êtres humains, c'est d'abord en posant un diagnostic en m'obligeant à regarder en face ce que je vois.

J'aperçois des hommes, mais j'en vois comme des arbres qui marchent

Marc 8, 24

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