20 Mars 2006
Elle était socialiste, protestante et féministe...
Pourquoi les protestants sont-ils de gauche ? Avant même de répondre à cette question, il convient de rappeler qu'elle est une généralisation très hâtive, tant à l'échelle internationale qu'à l'échelle du protestantisme français : tous les protestants ne sont pas de gauche, loin s'en faut. Pourtant l'image demeure du protestant traditionnellement engagé à gauche. Cette image a certes des sources d'abord historiques et sociologiques. Mais je pense qu'il y a aussi des sources théologiques...
Ne comptez pas sur moi pour affirmer que l'Évangile est de gauche. J'aimerai bien mais c'est faux. L'Évangile n'est pas plus de gauche que de droite, c'est un message qui remet en cause toute idéologie, un message radicalement antipolitique ou anarchiste pour citer Ellul. Quels que soient nos choix politiques, l'Évangile nous invite à toujours remettre ceux-ci en question. Ce n'est donc pas par fidélité à l'Évangile que le protestantisme français a pu s'orienter à gauche.
En fait, on peut trouver une explication dans une certaine conception de l'homme. En effet, ni l'extrême droite (la préférence nationale est absolument incompatible avec l'Évangile), ni la droite conservatrice (traditionnellement catholique) n'étaient des options pour le protestantisme. Restait donc la droite libérale : après tout Max Weber n'a-t-il pas souligné les liens entre capitalisme et protestantisme ? C'est là que la vision de l'homme entre en jeu.
En effet, le libéralisme économique n'est compatible avec le christianisme que si l'on pense que spontanément le puissant et le riche va se porter au secours du plus démuni, que la justice et la générosité sont des élans naturels du cœur humain. (J'ai toujours perçu cet optimisme généreux chez les chrétiens (catholiques ou protestants) de droite avec qui j'ai discuté) Une image de l'homme qui n'a pas grand chose à voir avec le pessimisme anthropologique de Calvin... C'est ce pessimisme anthropologique qui expliquerait pourquoi le protestantisme a opté plutôt pour une politique dans laquelle le partage, l'aide au plus faible ne dépendrait pas de la seule bonté de l'homme mais où l'état jouerait un rôle de régulation et d'incitation à l'entraide.
Mais, qu'il soit de gauche ou de droite, le chrétien est toujours dans l'opposition. Une opposition constructibe, basée sur le dialogue mais une opposition constante et vigilante, fondée sur la conviction qu'à Dieu et à Dieu seul appartiennent le règne, la puissance et la gloire.
Pasteur de l'Eglise Réformée de France, amateur de jeux de société, de cinéma, de longues discussions
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