Les trois questions de l'eunuque
Publié le 11 Novembre 2007
Prédication du 11 novembre 2007
Esaïe LVI 1 à 8
Romains VI 1 à 10
Actes VIII 26 à 40
Dans cette rencontre entre Philippe et l’éthiopien, Philippe est l’évangéliste, celui qui annonce, celui qui parle mais curieusement, il n’est pas celui dont les paroles nous sont répétées. En
revanche, nous connaissons les propos de l’éthiopien et je vous propose de nous laisser guider ce matin par les trois questions de l’eunuque éthiopien : « Comment pourrais-je comprendre ce que je
lis si personne ne me guide ? » c-à-d qui nous poussera à réfléchir sur la bible et son interprétation, « De qui le prophète parle-t-il ? » et nous nous interrogerons sur le témoignage,
pour enfin répondre à cette question : « Qu’est ce qui empêche que je sois baptisé ? »
Comment pourrais-je comprendre ce texte, si personne ne me guide ? C’est vrai que la Bible nous apparaît souvent comme un livre crypté, très compliqué à lire
et très souvent, nous préférons nous en remettre à ceux qui nous paraissent le plus qualifié : les pasteurs, les théologiens, les professeurs. Et là, manifestement, le texte nous donne raison,
l’eunuque éthiopien, ignorant, s’en remet au théologien Philippe pour lui expliquer le texte. Tout est dans l’ordre. Sauf qu’on ne sait pas si Philippe est un théologien. En tout cas, il n’est
pas décrit comme tel dans les Actes des apôtres. Il est diacre, nommé par les apôtres (qui eux même sont très loin d’être des théologiens) pour s’occuper du service des tables, on le voit ensuite
comme évangéliste de la Samarie (mais là, ce sont les miracles opérés par Philippe qui font sa réputation) mais si l’évangile est placé dans sa bouche en tout cas, on ne site jamais ses discours.
Bref, Philippe comme théologien, comme érudit… Ca reste à prouver.
D’un autre côté nous avons l’eunuque éthiopien. Un ignorant ? là encore rien n’est moins sûr. Nous savons de l’eunuque qu’il est vraisemblablement un craignant Dieu. Nous savons également qu’il
est haut fonctionnaire de la reine d’Ethiopie (entre parenthèse, Candace n’est pas son prénom, c’est son titre de reine, comme César pour Rome ou Pharaon pour l’Egypte). Nous savons enfin, que de
retour de Jérusalem où il était en pèlerinage, il lit le prophète Esaïe. Bref, tout nous désigne cet homme comme un érudit plutôt qu’un ignorant. D’ailleurs la lecture dans la bible est
généralement signe de savoir plutôt que de découverte. Celui qui lit, c’est celui qui connaît. Le verbe grec que nous traduisons par lire : anagignwskw signifie étymologiquement connaître à fond.
On pourrais traduire la question de Philippe par « Connais tu vraiment ce que tu connais à fond (de bas en haut) ? » Bref, il y a une autre forme de connaissance que la simple maîtrise
intellectuelle de son sujet et c’est à cette autre forme de connaissance que Philippe guide l’eunuque éthiopien.
Ce qui devrait nous poser deux questions :
La première qui pourrait être une réaction autant qu’une question : « mais alors que faîtes vous de l’exégèse, de l’étude du texte. C’est vrai que c’est sans doute la marque de fabrique réformée,
que nous sommes très fier de notre étude des textes et à juste titre. Mais nous ne devons pas perdre de vue que l’essentiel est ailleurs. Petit souvenir de Luneraty : nous faisions visiter une
célèbre collection d’hortensia à des amis. Et nous avons eu la chance de bénéficier d’une visite guidée par un des responsables de cette collection qui nous a donc prodigué toutes sortes de
conseils pour obtenir de beaux hortensias… A ce moment, une de nos amis s’est tourné vers moi, et, connaissant mes compétences (ou plutôt mon absence totale de compétence) en jardinage, m’a posé
la question « Et toi, tu fais comment pour tes hortensias ? » « Rien, je les regarde pousser ». Les talents du jardinier, ses connaissances en botanique ne font pas pousser les fleurs, mais ils
lui permettent de les rendre plus belles et surtout, bien mieux que moi, d’en savourer la richesse. De même l’étude du texte permet souvent de mieux faire passer le message, elle peut faciliter
la compréhension du message et bien souvent elle évite un malentendu complet sur le texte. En effet, nous ne devons jamais oublier que ces textes n’ont pas été écrits pour nous mais pour une
société, une culture (des sociétés et des cultures serait plus exact) qui n’était pas la notre et qu’il nous faut travailler pour nous le rendre accessible. L’étude du texte est donc un outil
capital au service du message. Mais si le message n’est pas là à la base, l’étude ne sert à rien. On peut trouver un autre exemple avec « Corpus Christi » ou « La naissance du christianisme ».
Personnellement, malgré quelques désaccord et parfois un sentiment de simplification manipulatrice (inévitable dès qu’on regarde une émission de télé sur un sujet qu’on connaît pas trop mal)j’ai
trouvé cette émission tout à fait intéressante, stimulante intellectuellement, j’y ai même découvert des outils, des connaissances à mettre au service de ma foi. Mais si cette émission peut
intéresser, intellectuellement, un athée, je ne pense pas qu’elle puisse le bousculer, l’interroger dans son athéisme, elle ne peut pas être pour lui porteuse du message. Tout simplement parce
que Mordillat et Prieur se fichent éperdument de ce message. L’exégèse peut, et à mon avis, doit être mise au service de la proclamation mais je ne pense pas qu’elle puisse être une forme de
proclamation.
La deuxième question pourrait être celle du « Sola Scriptura ». Comment pouvez vous dire qu’il faut des témoins alors que les protestants affirment que la Bible suffit. Justement ce que les
protestant affirment c’est que la Bible est première et que l’important, c’est le message et pas ce que Mr. Untel, docteur en théologie nous dit qu’il faut comprendre du texte. Mais nous ne
pensons pas non plus qu’il suffirait de distribuer des bibles pour que tous ceux qui la lisent découvre aussitôt Jésus christ. Ca peut arriver, certes. La diffusion la plus large possible de la
bible est évidemment nécessaire. Mais nous avons aussi besoin de témoins, d’hommes et de femme qui osent dire « ce texte est plus qu’un texte, voilà comment il a changé ma vie. » Ce texte nous
donne un très bon témoignage : texte biblique plus témoignage de Philippe
Ces témoins, c’est nous, pas nous corps pastoral et théologien mais nous qui croyons, nous dont ces textes ont changé la vie. Je sais, je sais… « Ah mais
moi, je suis pas théologien, je ne suis pas pasteur, je saurais jamais trouver les bons mots. » Et pourtant ce texte nous dit clairement que tous nous sommes témoins.
Tout d’abord, il faut un peu de foi. Philippe ne se trouve pas sur la route de l’éthiopien par hasard. Mais pas non plus par calcul. Il se trouve là parce qu’un ange, un messager l’a placé là. Eh
bien, ne pensez-vous pas qu’il est possible que Dieu nous mette justement sur la route de ceux qui ont besoin de nous, au moment où ils en ont besoin ?
Ensuite, je l’ai déjà dit, on ne sait pas quel discours Philippe tient à l’eunuque. C’est à dire que ce discours, nous pouvons l’habiter, le faire nôtre. Puisque Luc ne nous raconte pas ce que
dit Philippe, le discours de celui-ci peut et doit devenir le nôtre. Attention, je n’ai pas dit que nous pouvions raconter n’importe quoi. La Bible est première dans le texte. Philippe utilise la
lecture de l’éthiopien. Il rebondit sur sa question : de qui le prophète parle-t-il ?qui est ce serviteur souffrant ? C’est cela l’évangile, la bonne nouvelle, l’incroyable nouvelle
devrais-je dire. C’est dans la faiblesse que le Dieu très haut nous rejoint. Il est là, précisément au moment où nous nous sentons le plus loin de lui, Il est là, juste quand nous nous sentons
complètement abandonné. Dieu se fait tellement petit, tellement bas, que nul ne peut se sentir encore loin de lui que nul ne peut se sentir trop écrasé pour que Dieu prenne garde à lui. C’est
cela dont nous pouvons être les témoins pour ceux qui nous entourent. Même au plus profond de ma faiblesse et de mon incapacité, même au plus noir de mes doutes et de mes incompréhension, Dieu me
rejoint et pour toi aussi, il est là. Ne te crois pas abandonné de Dieu, il est à tes côtés. Ne te crois pas indigne de lui, il reste ton Père. Ne te crois pas perdu pour lui, il sauve tout.
Cette nouvelle, pour peu qu’elle nous aie été donnée, nous pouvons tous en être témoins, chacun à notre manière, par nos paroles, par nos prières, par nos actions.
Et l’eunuque reçoit cette nouvelle. Sa dernière question : « Qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? » reflète à la fois la peur et
l’espérance.
La peur, c’est celle de la déception. Il connaît le Dieu d’Israël, il le révère et il l’aime au point de venir en pèlerinage vers sa ville, sa demeure, son Temple. Mais il n’est pas juif. Et il
est eunuque. Pour ses deux raisons, l’accès au Temple, à ce Dieu qu’il vénère lui est interdit. Il les connaît les religieux, il sait bien que derrière ces beau discours, il va forcément y avoir
un os, un obstacle. Qu’on va lui expliquer que non il ne peut pas recevoir le baptême comme ça, que c’est plus compliqué. Il n’a pas forcément tort d’ailleurs. Il suffit d’entendre nos réponses
actuelles à cette même question « Qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé » « Eh bien vous êtes trop jeune, pas assez croyant, on ne vous connaît pas assez, il faudrait qu’on soit sûr, le
baptême c’est important, on ne peut pas le brader… »
Mais le baptême qu’est ce que c’est ? Baptisés en J.C, nous dit Paul ,c’est dans sa mort que nous avons été baptisé. Avec Christ, nous sommes mort sur la croix, et tout ce qui nous retenait loin
de Dieu est mort. Avec Christ, nous sommes ressuscités, pour une vie nouvelle, libres de toute entrave. Et c’est incroyable cadeau que nous avons reçu sans le mériter d’aucune façon que nous
avons peur de brader ? Vous voyez que l’eunuque éthiopien a raison de se méfier…
« Qu’est ce qui empêche que je sois baptisé ? » La question est également pleine d’espoir puisqu’au même moment, l’eunuque fait arrêter son char prêt d’un point d’eau… Il sait déjà quelle
est la vraie réponse à cette question. Cette réponse que nous pouvons tous recevoir lorsque nous nous demandons ce qui nous empêche de vivre cette vie que Dieu veut pour nous. « Rien » Rien
n’empêche que tu sois baptisé, rien ne t’empêche d’être pris dans cette incroyable tourbillon de grâce qu’est la croix, rien ne l’empêche parce que pour toi, Jésus Christ a déjà tout accompli. Tu
es déjà sauvé. Plus rien ne te sépare de Dieu
Amen.